Vous avez raison, madame la sénatrice, il faut continuer à réguler et à responsabiliser les plateformes. C'est notre ligne. Les lois que vous avez appelées lois de circonstances sont utiles, notamment dans la perspective des élections à venir, car nous voyons chaque jour mieux à quel point les tentations d'intervenir dans les processus électoraux sont fortes. Je suis d'ailleurs frappée que ce sujet fasse consensus au Conseil des ministres où je siège : les 28 États membres ont une conscience aigüe de la nécessité d'agir. La pratique électorale de certains les conduit à envisager une forme de censure ; nous ne pouvons aller dans cette direction et préférons réguler et responsabiliser.
Je vous invite à ce propos à convaincre les parlementaires européens que vous connaissez de la nécessité de faire adopter avant la fin de la législature le texte relatif au retrait automatique et immédiat des contenus terroristes en ligne. La commission libertés civiles, justice et affaires intérieures a en effet tendance à considérer que les libertés publiques comptent plus que la lutte contre le terrorisme, alors que la première des libertés est la sécurité ! Je le dis également à l'attention des membres d'un parti qui n'est pas représenté parmi vous mais dont je rencontre une représentante ce soir, et qui a l'habitude de voter contre tout ce que propose le Parlement européen en matière de lutte contre le terrorisme.
Une parlementaire française travaille également sur une proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur Internet. Elle s'est rendue dans les institutions européennes pour les convaincre d'être moins timides et de dépasser l'idée d'une simple autorégulation des plateformes. Cette approche, nous l'avons testée ; elle n'a pas donné grand-chose. Je dirais même que l'autorégulation me met mal à l'aise, puisqu'elle consiste à laisser la plateforme décider d'elle-même des critères selon lesquels un contenu est retiré. C'est le rôle et la fierté de l'Europe d'être un espace intermédiaire entre la loi de la jungle américaine et la censure complète chinoise.