Intervention de Fabien Gay

Réunion du 14 mars 2019 à 14h30
Précarité énergétique des ménages — Conclusion du débat

Photo de Fabien GayFabien Gay :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous remercie de ce débat. Je veux vous faire part de cinq réflexions, car il est complexe de conclure une telle discussion.

En premier lieu, madame la secrétaire d’État, lorsque l’on parle de précarité énergétique, il faut se mettre d’accord sur le mode de calcul ; c’est une véritable question. L’Observatoire national de la précarité énergétique a sorti deux millions de nos concitoyens des chiffres de la précarité énergétique, parce que le froid ressenti n’est plus pris en compte. Or, selon les estimations de certains d’entre nous, 30 % des ménages en France souffrent du froid ressenti.

Nous vous faisons en outre une proposition, celle d’ajouter à cette question le sujet de la mobilité. En effet, on le sait, l’augmentation du prix de l’essence s’inscrit dans la précarité énergétique. Nous pensons notamment à nos concitoyens qui n’ont pas d’autre choix que de prendre leur voiture pour aller au travail, à ceux qui sont en zone blanche des transports publics – cela touche non seulement les territoires ruraux, mais aussi un certain nombre de nos concitoyens qui vivent dans des quartiers ou des banlieues populaires.

En deuxième lieu, on doit traiter les causes et non les conséquences. Nous avons un désaccord sur le chèque énergie, madame la secrétaire d’État. Vous affirmez que ce dispositif aide ses bénéficiaires ; c’est vrai, mais, en réalité, une partie non négligeable de nos concitoyens ne le demande pas, parce qu’ils ne savent pas qu’ils y sont éligibles.

Par ailleurs, l’Observatoire national de la précarité énergétique indique que, pour sortir un ménage de la précarité énergétique, il faudrait en moyenne entre 526 et 735 euros. Le chèque énergie se situe autour de 150 euros. On voit donc un écart non négligeable, c’est pourquoi nous refaisons cette proposition : il faut d’urgence augmenter les salaires dans ce pays, à commencer par le SMIC, en ouvrant des négociations dans chaque branche salariale pour tirer les rémunérations vers le haut, afin que les gens puissent vivre dignement et payer leurs factures.

En troisième lieu, vous n’avez pas répondu, madame la secrétaire d’État, à une question qui nous paraît essentielle, celle de la libéralisation et de la privatisation des services publics de l’énergie. Vous êtes d’ailleurs en train de finir le travail pour Engie, au travers du projet de loi relatif au plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, dit projet de loi Pacte – enfin, nous verrons ce qu’il en advient, car ce texte doit être de nouveau soumis au Sénat, et je pense que nous serons mobilisés, pas uniquement sur la privatisation d’Engie, sans même parler d’Aéroports de Paris.

En outre, on le sait, vous voulez aussi démanteler EDF, en créant trois filiales. §Si, madame la secrétaire d’État, ne le niez pas ! Un certain nombre de personnes que nous entendons en audition, par exemple de syndicalistes d’EDF, nous indiquent qu’il se murmure dans les couloirs de cette société qu’il pourrait y avoir à l’avenir trois filiales. Du reste, EDF est maintenant obligée de vendre son électricité d’origine nucléaire à la part du privé.

Nous vous reposons donc une question extrêmement politique, presque philosophique : pensons-nous qu’une société privée peut répondre à un défi d’avenir et aux besoins humains, alors qu’elle vise avant tout un objectif de profit ? Nous ne sortirons pas les gens de la précarité énergétique si tous les secteurs de l’énergie sont libéralisés, ouverts à la concurrence, privatisés.

En quatrième lieu – mon collègue Roland Courteau l’a rappelé, parmi d’autres –, en matière de rénovation thermique des logements, il nous faut un plan Marshall. Je l’ai souligné dans mon propos introductif, si nous continuons d’encourager la rénovation énergétique des bâtiments selon le modèle actuel, il faudra cent quarante ans pour la mener à bien. On ne peut donc pas laisser les collectivités seules face à ce défi ; l’État doit investir, de toute urgence, sur cette question.

En cinquième lieu, enfin, nous avons fait plusieurs propositions – la réduction à 5, 5 % de la TVA en matière énergétique, l’interdiction des coupures d’électricité tout au long de l’année pour les familles précaires ou encore l’annulation de la contribution au service public de l’électricité pour ces familles. Vous n’y avez pas répondu, mais vous aurez l’occasion de le faire, puisque le groupe communiste républicain citoyen et écologiste a déposé une proposition de loi visant à instaurer un droit effectif à l’accès à l’énergie et à lutter contre la précarité énergétique. J’espère, par conséquent, que nous aurons la possibilité d’y revenir, et que vous pourrez nous y répondre favorablement.

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