Merci de votre accueil. La charte des Nations unies prévoit trois piliers, autour desquels l'ONU est organisée : paix et sécurité ; développement durable, ce qui inclut l'environnement ; droits de l'homme. Si aucun pilier n'est traité en silo, il existe des organes pour chacun. Celui du premier est le Conseil de sécurité. Sa particularité est que, selon l'article 25 de la charte des Nations unies, les décisions qui y sont prises sont de nature exécutoire. C'est ce qui donne au Conseil de sécurité une robustesse, une puissance considérables. Il est l'instrument par excellence de la gestion multilatérale des crises. C'est pour cela que nous y sommes si attachés. Une gestion unilatérale signifierait évidemment la loi du plus fort. Aussi, nous faisons en sorte que le Conseil de sécurité soit à même de remplir pleinement son rôle. La situation en Syrie est un bon exemple de ce qui se passe quand aucun outil du Conseil de sécurité ne peut être employé parce qu'un ou plusieurs membres les bloquent. Pour nous, il est essentiel que le Conseil de sécurité soit en mesure de fonctionner.
Le Conseil de sécurité ne prend pas seulement des décisions - même si c'est le cas plusieurs fois par mois. Il adopte aussi des déclarations, qui sont des messages politiques revêtus de son autorité, pouvant prévenir des crises ou éviter leur aggravation. Il dispose de toute une gamme d'outils. Une résolution est adoptée si elle recueille neuf voix favorables sur les quinze membres, et aucune voix négative des 5 membres permanents.
Le Conseil de sécurité est confronté à des défis. Certains États membres permanents comme la Russie usent et abusent de leur droit de veto, d'autres, comme les États-Unis, ont un engagement incertain ou imprévisible. Si la Chine s'implique de plus en plus, son positionnement reste encore largement à définir. Les autres membres, en revanche, sont plus que jamais mobilisés pour que le Conseil de sécurité fonctionne. Ils s'engagent pour qu'il soit à la hauteur des attentes, face à un nombre constant de crises. C'est dans ce contexte que notre présidence s'inscrit.
La présidence, tournante et mensuelle, ne confère pas de prérogative particulière. L'ambassadeur de France, qui présidera le Conseil de sécurité en mars, restera également le représentant de la France. La présidence consiste à organiser les travaux, principalement des réunions quotidiennes formelles ou non, ouvertes ou fermées, sur différents dossiers. Ces réunions sont de quatre types : celles qui répondent au calendrier des échéances régulières, obligatoires, telles que les renouvellements de mandats ou l'examen de rapports du secrétaire général ; celles au cours desquelles des textes sont adoptés, à la suite de négociations ; des réunions ad hoc, lorsque le Conseil doit faire face à des urgences, réagir aux crises et adopter des textes non prévus par le calendrier régulier ; enfin des réunions proposées par la présidence en tant que telle, qui peuvent être déconnectées de l'actualité immédiate, qui lui tiennent à coeur. Il peut s'agit de débats thématiques ou de missions de terrain. Ces quatre types de réunions sont prévus au cours de la présidence française. Ce sera une responsabilité lourde pour la France, à la fois administrative, pour faire fonctionner le Conseil de sécurité, et politique, pour que les travaux arrivent à leurs fins.
La dernière présidence française date d'octobre 2017. Les grands thèmes en avaient été : « femmes, paix et sécurité » - sur le rôle des femmes non seulement en tant que victimes mais aussi en tant que négociatrices ; la Birmanie et la crise des Rohingyas ; les opérations de maintien de la paix ; l'humanitaire et la défense du personnel, notamment médical, dans les conflits armés.
La présidence de mars sera l'occasion de matérialiser notre attachement au multilatéralisme. Nous renouvellerons le mandat d'opérations telles que celles au Sud-Soudan, en Somalie, en République démocratique du Congo et en Afghanistan, soit presque un quart des opérations de l'ONU.
Nous réfléchissons à donner à notre présidence une tonalité forte sur le Mali et le Sahel, où un déplacement des ambassadeurs du Conseil de sécurité est prévu afin d'inciter les parties au processus de paix à respecter leurs engagements. La séquence malienne sera conclue par la visite du ministre de l'Europe et des affaires étrangères à New York en mars, à l'occasion de laquelle il devrait présider une réunion du Conseil de sécurité aux côtés du Premier ministre malien. Ce sera l'occasion d'étudier un rapport du secrétaire général sur l'état d'avancement du processus de paix au Mali, six mois après l'entrée en fonction du président Ibrahim Boubacar Keïta. Je rappelle que le mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) doit être renouvelé en juin.
Nous avons également prévu un important éclairage européen, le 29 mars étant la date prévue du Brexit. Le Conseil de sécurité accueillera la haute représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini, sans doute mi-mars. Ce sera l'occasion de rappeler que l'Union européenne est le premier partenaire des Nations unies dans la mise en oeuvre de ses objectifs.
Nous espérons également faire adopter une résolution sur le financement du terrorisme.
Enfin, nous aborderons le dossier « Femmes, paix et sécurité », qui nous tient particulièrement à coeur puisqu'il faut moderniser la gestion de crise.
Cette présidence aura une spécificité : elle fera pour la première fois l'objet d'un jumelage, entre la France et l'Allemagne. Celui-ci est né de la coïncidence alphabétique en langue anglaise entre France et Germany. Ce n'est pas une présidence conjointe mais une présidence jumelée, coordonnée, rapprochée, avec l'affichage d'un fort leadership franco-allemand. La France et l'Allemagne sont deux champions du multilatéralisme, auquel les ministres Le Drian et Maas affichent leur attachement. Nous voulons utiliser cette coïncidence pour amplifier nos messages. À titre d'exemple, la mission au Mali sera placée sous présidence franco-allemande et nous organiserons des briefings communs. Pour autant, nous ne modifierons pas les règles. Nous n'allons évidemment pas non plus vers un siège commun ou partagé. Le ministre de l'Europe et des affaires étrangères l'a dit très clairement. Ce n'est de toute façon pas possible et ce ne serait pas dans l'intérêt de l'Union européenne, dont des États membres occupent un tiers des sièges du Conseil de sécurité.