Il faudrait a minima, comme l'a dit le président, que les Parlements nationaux soient associés à l'ordre du jour et que les sujets soient plus ciblés sur des thèmes, comme, par exemple, la fiscalité des géants du numérique. L'enchaînement d'interventions de deux minutes sur la relance de la croissance en Europe, avec les déperditions liées à la traduction, a une portée très limitée.
Le déjeuner que nous avions organisé en marge de la conférence était intéressant. Ont participé Stephen Quest, directeur général de la fiscalité à la Commission européenne et chargé à ce titre des douanes, Maria Teresa Fabregas, directrice de la fiscalité indirecte, et Guillaume Drano, conseiller fiscal à la représentation permanente de la France à Bruxelles. Mais leurs propos ne nous ont pas rassurés, les sujets qui nous intéressent n'avancent pas.
Nous avons ainsi tout d'abord évoqué la TVA au sein de l'Union européenne. En 2016, la Commission européenne avait publié son « plan d'action TVA » pour consacrer le principe de destination et instaurer un guichet unique pour simplifier les obligations déclaratives des entreprises ; depuis 2018, la Commission européenne envisage également d'assouplir la possibilité pour les États de fixer des taux réduits de TVA. C'est un enjeu important, on le voit chaque année puisque le sujet revient lors de l'examen du projet de loi de finances. Dans le grand débat national, le Gouvernement ne le dit pas lorsque la TVA à taux zéro est évoquée : c'est impossible en France de le prévoir à l'heure actuelle, puisque les règles européennes ne l'autorisent que dans les États où cela existait déjà avant l'adhésion - c'est notamment le cas du Royaume-Uni. En tout état de cause, toute réforme est très difficile puisqu'en matière fiscale c'est l'unanimité qui prévaut, or il n'y a pas d'accord européen sur ce sujet.
J'ai également interrogé Stephen Quest sur la fraude à la TVA dans le commerce électronique, sur laquelle notre commission, qui s'intéresse au sujet depuis longtemps, a fait plusieurs propositions, telles que le split payment (paiement fractionné). Aucune avancée réelle n'est en vue.
Nos interlocuteurs ont aussi confirmé notre sentiment que les Allemands ne veulent pas entendre parler d'une taxe sur les entreprises du numérique, notamment par crainte de représailles américaines sur leurs exportations automobiles. D'ailleurs, lors de la conférence interparlementaire, des parlementaires allemands ont clairement affiché leur opposition : ils considèrent que la fiscalité relève de la souveraineté nationale. De plus, la Commission européenne estime que l'instauration d'une taxation à l'échelle nationale par des pays comme la France risque de fragmenter le marché intérieur.
Comment mettre fin à l'unanimité en matière fiscale, comme le propose la Commission européenne ? La réponse est dans la question : il faut une décision unanime...
Enfin, nous avons évoqué la question du Brexit. Le directeur général de la fiscalité a estimé que la douane française était parmi les services les mieux préparés ; reste qu'à raison d'une formalité douanière de deux minutes par camion, des queues de 22 kilomètres pourraient se former à Calais.
On m'a enfin indiqué que le montant des fraudes dites « carrousel » à la TVA atteignait 50 milliards d'euros par an au sein de l'Union européenne. Je ne comprends pas le manque d'intérêt du Gouvernement pour cette question. Lors de ma visite à la direction nationale des enquêtes fiscales de Bercy, j'y ai trouvé des fonctionnaires très volontaires mais aussi démunis, ce qui peut les décourager. Plutôt que d'augmenter l'imposition des contribuables, il faudrait commencer par faire rentrer des impôts dus. La fraude carrousel est pratiquée par des organisations criminelles.
Le soir, nous avons également rencontré le représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne, Philippe Léglise-Costa. Nous avons notamment évoqué la politique industrielle, après l'échec de la fusion entre Siemens et Alstom. De nombreux pays interrogent l'objectif de constituer des champions industriels européens, notamment l'Espagne et l'Italie, qui craignent des entraves au libre jeu de la concurrence et une augmentation de prix pour les consommateurs.