Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au lendemain de la Journée internationale des droits des femmes et de la remise du prix Simone-Veil à la Camerounaise Aïssa Doumara, qui, à travers son association, vient en aide aux victimes de viols et de mariages forcés dans son pays, la délégation aux droits des femmes nous invite à débattre de la proposition de résolution pour soutenir la lutte contre le mariage des enfants, les grossesses précoces et les mutilations sexuelles féminines. Cette proposition de résolution s’inscrit dans la continuité des travaux de la délégation aux droits des femmes.
Les mutilations sexuelles, les mariages forcés et les grossesses précoces touchent aux droits fondamentaux des femmes et des enfants. Aucune tradition ne saurait justifier des pratiques barbares qui bafouent les droits des enfants et des femmes.
Les statistiques terribles ont été rappelées, mais elles méritent d’être martelées : toutes les sept secondes dans le monde, une jeune fille de moins de 15 ans est mariée contre son gré ; une fille sur cinq met au monde son premier enfant avant l’âge de 18 ans ; plus de 70 000 décès sont causés chaque année par les grossesses et les accouchements précoces.
Le mariage forcé n’est pas une violence isolée. Il faut rappeler que le mariage forcé des jeunes filles revient à un viol conjugal permanent, dont il faut aussi souligner les dimensions pédophiles aggravantes.
Dans le cadre du mariage forcé, les filles sont considérées comme monnaie d’échange, soumises au bon vouloir des hommes. En privant les filles de scolarisation, elles sont empêchées de s’émanciper un jour de la tutelle des hommes.
La scolarisation et l’éducation des filles comme des garçons restent le meilleur moyen de retarder et de prévenir le mariage des enfants. Il est donc indispensable d’investir massivement dans une éducation de qualité pour les filles, notamment pour les plus défavorisées.
Le mariage précoce et forcé persiste, voire se développe dans les régions en crise où la détresse économique et sociale a des conséquences dramatiques sur la situation des enfants.
Il existe un continuum entre mariage des enfants et mutilations sexuelles féminines : selon de nombreux témoignages, il est fréquent qu’une très jeune fille subisse une excision pour être ensuite mariée de force. Les statistiques mondiales des mutilations sexuelles féminines sont tout aussi dramatiques que celles des mariages précoces. Toutes les quinze secondes dans le monde, une fillette ou une femme est excisée. Le nombre de victimes s’élève actuellement à 200 millions, dont 44 millions ont moins de 15 ans. Il s’agit donc véritablement d’une violence faite aux femmes et aux enfants.
Face à ces terribles constats, la proposition de résolution souligne que l’inscription à l’état civil d’un enfant est un droit fondamental qui conditionne la réalisation d’autres droits. À défaut, une personne qui n’est pas déclarée à l’état civil peut être exposée à toutes sortes de trafic.
La proposition de résolution rappelle que, en 2006, sur l’initiative du Sénat, le mariage au-dessous de l’âge de 18 ans a été interdit, pour les filles comme pour les garçons – cette règle peut avoir valeur d’exemple pour tous les pays engagés dans la lutte contre les mariages précoces. Elle manifeste son soutien aux acteurs de la lutte contre le mariage des enfants et les mutilations sexuelles féminines et souhaite que les moyens qui leur sont attribués soient à la hauteur des besoins.
Monsieur le secrétaire d’État, les subventions attribuées par la France aux associations investies dans la lutte contre le mariage forcé et les mutilations sexuelles féminines devraient faire l’objet d’un effort spécifique et être sanctuarisées dans un cadre pluriannuel.
Les personnels scolaires se trouvent en première ligne pour contribuer au repérage et à l’orientation des victimes potentielles. La proposition de résolution appelle à sensibiliser les personnels de l’éducation nationale, y compris les infirmières, les psychologues et les médecins scolaires aux risques encourus par les jeunes filles qui, à l’occasion d’un séjour dans le pays d’origine de leur famille, pourraient être excisées et mariées de force.
Les moyens de la médecine scolaire doivent donc être renforcés pour mettre en œuvre un meilleur repérage des victimes et la protection des petites filles et des adolescentes contre l’excision et le mariage précoce.
La proposition de résolution appelle de ses vœux que la diplomatie française continue à mettre l’accent sur le caractère crucial de l’accès à l’éducation pour toutes les filles, et qu’elle soit particulièrement attentive au sort des fillettes, des adolescentes et des femmes dans les régions en crise. Monsieur le secrétaire d’État, nous comptons sur un engagement fort de notre pays pour protéger les enfants et les jeunes filles dans ces régions.
Enfin, je tiens à remercier la présidente de la délégation aux droits des femmes de nous donner l’occasion de débattre de la lutte contre les mariages forcés, les mariages des enfants et les grossesses précoces. Je profite de cette occasion pour saluer également le travail remarquable de mes collègues Marta de Cidrac et Maryvonne Blondin.
Le Sénat doit être impliqué dans ce combat, et cette proposition de résolution manifeste concrètement l’engagement de notre institution en faveur de cette cause.
Le groupe Les Républicains votera bien évidemment en faveur de l’adoption de cette proposition de résolution.