Intervention de Emmanuelle Wargon

Réunion du 14 mars 2019 à 14h30
Précarité énergétique des ménages — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Emmanuelle Wargon :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Gay, ce débat est consacré à la précarité énergétique, devenue, vous avez malheureusement raison, une réalité pour nombre de nos concitoyens.

La lutte contre la précarité énergétique est donc un enjeu important de nos politiques de transition énergétique et de lutte contre la pauvreté.

Vous avez cité des données, je parlerai de celles de l’Observatoire national de la précarité énergétique : 11, 9 % des Français ont consacré, en 2017, plus de 8 % de leurs revenus au chauffage, contre 13, 8 % en 2013. Les progrès sont donc réels, mais extrêmement lents.

L’enquête annuelle du médiateur de l’énergie montre que 15 % des répondants ont souffert du froid plus de vingt-quatre heures dans leur logement, 40 % d’entre eux en raison d’une mauvaise isolation.

La précarité énergétique, ce sont des difficultés individuelles de ménages qui ne vivent pas bien, en tout cas pas dans un logement confortable, pour qui les dépenses de chauffage et de transports sont trop élevées et qui ont, vous l’avez rappelé, du mal à payer leur facture d’énergie.

Pour répondre à cette situation d’urgence énergétique et sociale, le Gouvernement a déjà mis en place des aides dédiées et les améliore chaque année.

En 2015, environ 158 000 ménages ont bénéficié d’une aide du Fonds de solidarité pour le logement pour payer leur facture d’énergie. On a dénombré, en 2017, près de 550 000 interventions des fournisseurs d’énergie à la suite d’impayés.

Depuis 2017, nous avons renforcé ces mesures. Nous les renforcerons encore en 2019 et en 2020. Elles portent d’abord sur les dispositifs facilitant le paiement des factures d’énergie. Je pense notamment au chèque énergie, créé par la loi de 2015 et généralisé en 2018. Il a profité, l’année dernière, à plus de 3, 6 millions de ménages. Indépendant du mode de chauffage, il est plus équitable que les anciens tarifs sociaux de l’électricité et du gaz, et les ménages le reçoivent automatiquement, dès qu’ils y sont éligibles.

À l’automne 2018, nous avons annoncé l’élargissement de ce chèque énergie à 5, 8 millions de ménages. Nous en avons également augmenté le montant moyen de 150 euros à 200 euros. Nous continuerons à améliorer ce dispositif dans les années à venir à la fois avec une procédure de droit à l’erreur et avec une automaticité du chèque et des droits associés encore plus grande.

Toutefois, ce sont les logements eux-mêmes qui constituent le fond du problème. C’est la raison pour laquelle nous portons notre effort sur la rénovation. Notre objectif est de réaliser 500 000 rénovations énergétiques par an, dont 150 000 pour les passoires énergétiques du parc privé – les plus importantes – et 100 000 logements sociaux que nous rénovons avec le concours de la Caisse des dépôts et du grand plan d’investissement.

Aujourd’hui, la France compte environ 7 à 8 millions de passoires énergétiques dont nous savons que la moitié est habitée par des ménages modestes ou très modestes.

Plusieurs outils existent : le crédit d’impôt pour la transition énergétique, ou CITE, les aides de l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, la mobilisation des certificats d’économie d’énergie, ou C2E. Tout cela placé dans le cadre du plan Rénovation qui a été adopté en avril 2018.

Cette même année, l’ANAH a accompagné 62 000 rénovations dans le cadre de son programme Habiter mieux, soit près de 20 % de plus qu’en 2017. Son objectif est d’atteindre 75 000 rénovations aidées par an. Vous le savez, l’action de l’Agence permet de rechercher la synergie entre l’efficacité énergétique et d’autres axes d’intervention tels que la lutte contre l’habitat indigne ou le redressement de copropriétés en difficulté.

Ces rénovations sont ambitieuses et ont un effet extrêmement positif en matière d’économies d’énergie : nous constatons en moyenne un gain de 40 %.

