Intervention de Jean-Claude Requier

Commission des affaires européennes — Réunion du 14 mars 2019 à 16h30
Institutions européennes — Débat préalable au conseil européen en présence de mme nathalie loiseau ministre chargée des affaires européennes

Photo de Jean-Claude RequierJean-Claude Requier :

Nouveau format et nouveau lieu pour ce débat qui se tenait auparavant dans l'hémicycle, mais l'Europe, symboliquement, n'est en rien reléguée. Même si elle n'est pas à l'ordre du jour du prochain Conseil européen, la question du Brexit est incontournable. La sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne a pris cette semaine les allures d'une tragédie en trois actes qui relève plutôt de Kafka que de Shakespeare. En effet, mardi, les députés britanniques ont rejeté l'accord de retrait pour la deuxième fois ; hier soir, ils ont voté contre un retrait sans accord ; et ce soir, ils doivent se prononcer sur une demande de report du Brexit. Comme le rappelait le négociateur en chef, Michel Barnier, il faut que nos amis anglais sachent ce qu'ils veulent : rester ou sortir. Un retrait négocié sera toujours préférable à une sortie sèche. À ce stade et compte tenu de la tournure des événements, il faut surtout espérer que l'Union européenne et chacun des États membres soient techniquement prêts à cette nouvelle donne.

Madame la Ministre, nous avons récemment adopté la loi habilitant le Gouvernement à prendre des ordonnances sur les mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni. Où en est-on de l'application de cette loi, et plus particulièrement de la préparation des infrastructures aux frontières ? Qu'en est-il des moyens humains dans un contexte de surcroît agité par la grève des douaniers français ? Quoi qu'il advienne, le projet européen doit poursuivre sa route vers plus d'intégration. Il reste de nombreux chantiers à mener pour renforcer la cohésion européenne.

Le groupe du RDSE partage les conclusions du Conseil de décembre dernier, lesquelles rappellent que l'on doit faire progresser le marché unique dans toutes ses dimensions. Cependant, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, si le marché unique est indispensable pour permettre à l'Union européenne de s'imposer dans un contexte mondial de plus en plus difficile, il n'a de sens que si l'ensemble des États membres profitent de sa consolidation, et celle-ci passe par un minimum d'harmonisation des règles fiscales et sociales. Il faut parfois aimer jouer cavalier seul dans un combat qui aurait tout à gagner à être commun : hier, sur la taxe sur les transactions financières, ou aujourd'hui sur la taxation des GAFA, la France est la seule à avancer concrètement. C'est d'autant plus regrettable que 23 États membres soutiennent l'idée de réformer le numérique.

Le RDSE approuve l'idée d'un bouclier social que le président de la République a défendue dans sa tribune du 4 mars dernier, mais là aussi, c'est loin d'être gagné, comme l'atteste la réaction allemande de la présidente de la CDU, qui rejette notamment le principe d'un salaire minimum, tout en approuvant l'Union bancaire. Faut-il donc rappeler que derrière les instruments économiques, il y a aussi des hommes et des femmes qui ont besoin de protection ?

L'Europe puissante que promet le président de la République ne semble avoir d'intérêt que sur le plan de la sécurité, lorsqu'il s'agit de réclamer pour l'Union européenne un siège permanent au Conseil de sécurité de l'ONU. Mais avant cela, l'Europe devra formuler une véritable politique extérieure commune, ce qu'elle n'est pas encore parvenue à faire. En outre, si l'Europe de la défense avance à travers l'accord de coopération structurée permanente, le fonds européen de défense et l'initiative européenne d'intervention, nous sommes loin d'avoir une armée européenne qui servirait de fondement à une politique extérieure commune. Ces décalages, pour ne pas dire ces désaccords, entre Paris et Berlin nous conduisent à constater que le couple franco-allemand reste bien fragile, à l'heure où il faudrait au contraire concentrer nos forces pour achever les nombreux défis qui s'offrent à l'Europe.

Quant à la Chine, sujet qui est à l'ordre du jour du Conseil européen, les enjeux de notre relation sont en grande partie centrés sur les échanges commerciaux. Le RDSE approuve la posture de plus en plus ferme de la Commission européenne qui exige de Pékin plus de transparence sur les aides d'État, et plus de réciprocité sur les appels d'offres publics, et l'encourage à adopter une attitude moins prédatrice. Trop souvent, la Chine franchit la ligne rouge, au point que la Commission mentionne un « rival systémique ». Nous ne pouvons pas être naïf et réclamer une relation équilibrée reposant sur un socle de valeurs communes. Il faudra également faire jouer la solidarité européenne pour avoir une démarche unifiée. Concernant la 5G, mon groupe salue l'adoption mardi dernier par le Parlement d'une résolution sur la menace chinoise en matière de sécurité dans les domaines technologiques.

Je souhaite que le prochain Conseil européen apporte des réponses pour une Europe plus forte, plus unie et plus solidaire.

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