Intervention de Marie Rabatel

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 14 février 2019 : 1ère réunion
Audition de Mme Marie Rabatel présidente de l'association francophone de femmes autistes et du docteur muriel salmona psychiatre psycho-traumatologue

Marie Rabatel, présidente de l'Association francophone de femmes autistes (AFFA) :

Bonjour et merci de m'avoir invitée. Je vais parler brièvement de notre association. Nous sensibilisons les pouvoirs publics à la spécificité de l'autisme au féminin, qui est bien différente de l'autisme au masculin. En effet, nous rencontrons des difficultés particulières, comme le sous-diagnostic. Étant donné que la majorité des outils de diagnostic ont été réalisées à partir de cas masculins, les femmes passent à travers et se trouvent confrontées à une forme de violence médicale : elles seront diagnostiquées à tort de bipolarité, de schizophrénie ou de maladie mentale très importante. Elles recevront des traitements inadaptés et seront hospitalisées sous contrainte en psychiatrie.

Nous essayons également de sensibiliser à une autre problématique : le fait d'être mère et autiste. Quand une femme autiste est mère, elle fait presque systématiquement l'objet d'un signalement préoccupant de l'Aide sociale à l'enfance (ASE), comme si elle était incapable de s'occuper de son enfant. De nombreuses mères se voient retirer leurs enfants parce qu'elles sont célibataires et que l'ASE juge qu'elles ne sont pas capables de s'occuper d'eux.

Un troisième point doit également être souligné. Il s'agit de la sensibilisation à la violence que nous pouvons subir en tant que femme et que personne handicapée. Les médias parlent souvent de l'autisme, mais principalement des enfants autistes. Les adultes autistes sont très souvent oubliés. Or l'autisme ne s'arrête pas à 18 ans ! On est donc confronté à une grande vulnérabilité de ces personnes, notamment en cas de violences conjugales. Le fait que l'Allocation adulte handicapé (AAH) soit calculée sur les revenus du ménage, par exemple, nous met dans une situation de dépendance financière. Nous sommes parfois obligées de subir des violences conjugales pour avoir de quoi vivre et tout simplement ne pas nous retrouver à la rue. Les personnes handicapées ne gagnent pas beaucoup d'argent... Nous devons nous accommoder de cette violence conjugale et la vivre au quotidien, juste pour pouvoir rester chez nous.

Concernant les violences sexuelles, je vous ai fait parvenir l'étude réalisée dans le cadre du Congrès de l'encéphale, un congrès scientifique axé sur la psychiatrie réunissant 5 000 à 6 000 psychiatres. Nous avons proposé une étude réalisée avec la Fondation Pierre Deniker - Recherche et Prévention sur la vulnérabilité des femmes autistes. Les résultats se sont montrés catastrophiques. Il n'est plus possible de dire que cela n'existe pas en France. Une étude canadienne montrait que 90 % des femmes autistes étaient victimes de violences sexuelles. Lorsque je la citais, on me répondait que la situation en France était différente. Notre étude montre pourtant que 88 % des femmes autistes en France sont victimes de violences sexuelles, dont 51 % avec pénétration sous contrainte et 31 % qui se disent victimes de viol. Ces chiffres soulignent d'ailleurs le fort déni autour de la notion et la compréhension du viol. Ils montrent surtout que la majorité des femmes autistes françaises sont victimes de viol.

Notre étude apporte également des données sur l'âge des victimes. Ainsi, 47 % des filles autistes de moins de 14 ans ont subi une agression sexuelle et 39 % des enfants de moins de 9 ans. Ces chiffres sont plus qu'alarmants.

Pourquoi arrivons-nous à de tels résultats ? Tout le monde entend parler de l'autisme, mais personne ne sait exactement ce que cela signifie. La majeure partie de la société entretient des préjugés et pense que l'autisme est visible physiquement, par exemple. Or l'autisme ne se voit pas, il est un handicap invisible. Cela fait de nous la proie idéale, d'autant plus que nous avons la spécificité de ne pas comprendre les sous-entendus ou l'implicite. Nous pouvons nous retrouver dans une situation de danger sans nous en rendre compte. Les agresseurs le comprennent bien et ne ciblent pas leurs proies au hasard. Notre vulnérabilité est évidente.

Le plus grave cependant, c'est ce qui se passe pour les victimes de viol, à savoir la partie psycho-traumatologique. Je laisserai Muriel Salmona en parler, mais il faut savoir qu'une personne autiste fonctionne par le biais d'images. Notre mémoire est ainsi faite que nous nous rappelons les détails : nous avons besoin de relier tous les détails d'une situation pour en comprendre la globalité. Les non-autistes fonctionnent inversement et ont d'abord une vision d'ensemble avant d'entrer dans le détail.

Par ailleurs, en tant qu'handicapées, nous sommes mises dans une position de soumission dès la naissance. C'est déjà le cas pour les autres enfants, qui subissent de nombreuses injonctions. Or ces injonctions se poursuivent à l'âge adulte pour les personnes en situation de handicap. Les autistes, de plus, rencontrent souvent des difficultés pour choisir. La société propose beaucoup de choix : or la notion de choix est compliquée pour nous. Choisir une option suppose d'abandonner toutes les autres. Toutes ces raisons font que la personne autiste se construit selon un schéma de soumission. Cela est valable pour toutes les personnes qui sont nées handicapées. Nous sommes dans un apprentissage de la soumission, indépendamment de la bonne volonté des parents. Ce phénomène est majoré par l'autisme, en raison de nos difficultés de compréhension et d'expression. La douleur est compliquée à exprimer pour nous. Par conséquent, les gens s'expriment souvent à notre place.

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