Nous nous appuyons également, dans le cadre de cette politique publique, sur les certificats d’économie d’énergie. Entre début 2016 et mars 2018, ces certificats ont permis la rénovation d’environ 200 000 logements. L’obligation précarité énergétique dans le programme des C2E, entre 2018 et 2020, représente un investissement de près de 2 milliards d’euros sur trois ans.

Selon l’enquête « Travaux de rénovation énergétique des maisons individuelles », ou Trémi, de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie – l’Ademe –, nous estimons à environ 350 000 le nombre de rénovations énergétiques de logements chaque année.

Nous travaillons à mieux évaluer ces rénovations. Cela fait partie des objectifs que nous nous sommes donnés dans le plan de rénovation énergétique des bâtiments avec la création d’un observatoire.

Nous travaillons aussi sur le financement complémentaire. En loi de finances pour 2019, nous avons très fortement simplifié l’éco-prêt à taux zéro, ou éco-PTZ, à la fois sur les types de travaux et sur les types de logements éligibles.

Les C2E nous permettent également de mobiliser les banques pour faire en sorte qu’elles expliquent elles-mêmes à nos concitoyens les différentes aides dont ils bénéficient et la capacité à mobiliser des financements complémentaires.

Nos efforts portent également sur le terrain de la mobilité. Vous avez cité l’étalement urbain, monsieur le sénateur, et il est vrai que, dans les territoires ruraux et périurbains, la voiture reste indispensable.

Nous avons un double objectif de réduction des pollutions en termes de consommation de carburant et d’accompagnement des ménages les plus modestes.

Je citerai uniquement la mise en place de la prime à la conversion pour les vieux véhicules : 300 000 dossiers déposés en 2018, 255 000 traités et 71 % de ménages non imposables aidés à hauteur de 2 000 euros.

Nous avons renforcé cette prime en 2019 avec un doublement pouvant atteindre 4 000 euros, voire 5 000 euros, pour l’acquisition d’un véhicule électrique par des personnes relevant des deux premiers déciles de revenus ou des personnes non imposables roulant plus de soixante kilomètres par jour pour leurs déplacements professionnels.

Nous savons que nous devons aller encore plus loin en matière de lutte contre la précarité énergétique. Nous allons d’abord intensifier l’action en faveur des ménages modestes : en 2020, l’ANAH versera directement aux ménages éligibles l’équivalent du CITE sous forme de primes.

En effet, ce crédit d’impôt, versé pour l’instant avec une année de décalage, constitue un facteur bloquant important pour les ménages modestes ou très modestes.

Nous savons aussi que nous devons mieux informer les acteurs de la rénovation et les ménages. Nous devons mieux coordonner les actes, les financeurs et les moyens d’information sur la rénovation énergétique sous la bannière unique du réseau Faire, pour Faciliter, accompagner et informer pour la rénovation énergétique. La charte de ce réseau sera signée par plusieurs dizaines d’acteurs en avril prochain, sous l’égide du ministre d’État, François de Rugy, et de Julien Denormandie, ministre du logement.

Enfin, nous devons repenser l’organisation générale du service public de l’efficacité énergétique. Au regard du travail engagé avec Régions de France sur la définition précise de ses missions et sur ses modalités de financement, l’objectif est de proposer des solutions de mise en œuvre nationale et des déclinaisons régionales à partir du troisième trimestre de 2019 dans des territoires pilotes.

Nous devons venir à bout des passoires thermiques, en particulier dans le parc locatif privé. L’orientation retenue par la programmation pluriannuelle de l’énergie consiste à renforcer les aides pour les propriétaires bailleurs avant d’envisager d’éventuelles phases plus normatives.

Dès lors, d’ici à 2021, la location d’un logement privé de catégorie F ou G ou la mutation d’un même logement seront soumises à la réalisation d’un audit énergétique. Pour accompagner cette obligation, il est d’ailleurs prévu de financer cet audit pour les ménages modestes, propriétaires de logements de type passoire énergétique.

Nous savons que le chemin est long, que nous devons encore renforcer les moyens et imaginer d’autres formes d’intervention. Nous attendons aussi le retour des propositions issues du grand débat national en cours dont j’espère qu’elles amèneront de nouvelles idées concrètes. En tout cas, soyez assurés que la mobilisation de ce gouvernement pour la lutte contre la précarité énergétique est totale.

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