Intervention de Adrien Taquet

Réunion du 14 mars 2019 à 14h30
Lutte contre le mariage des enfants les grossesses précoces et les mutilations sexuelles féminines — Adoption d'une proposition de résolution

Adrien Taquet :

Monsieur le président, madame la sénatrice Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes, mesdames les sénatrices Blondin et de Cidrac, secrétaires à la délégation aux droits des femmes, mesdames, messieurs les membres de cette délégation, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, la Commission nationale consultative des droits de l’homme affirmait, en 2013, que « nul droit à la différence, nul respect d’une identité culturelle ne saurait légitimer des atteintes à l’intégrité de la personne, qui sont des traitements criminels ».

Pourtant, en ce 14 mars 2019, vous avez été nombreux à le rappeler, toutes les quinze secondes dans le monde, il y a une victime de mutilations sexuelles. En France, vivent 53 000 femmes mutilées. En 2016, en France toujours, sur 250 683 filles originaires de pays où les mutilations sexuelles féminines sont pratiquées, on estimait que 12 % à 21 % d’entre elles encouraient un risque de mutilations sexuelles féminines.

En ce 14 mars 2019, vous avez nombreux à le rappeler, 12 millions de filles sont mariées chaque année avant l’âge de 18 ans. Toutes les sept secondes dans le monde, une jeune fille de moins de 15 ans est mariée contre son gré.

En ce 14 mars 2019, vous avez été nombreux à le rappeler, 70 000 décès sont dus chaque année à des grossesses et à des accouchements précoces. En 2019, les complications liées à la grossesse et à l’accouchement sont la deuxième cause de décès dans le monde pour les jeunes filles âgées de 15 à 19 ans.

Aucune tradition ne saurait être invoquée pour justifier les mutilations sexuelles féminines qui bafouent les droits fondamentaux des femmes et des petites filles et constituent une violence dont sont victimes tant des femmes que des enfants.

Aucune tradition ne saurait être invoquée pour justifier le mariage précoce, qui n’est rien d’autre qu’un mariage forcé, car il est inenvisageable qu’une enfant puisse y consentir librement.

Eh oui, évidemment, ces sujets ne concernent pas que les femmes ! Ils concernent la société tout entière, y compris les hommes !

Eh oui, évidemment, ces sujets dépassent les clivages partisans ! Je salue d’ailleurs le choix du Sénat d’avoir fait porter cette proposition de résolution au-delà des partis, sur l’ensemble des travées.

La lutte contre les mutilations sexuelles féminines est au cœur de l’action du Gouvernement, dont celle de la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, que je souhaite évidemment associer à mes propos. Marlène Schiappa, en écho aux échanges que nous avons en ce moment, est, vous le savez, à l’ONU pour rappeler le combat de la France contre les mutilations sexuelles féminines et les mariages forcés.

L’égalité entre les femmes et les hommes est notre grande cause nationale. Vous pouvez compter sur ma détermination, ainsi que sur celle de la secrétaire d’État, pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles qui frappent les filles dès leur plus jeune âge. D’ailleurs, merci d’avoir cité la disposition que j’avais eu l’honneur d’introduire dans la loi lorsque j’étais encore député. Elle prévoit une formation des personnels évoluant dans les établissements sociaux et médico-sociaux à la question des violences sexuelles.

Lundi dernier, j’ai participé, avec le Premier ministre, au comité interministériel de l’aide aux victimes. Nous lui avons confirmé l’opérabilité du Centre national de ressources et de résilience, conjointement opéré par le CHU de Lille et l’AP-HP, que la ministre Agnès Buzyn a inauguré, en compagnie de Nicole Belloubet, le 22 février dernier, lors de la journée européenne des victimes. Cette structure aura notamment pour fonction d’animer dix centres de prise en charge des psychotraumatismes dont sont victimes les filles mariées de force ou victimes de mutilations sexuelles. Je pense, par exemple, à celui d’Avicenne, où je me suis rendu ce même jour. C’est l’occasion pour moi, bien que la tâche reste évidemment immense, de saluer le travail et l’énergie des équipes et des associations.

