Le Conseil européen des 21 et 22 mars sera hautement symbolique puisqu'il se déroulera à quelques jours de la sortie présumée du Royaume-Uni de l'Union européenne, alors que nous sommes toujours dans l'incertitude la plus complète quant à la forme qu'elle prendra. Nous devrons veiller à ce que toutes les mesures soient prises pour que nos concitoyens et les citoyens britanniques ne soient pas les premières victimes de cette séparation. Certains tirent déjà la sonnette d'alarme : les douaniers français dans les Hauts-de-France face au manque de moyens pour gérer les nouvelles frontières, les agriculteurs britanniques face au risque d'importation de produits agricoles OGM provenant des États-Unis, les pêcheurs bretons ou normands face au problème potentiel d'accès aux eaux territoriales britanniques.
J'évoquerai deux sujets transversaux, qui dépassent les frontières des États.
Le premier concerne l'influence des puissances étrangères en Europe. La cybersécurité est un enjeu stratégique essentiel pour l'Union européenne. Nous ne pouvons qu'être inquiets face aux menaces grandissantes en provenance de Chine et de Russie. Il n'est pas acceptable que des équipementiers de pays tiers intègrent des portes dérobées dans leurs matériaux informatiques, que des infrastructures stratégiques européennes soient rachetées ou développées par des puissances étrangères, que certains États membres, comme l'Italie ou la Grèce, souhaitent collaborer avec la Chine dans le cadre des « nouvelles routes de la soie », et que des attaques menacent l'intégrité de nos élections.
L'Union européenne doit réagir vite, fort, fermement, en adoptant des mesures claires et coordonnées pour sécuriser et protéger son territoire, ses industries, ses citoyens. Elle doit être en tête dans le domaine des technologies de la cybersécurité et réduire sa dépendance à l'égard des technologies étrangères. Je me félicite des avancées dans ce domaine. Le Parlement européen a adopté cette semaine plusieurs textes importants, dont le règlement sur la cybersécurité et une résolution traduisant l'inquiétude face à la menace technologique chinoise. La Commission a présenté dix mesures à mettre en oeuvre dans le cadre des relations de l'Union européenne avec la Chine, notamment la sécurisation des réseaux 5G et la détection des risques d'investissements étrangers dans des actifs ou infrastructures sensibles. C'est un début, mais il appartient désormais aux États membres d'agir en adoptant ces textes législatifs et en faisant appliquer rapidement ces recommandations.
Madame la Ministre, pouvez-vous nous assurer que les États membres sauront s'entendre lors du Conseil, pour que l'Europe parle d'une voix forte et coordonnée lors du sommet entre l'Union européenne et la Chine ? Ces États sont-ils prêts à rester unis pour faire comprendre à la Chine que l'Union défendra ses intérêts avant tout ? Quelle sera la stratégie européenne pour défendre nos intérêts de façon coordonnée et éviter tout risque de fragmentation entre les États membres face à la Chine ? Comment l'Europe va-t-elle protéger les prochaines élections européennes face à des attaques extérieures ?
Le deuxième sujet que je souhaite aborder est la politique migratoire européenne et sa refonte. Ce point n'est pas à l'ordre du jour du Conseil, alors qu'il est prioritaire et qu'il occupera une place essentielle lors de la campagne des élections européennes ; il est aussi le terreau de fantasmes, de fausses informations et de mauvaises réponses...
Selon une étude Eurobaromètre, environ 40 % des Européens considèrent l'immigration comme l'un des deux problèmes les plus importants auxquels l'Union est confrontée. Il convient donc d'y apporter des solutions concrètes. Après la proposition d'un paquet législatif visant à réformer le système d'asile européen, cinq des sept textes ont été adoptés. Mais les États membres, dont le groupe de Visegrád, bloquent depuis plus d'un an sur la révision de cette politique, notamment sur l'harmonisation des procédures d'asile et les quotas de relocalisation des réfugiés. Il est regrettable que les chefs d'État et de gouvernement n'aient pas l'occasion d'aborder ce sujet ensemble. Ne faudrait-il pas l'ajouter à l'ordre du jour du Conseil, afin d'éviter tout risque de récupération par les extrêmes ?