Pour répondre, il faut se pencher sur la croissance potentielle, et ensuite seulement s'intéresser aux politiques conjoncturelles qui ont une incidence sur la croissance réelle. La croissance potentielle dépend de la progression de la population et de l'évolution de la productivité. Ce sont ces deux facteurs qui assurent aux États-Unis une croissance potentielle naturellement supérieure à celle de l'Europe : 2 %, hors choc, hors décisions politiques. L'économie française se situe à 1,2 % ; l'Italie a en tendance, à moyen terme, une croissance potentielle nulle parce que sa population n'augmente pas et que sa productivité est négative. C'est cela qui pose problème : les taux d'intérêt les plus bas seront toujours plus élevés que la croissance potentielle. La France, avec une croissance potentielle de 1,2 % et une inflation à dix ans de 2 %, atteint 3 % de croissance nominale à dix ans, or les taux d'intérêt sur cette maturité se situent à 0,56 % : bien sûr qu'il faut en profiter et investir ! En Italie, les taux à dix ans s'établissent à 3 %, la croissance à 0 % : ce pays est dans une spirale problématique pour l'emploi et les finances publiques, sans rapport avec la situation française ou allemande. L'Allemagne n'a pas une croissance potentielle nettement supérieure à la nôtre, faute d'évolution démographique favorable - en dépit d'un appel à l'immigration et d'une augmentation des taux d'activité. Nos croissances économiques potentielles sont similaires. Les différences à court terme tiennent aux politiques économiques, transitoires.
Connaît-on aujourd'hui une situation nouvelle, dans laquelle notre pays aurait de meilleures performances ? Entre 2008 et 2012, le chômage était bien moindre en France qu'en Espagne ; notre pays a traversé une année de récession, l'Espagne, quatre, avec un taux de chômage allant jusqu'à 25 %. Notre voisin rebondit plus fortement, mais après et avant la crise, la France était mieux placée, dans le peloton de tête, bien que derrière l'Allemagne.
Un décrochage est intervenu chez nous à partir de 2013. Le précédent gouvernement a choisi globalement une politique de l'offre, financée par une politique de demande : les 40 milliards d'euros du CICE et du pacte de responsabilité transférés aux entreprises ont été financés par une hausse de 40 milliards d'euros de prélèvements obligatoires sur les ménages. Le choc de demande est immédiat, violent, mais ponctuel. Le choc d'offre est pérenne dans le temps mais long à se diffuser. Les effets en sont apparus au début du quinquennat en cours.
L'élasticité est le cauchemar du Haut Conseil des finances publiques ! On ne sait pas du tout prévoir l'élasticité des recettes à l'évolution du PIB. Le plus prudent est de retenir une élasticité à 1 ; selon les années, celle-ci est inférieure ou supérieure à 1... La recherche économétrique n'a pas résolu cette question.