Effectuez-vous des signalements au procureur de la République ?
Dr Muriel Salmona. - Oui, mais rien ne se passe. J'ai connaissance de dossiers avec dix signalements concernant des personnes en situation de grande vulnérabilité. Pour rappel, 73 % des affaires de viols très graves sont classées sans suite. Si le récit de la personne, enfant ou adulte, n'est pas utilisable dans un cadre judiciaire parce qu'il est décousu, l'affaire est classée sans suite. Cela signifie que les dossiers concernant les personnes les plus vulnérables et les plus impactées sont classés sans suite. La sociologue Véronique Le Goaziou a réalisé des études très éclairantes sur ce sujet. Le classement sans suite n'arrive pas nécessairement pour défaut d'infraction, mais parce que la justice estime ne pas avoir d'éléments pour poursuivre. Il devrait donc y avoir une obligation d'enquête et de poursuite. Sur un plan humain, il n'est pas possible de classer sans suite de telles affaires.
Je travaille beaucoup avec des médecins à Strasbourg, où un travail conséquent est réalisé sur ce sujet. Il est absolument indispensable de voir les choses autrement. Nous n'avons pas le droit de ne rien faire. Cela est d'une cruauté absolue et signifie que nous ne ferons rien pour les autres victimes, qui ne manqueront pas.