Merci, Madame la présidente et merci à Madame Rabatel et au Docteur Salmona pour leurs remarquables interventions. Vous avez déjà répondu, Mesdames, à ma première question, qui était la suivante : à quels autres types de violence les femmes autistes sont-elles exposées ? Vous nous avez expliqué qu'elles subissent des violences psychologiques, physiques, économiques et surtout sexuelles.
Je m'interrogeais également sur la notion d'angle mort pour les femmes handicapées dans la politique de lutte contre les violences faites aux femmes. Après cette audition, nous pouvons répondre sans hésiter que cet angle mort existe bel et bien, en particulier sur les sanctions et les affaires classées sans suite. Cela me rappelle les difficultés que nous avions rencontrées à l'époque lorsqu'il a fallu incriminer les violences psychologiques. Nos opposants disaient alors que nous faisions entrer l'arbitraire dans la législation et soulignaient le manque de preuve, par exemple. Au final, nous sommes parvenus à incriminer ces violences.
J'aimerais savoir si le 3919, qui permet d'alerter et, pour les victimes, de recevoir conseils et orientation, est adapté à l'accueil des femmes en situation d'autisme. Le fléau des violences faites aux femmes autistes nécessite-t-il une formation spécifique pour les professionnels qui traitent habituellement les autres types de violences faites aux femmes ?
En outre, vous avez évoqué la nécessité de soigner les victimes. Existe-t-il des établissements pour effectuer ces soins ? Avons-nous progressé depuis 2015 ou 2016, quand nous avions proposé que chaque bassin de 200 000 habitants soit pourvu d'un centre de soins pour les victimes ?
Enfin, les prédateurs qui agressent les femmes autistes ont-ils le même profil que les prédateurs qui ciblent les autres femmes ?
Dr Muriel Salmona. - Je peux répondre sur les classements sans suite. J'ai proposé dans mon manifeste, qui a été adressé à la Commission nationale consultative des droits de l'homme, d'adopter un dispositif qui existe aux États-Unis et au Canada. Si un dossier est bloqué, un comité pluridisciplinaire composé de représentants d'associations, de professionnels spécialisés ou de juristes reprend les dossiers. Cela permet de faire évoluer les situations et de savoir ce qui a dysfonctionné.
En outre, il est vrai que les professionnels, y compris les psycho-traumatologues, ne reçoivent pas de formation adaptée à ces publics. En règle générale, les médecins sont très peu formés à la psycho-traumatologie, alors qu'il s'agit d'un problème de santé publique majeur ! Nous savons que le fait d'avoir subi des violences dans l'enfance est le déterminant principal de l'état de santé des individus cinquante ans plus tard. Les victimes ont potentiellement vingt ans d'espérance de vie en moins. Tous les grands problèmes de santé publique sont liés aux violences dans l'enfance. Pourtant, ni les médecins ni les psychiatres ne sont formés aux violences et à la psycho-traumatologie, ce qui paraît incompréhensible. Un consensus international établit le fait que 60 % des cas psychiatriques relèvent de la psycho-traumatologie.
Je suis très impliquée dans la question des centres de soins. Un groupe de travail a été créé avec la Direction générale de l'offre de soins (DGOS) et s'est réuni pendant plus d'un an. Nous avons proposé la création d'unités pluridisciplinaires qui prendraient en charge les adultes et les enfants, en associant cette prise en charge à un travail de réseau et de recherche. Nous avons fini par obtenir seulement dix unités, alors que notre cahier des charges prévoyait la création de séries de dix unités, de manière à arriver à un total de cent unités, soit un centre par département. Il a fallu se battre pour que les enfants soient pris en compte. Mais ces dix unités ne répondent pas aux besoins.
Les personnes qui répondent aux appels adressés au 3919 doivent également être formés à la spécificité de l'autisme, ce qui n'est peut-être pas systématique à ce jour. Maudy Piot avait d'ailleurs créé une ligne d'écoute dédiée aux femmes en situation de handicap par le biais de l'association Femmes pour le dire, femmes pour agir, mais cette structure manque réellement de moyens. Tous les numéros, et particulièrement le 119, doivent être formés spécifiquement à cette problématique. En outre, si l'on veut faire évoluer la situation d'impunité des agresseurs, il faut que les experts puissent répondre en termes de psycho-traumatologie. Je forme les magistrats à ce sujet depuis six ou sept ans en formation continue, et depuis trois ans en formation initiale. En effet, la réponse habituelle relève de la pathologie psychiatrique, ce qui contribue à décrédibiliser la parole des victimes, qui sont qualifiées de psychotiques par exemple. Par conséquent, nous diffusons le fait que les magistrats doivent s'enquérir de l'existence de troubles psycho-traumatiques et nous les incitons à poser des questions précises pour avoir des réponses précises.
Enfin, il faut former absolument toutes les institutions. Certaines sont remarquables et procèdent à des signalements, mais cela n'est pas le cas de toutes. Il est essentiel que les signalements soient effectifs, ce qui nécessite de former également l'ASE ou les Cellules de recueil des informations préoccupantes (CRIP). Nous le faisons.