Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à Lille-II, il y a quelques années, la faculté de droit avait décidé d’ouvrir un master de droit consacré à la direction des structures dans le champ social. J’en étais le professeur de droit de la famille.
Quelques étudiants avaient choisi de s’intéresser, pour leur stage de validation d’études, à la problématique des grossesses précoces dans le Nord, nombreuses selon les statistiques. Les étudiants voulaient rencontrer les jeunes filles concernées afin d’étudier leurs difficultés et voir comment les assistantes sociales pouvaient leur apporter une aide personnalisée et leur donner une chance de sortir de la précarité. À leur grand étonnement, les équipes éducatives les ont dirigés vers les collèges. Eh oui, c’est bien dans des collèges que ces étudiants ont pu rencontrer des filles en situation de grossesse précoce ! Je me souviendrai toujours de cette anecdote glaçante, et je souhaitais la partager avec le Sénat et avec vous, monsieur le secrétaire d’État.
Conseillère générale, je me rendais très souvent dans les foyers de mères enfants du Nord. J’y ai vu des jeunes filles en grande précarité, confrontées au plus grand des défis : être mère. Certaines d’entre elles avaient même deux petits lits dans leur chambre, un à barreaux et un berceau. Beaucoup étaient protégées pour elles-mêmes en tant que mineures en danger et leur propre enfant faisait aussi l’objet d’une protection judiciaire d’assistance éducative.
Notre système d’éducation sexuelle préventive ne semble pas être suffisamment efficace. Je voulais profiter de nos débats pour retracer ce contexte, national et régional, en particulier devant vous, monsieur le secrétaire d’État.
Ayons une pensée pour toutes les petites Françaises nées ce jour ! Quel sort sera réservé à Marie, à Sarah ou à Inès ? La logique voudrait qu’elles soient égales en tout point à leurs compatriotes masculins, tous les citoyens naissant libres et égaux en droits en France… Si elles étaient nées ailleurs sur le globe, elles auraient pu subir des mutilations sexuelles moyenâgeuses, telles que l’excision. Pas en France, me direz-vous… C’est pourtant le cas, car la réalité est plus sombre.
Selon le collectif Excision, parlons-en !, plus de 60 000 femmes ayant subi cette pratique vivent en France de nos jours et près de 500 000 dans toute l’Union européenne. Et ces chiffres croissent chaque année ! Comment l’accepter ? Encore en France, près de 70 000 de nos jeunes filles vivraient dans la crainte d’un mariage forcé.
La présente proposition de résolution pour soutenir la lutte contre le mariage des enfants, les grossesses précoces et les mutilations sexuelles féminines est donc indéniablement nécessaire.
En France, la législation n’a cessé d’évoluer depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale pour parvenir, en principe, à une égalité des droits entre les femmes et les hommes. Je ne peux m’empêcher d’avoir une pensée pour Simone Veil, notre exemple à tous, et je suis très heureuse que ce sentiment soit partagé dans cet hémicycle.
Mais il reste encore beaucoup à faire pour changer les mentalités dans l’Hexagone et au-delà. Un flash d’information circule en ce moment sur les écrans de télévision pour dire qu’il n’y a rien de viril à frapper une fille. J’espère que ce message sera entendu et fera évoluer la mentalité des jeunes garçons.
J’ai passé ma vie universitaire à me féliciter de voir des jeunes femmes sortir majors de leurs promotions, rafler les premières places dans des concours prestigieux et s’affirmer dans leurs vies professionnelles. Je ne peux m’empêcher, malgré tout, de m’étonner de leur absence dans les plus hautes sphères de notre société.
Le temps a fait son œuvre et les femmes sont de plus en plus nombreuses à décrocher la place qu’elles méritent, mais cette progression est encore trop lente.
Profitons de l’occasion de cette proposition de résolution pour réaffirmer nos principes, nos valeurs, notre richesse la plus fondamentale ! Car c’est une fois que nous aurons combattu et vaincu nos propres démons que nous pourrons faire entendre de manière forte et fière la voix de la France à l’international, celle d’une Nation unie dans l’égalité et qui donne les mêmes droits et opportunités à tous ses enfants, filles ou garçons.
Pour toutes les filles du monde, je voterai, avec une grande satisfaction, cette proposition de résolution.