Intervention de Alex Buchinger

Mission commune d'information Répression infractions sexuelles sur mineurs — Réunion du 13 mars 2019 à 14:5
Audition de Me Alex Buchinger administrateur du consistoire de paris et du consistoire central israélite de france M. Jérémie Haddad président et Mme Karen Allali commissaire générale des éclaireuses et éclaireurs israélites de france

Alex Buchinger :

Il y a en effet une hiérarchie. Le Grand rabbin de France est principalement le supérieur hiérarchique des communautés de province. Quant au Grand rabbin de Paris, Michel Gugenheim, il est, sur le plan spirituel, celui des rabbins de la région parisienne ; sa fonction est double puisqu'il préside aussi le tribunal rabbinique. Si des faits délictueux sont portés à sa connaissance, il prend des sanctions. Je pense au cas d'un rabbin qui, après son divorce, avait eu des relations sexuelles avec des personnes adultes consentantes et fait des promesses de mariage : il a été convoqué en séance disciplinaire par le Grand rabbin de Paris et a été révoqué au motif qu'un rabbin consistorial ne pouvait se comporter de façon aussi légère. L'affaire est aujourd'hui au conseil de prud'hommes.

Peu de cas sont portés à la connaissance de la hiérarchie, dans la mesure où les rabbins, étant passés par l'école rabbinique, ont été triés sur le volet. Le Grand rabbin de Paris n'a pas eu connaissance de cas de rabbins ayant commis des agressions sexuelles. Il m'a seulement cité le cas d'un jeune homme qui s'était porté candidat à un poste de surveillant rituel, qui est une fonction religieuse. Trouvant son attitude bizarre, il ne lui avait pas confié cette mission. Quelques jours plus tard, cet homme était mis en examen pour pédophilie.

En tant qu'avocat, j'ai eu connaissance de deux cas.

Le premier concerne un jeune homme qui donnait des cours particuliers préparatoires à la bar-mitsva. Une mère de famille m'a informé qu'il s'était rendu coupable à cette occasion d'agression sexuelle sur son fils et qu'il y avait d'autres victimes. Je lui ai conseillé de déposer plainte, ce qu'elle a fait ainsi que d'autres parents. Cet homme a été mis en examen, placé sous mandat de dépôt puis incarcéré. Il se trouve que j'ai été sollicité pour le défendre. Confronté pour la première fois à une affaire de pédophilie, j'ai compris l'ampleur du problème : ce jeune homme d'environ vingt-cinq ans avait lui-même été agressé sexuellement lorsqu'il était adolescent. Après avoir purgé sa peine, il a été libéré. J'ai appris quelques temps plus tard qu'il avait été recruté, à un poste de reprographie, dans une école où était inscrit mon fils. J'ai alerté le directeur et le président de cette école, qui ont mis fin à son contrat de travail.

Le deuxième cas est celui d'un jeune homme résidant en Israël qui, à l'âge de onze ou douze ans, avait été gravement agressé par des enfants, et qui a reproduit peu de temps après ce qu'il avait vécu sur d'autres enfants. Il a été placé dans un foyer, puis sa famille l'a « exfiltré » en France, où il a travaillé dans un établissement d'études talmudiques. Un jour, Israël a demandé son extradition. Suivi par des psychologues, ce garçon a pu dépasser le problème. Je l'ai revu récemment et il m'a semblé guéri.

J'ai compris au travers de ces cas douloureux que les choses n'étaient pas simples et qu'un coupable pouvait se considérer à juste titre comme une victime.

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