Intervention de Anouar Kbibech

Mission commune d'information Répression infractions sexuelles sur mineurs — Réunion du 13 mars 2019 à 14:5
Audition de M. Anouar Kbibech vice-président du conseil français du culte musulman

Anouar Kbibech, vice-président du Conseil français du culte musulman :

Vous avez soulevé la notion d'imam « autoproclamé ». L'imam a plusieurs fonctions. La conduite de la prière est sa fonction essentielle. Lorsqu'il intervient dans une mosquée qui lui est attitrée, son rôle est beaucoup plus important. Il prononce le prêche du vendredi, donne des cours d'arabe ou de religion, conseille aussi les familles, les fidèles, etc. Il faut donc bien distinguer les deux situations. Les imams « autoproclamés » entrent surtout dans la première des deux catégories. Ils conduisent simplement la prière, le seul critère étant d'être porteur de versets du Coran.

De moins en moins d'imams « autoproclamés » sont « parachutés » dans une mosquée, « prennent le pouvoir » et orientent les fidèles. Les 2 500 mosquées de France sont de plus en plus vigilantes face au discours qui est tenu dans leur enceinte et réalisent un travail de sélection des imams. Le CFCM reçoit aujourd'hui beaucoup de demandes d'imams bilingues, puisqu'il faut maîtriser l'arabe pour conduire la prière et prononcer le prêche du vendredi, mais également le français pour communiquer avec les non-arabophones, notamment les nouveaux arrivants dans l'islam, des « Français de souche » comme on dit - encore faudrait-il définir ce que signifie ce terme - ou des musulmans d'origine africaine ou asiatique ne maîtrisant pas l'arabe. On « assainit » aujourd'hui de plus en plus la fonction d'imam pour éviter les imams « autoproclamés ».

La première étape mise en oeuvre par le CFCM est la charte de l'imam. Je vous la ferai parvenir. Vous pourrez vous rendre compte des déclarations très fortes qui y figurent. On incite aujourd'hui les imams à la signer. Il s'agit d'un engagement solennel de leur part, mais on souhaite aller encore plus loin - encore faut-il que le culte musulman, les fédérations musulmanes et les mosquées y soient prêts - et certifier les imams en mettant en place des commissions destinées à examiner leur parcours et leur formation, leur discours, leur bagage théologique, civil et civique. Ce projet est actuellement en discussion. Il faut un peu de temps pour y parvenir.

La parole se libère-t-elle assez parmi les imams, notamment par rapport à la question de l'éducation sexuelle ou de la sexualité ? Samedi dernier, le CFCM organisait un colloque, ici même, au Sénat, avec la sénatrice Nathalie Goulet, sur la question des violences faites aux femmes. Le défenseur des droits, Jacques Toubon, est intervenu à l'occasion de ce colloque en soulignant l'importance de l'éducation sexuelle que dispensent les collèges et les lycées. Je pense que c'est plutôt le rôle de l'Éducation nationale d'assurer cette formation plutôt que celui des imams, qu'il faut peut-être sensibiliser eux-mêmes à cette question.

La sexualité fait malheureusement partie des sujets tabous chez certains imams, bien que le prophète ait été très ouvert sur ces questions. Il répondait aux femmes qui l'interrogeaient devant tous les compagnons réunis dans la mosquée. On doit donc aborder ce sujet dans sa globalité, comme le disait Jacques Toubon samedi dernier au sujet des violences faites aux femmes, afin d'instaurer le respect qui doit exister entre l'homme et la femme.

J'insiste sur le fait que la sexualité est autorisée chez les imams. Ce sont des hommes comme les autres. Ce n'est pas parce qu'on s'investit dans une fonction de ministre du culte qu'on évacue une question qui fait partie de la vie de chacun. L'imam peut donc se marier. D'autres religions ont pris ce chemin. Il existe aujourd'hui des pasteurs femmes, des pasteurs qui se marient, ainsi que des rabbins. Ce matin, l'archevêque de Poitiers a appelé l'Église à autoriser le mariage des prêtres. Il a indiqué que cela peut contribuer à résoudre la question des agressions sexuelles.

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