La secrétaire d’État Marlène Schiappa a lancé, à la demande du Premier ministre, des travaux en vue d’élaborer un plan national d’action visant à éradiquer les mutilations sexuelles féminines. Je pourrais difficilement vous en dire plus à ce stade. Les échanges se poursuivent avec les différents acteurs. Ce plan, qui sera rendu public dans les prochains mois, est en cours d’élaboration.

Si l’accent est aujourd’hui mis sur les actions de lutte contre les mutilations sexuelles, celles-ci ont, par ricochet, un effet levier pour lutter contre les mariages précoces et forcés, notamment dans le cadre de la sensibilisation, de la formation et du repérage. Vous avez été nombreuses à soulever ce point.

Lutter contre ces violences, c’est diffuser, dès le plus jeune âge, le principe d’une égalité entre les femmes et les hommes, d’une égalité entre les filles et les garçons à travers une politique de prévention dans les crèches et les écoles, partout où les enfants apprennent, échangent et se construisent. L’éducation est un élément clé de la prévention, comme la médecine scolaire, qui, grâce aux ministères de la santé et de l’éducation nationale, permet de prévenir et de repérer ces violences. Le ministère de la santé, que je représente ici, mène, d’ailleurs, au travers de nombreux projets, dont « on sex-prime », un travail de prévention afin d’expliquer aux enfants, avec des mots accessibles dès leur plus jeune âge, ce qu’est la sexualité.

Concernant plus précisément le domaine de la santé, des unités de prise en charge des mutilations sexuelles féminines ont été mises en place. En plus de la chirurgie réparatrice, prise en charge à 100 % par la sécurité sociale, ces unités y associent une équipe pluridisciplinaire composée de chirurgiens mais aussi de sages-femmes, de psychologues, d’assistantes sociales et d’infirmières, afin de soutenir ces femmes mutilées en prenant en charge leur douleur et en leur proposant un encadrement en sexologie.

Prévenir, parler, accompagner : ce combat est mené grâce à des personnalités telles que Denis Mukwege et Nadia Murad, qui ont reçu le prix Nobel de la paix en 2018. Ils rappellent sans relâche le combat à mener contre les mutilations sexuelles féminines. L’un et l’autre feront d’ailleurs partie, et je m’en réjouis, du conseil consultatif sur l’égalité entre les femmes et les hommes que nous mettrons en place à l’occasion du G7.

Enfin, au niveau international, la France, signataire depuis 2011 de la convention d’Istanbul, a lancé à Strasbourg, le 19 novembre dernier, une campagne de promotion de cette convention. Cette campagne pour l’universalisation de la convention d’Istanbul, standard de protection des femmes face aux violences sexistes et sexuelles dans l’Union européenne, appelle tous les États à la ratifier.

La présidence française du G7 a également mis l’égalité entre les femmes et les hommes au cœur de ses priorités en s’appuyant sur deux objectifs, qu’un certain nombre d’entre vous ont rappelés : d’abord, la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, dont la lutte contre l’excision et le mariage forcé ; ensuite, l’éducation des femmes, dont le cœur d’action est l’accès des filles à l’école.

Oui, je veux rappeler devant vous que chaque fille, chaque femme de notre République a le droit de se marier et de vivre sa sexualité comme elle le souhaite !

En France, vivent 53 000 femmes mutilées. Chaque année, 12 millions de filles sont mariées avant l’âge de 18 ans dans le monde. Combien encore de destins gâchés, d’enfances bafouées faudra-t-il pour que cette violence contre nos enfants prenne fin ?

Je salue votre mobilisation ici, ainsi que celle de nombreuses associations – Excision, parlons-en !, GAMS, la maison des femmes, Enfant Présent, Aurore, Une femme un toit, le collectif féministe contre le viol et Women Safe – dont j’ai pu voir le travail lors de la journée mondiale contre l’excision, le 6 février dernier, à l’occasion de laquelle nous nous étions déplacés avec Marlène Schiappa.

Les droits des femmes sont des droits universels qui ne s’arrêtent à aucune frontière, culture ou tradition. Ce combat, qui commence par la prévention, est éducatif, sanitaire et social. C’est un combat éminemment culturel. Oui, vous avez raison, c’est tous ensemble – femmes et hommes, Parlement et Gouvernement, politiques et société civile, en France et dans le monde – que nous le gagnerons !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion