Intervention de Annick Billon

Réunion du 14 mars 2019 à 14h30
Lutte contre le mariage des enfants les grossesses précoces et les mutilations sexuelles féminines — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Annick BillonAnnick Billon :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de résolution que mes collègues Maryvonne Blondin, Marta de Cidrac et moi-même avons l’honneur de vous présenter aujourd’hui est l’aboutissement de travaux de la délégation aux droits des femmes. Ces fléaux que sont le mariage forcé, les grossesses précoces et les mutilations sexuelles menacent les femmes et sont largement répandus dans le monde.

Cette proposition de résolution, largement cosignée par plus de cent sénateurs et sénatrices, de groupes divers, illustre la participation du Sénat à une mobilisation dans laquelle se sont déjà inscrits le Parlement européen et l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. L’inscription de cette proposition de résolution à l’ordre du jour de notre assemblée est un acte fort qui fait écho à la Journée internationale des droits des femmes du 8 mars, à la Journée onusienne de tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines, célébrée le 6 février, et à la Journée internationale de la fille, inscrite à l’agenda de l’ONU depuis 2012.

L’actualité récente conforte notre délégation dans ses choix : la première lauréate du prix Simone-Veil, Aïssa Doumara Ngatansou, est une militante engagée dans son pays contre le mariage forcé et le viol, qui en est toujours le tragique corollaire ; le lancement, par la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, dix jours précisément avant cette séance, d’un plan pour éradiquer l’excision.

Nous ne pouvons que nous réjouir, monsieur le secrétaire d’État, de cette convergence entre le Sénat et le Gouvernement dans la lutte contre ce scandale qui fait chaque année, dans le monde, trois millions de victimes : des femmes, des jeunes filles et des fillettes, parfois même des nourrissons de quelques jours. Toute leur vie, ces femmes seront durement affectées par ces pratiques barbares.

Monsieur le secrétaire d’État, la délégation aux droits des femmes du Sénat, par ma voix, vous rappelle sa disponibilité pour travailler ensemble sur nos conclusions. Ce fléau sévit bel et bien sur notre territoire. Il menace des adolescentes qui fréquentent nos établissements scolaires et qui risquent, à l’occasion de congés passés dans le pays d’origine de leur famille, de se retrouver excisées, puis mariées contre leur gré. On sait par ailleurs que des mineures excisées accouchent dans nos hôpitaux.

Quelques chiffres effrayants : toutes les sept secondes dans le monde, une fille de moins de 15 ans est mariée contre son gré ; le mariage forcé concerne, chaque année, 12 millions de filles de moins de 18 ans. À un âge où elles devraient aller à l’école et jouer, ces filles sont confrontées à l’horreur du viol conjugal et à des grossesses auxquelles leur organisme n’est pas adapté. Une fille sur cinq donne naissance à son premier enfant avant 18 ans. Les grossesses et les accouchements précoces causent chaque année 70 000 décès dans le monde. Les complications de la grossesse et de l’accouchement sont la deuxième cause de décès des filles de 15 ans à 19 ans. Les effets de ces grossesses précoces sont effroyables sur la santé des enfants.

Hélas, le fléau du mariage des enfants n’est pas en voie de régression, bien au contraire. La multiplication des zones de crises humanitaires conduit certains parents confrontés à la misère et à l’endettement à souhaiter marier leurs filles, même très jeunes. Le mariage des enfants aggrave la pauvreté.

La mobilisation contre le mariage des enfants dans le cadre de la présidence française du G7, qui a inscrit à son ordre du jour la question de l’éducation des filles, doit être généralisée.

Je souhaite saluer, cet après-midi, l’engagement de celles et ceux – professionnels et bénévoles, hommes et femmes – qui œuvrent chaque jour pour lutter contre des pratiques inacceptables que le relativisme culturel ne saurait justifier. Notre délégation plaide régulièrement pour que les structures engagées contre les violences faites aux femmes, et principalement les associations, disposent de moyens en cohérence avec l’ampleur des besoins. J’espère, monsieur le secrétaire d’État, que nous serons enfin entendus aujourd’hui.

Pour conclure, je remercie nos collègues sénateurs qui ont signé cette proposition de résolution. Les combats que mène la délégation aux droits des femmes, nous en sommes convaincus, ne rencontreront le succès que s’ils sont aussi portés par des hommes.

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