Intervention de Anouar Kbibech

Mission commune d'information Répression infractions sexuelles sur mineurs — Réunion du 13 mars 2019 à 14:5
Audition de M. Anouar Kbibech vice-président du conseil français du culte musulman

Anouar Kbibech, vice-président du Conseil français du culte musulman :

En effet, mais je répondais à la question concernant les imams et leur comportement dans le cadre de leurs fonctions. Le fait qu'un religieux ne soit pas astreint au célibat constitue une partie de la réponse aux agressions sexuelles. Ce n'est pas moi qui le dis, mais l'archevêque de Poitiers.

Concernant la dénonciation des agressions, la question de la libération de la parole est un phénomène général. On l'a vu avec #MeToo et #BalanceTonPorc. C'est un phénomène qu'il faut encourager, qu'il s'agisse des femmes ou des jeunes objets de ce type de déviances.

Les statistiques sont là. Je ne peux inventer des cas qui n'existent pas. J'ai fait une recherche objective. Je n'en ai trouvé que trois en vingt ans - même si c'est sûrement en dessous de la réalité. Il faut encourager la libération de la parole, notamment des enfants, et mettre en place des structures d'accueil et d'écoute. Il faut en donner acte aux grandes mosquées qui l'ont fait. C'est l'un des points que le CFCM a repris à son compte.

Par ailleurs, détrompez-vous madame Benbassa : la question de la réforme de l'islam est une question d'actualité. Je dirais même plus : elle fait partie de la religion musulmane. Un hadith du prophète dit que, tous les cent ans, Dieu envoie à l'ummat islamiyya - la nation islamique - celui qui renouvellera sa religion. Il faut un travail de renouvellement régulier, de contextualisation de la religion musulmane, notamment par rapport aux contextes français et européen. Dans la religion musulmane, le texte sacré est aussi important que le contexte dans lequel on vit. Le CFCM encourage ce travail de contextualisation. Nous avons mis en place un conseil religieux et un conseil théologique, composé de vingt-quatre ou vingt-cinq théologiens ou imams de France, qui sont amenés à réfléchir à cette question.

La formation des imams est, dans ce cadre, fondamentale, vous avez tout à fait raison de le souligner. Le couplage de la formation théologique avec des formations civiles et civiques est en train de se réaliser. La grande mosquée de Paris a signé un accord avec La Sorbonne à cette fin. Il en va de même à Lyon. Il s'agit de faire bénéficier les futurs imams du statut d'étudiant pour leur offrir un certain nombre de facilités durant leur scolarité. Coupler la formation civile et civique en université avec la formation théologique l'autorise.

La question d'une université musulmane ou islamique à Strasbourg est un peu l'Arlésienne. On en parle depuis des années. Le CFCM a toujours été ouvert à ce type de démarche. On nous dit cependant que le Concordat ne reconnaît que les religions présentes en 1905 et pas forcément l'islam. Il faut néanmoins adopter une lecture libérale et intégrer au Concordat les religions arrivées après cette date.

Pour ce qui est des imams « importés », que nous qualifions quant à nous d'imams détachés par des pays musulmans, ils restent des fonctionnaires de leur pays d'origine. D'après les conventions, ils sont là pour quatre ans et doivent rentrer chez eux au bout de ce laps de temps. On demande aujourd'hui qu'ils reçoivent une formation à la langue française, qu'ils maîtrisent la langue et connaissent également le contexte français. Les imams sont aujourd'hui amenés à être détachés par le Maroc, l'Algérie ou la Turquie. Des fonctionnaires français du ministère de l'intérieur ou des enseignants vont dans ces pays pour dispenser aux imams des modules de formation.

Le dernier point concerne la question de l'éducation. Les imams, comme je l'ai déjà dit, peuvent assurer la formation à l'arabe ou à la religion. C'est en quelque sorte l'équivalent de la catéchèse qui existe dans la religion catholique. Aujourd'hui, force est de constater qu'il n'existe pas de remontées sur des faits d'agression sexuelle. Il faut peut-être inciter à une plus grande libération de la parole pour rendre les choses plus transparentes et plus faciles.

Ces points sont cependant étudiés de très près. Je parle là des formations qui ont lieu dans des mosquées ou dans des associations qui ont pignon sur rue. Le CFCM combat bien sûr les formations sauvages qui peuvent avoir lieu dans des appartements ou des caves.

Ce n'est pas une question d'agression sexuelle, mais d'agression religieuse, de conception, d'interprétation et d'enseignement. Le CFCM a proposé une formation laïque au fait religieux dans les collèges et les lycées, afin que tous les enfants, musulmans, chrétiens, juifs ou même non-croyants, puissent être éduqués à l'altérité, notamment l'altérité religieuse, dès leur plus jeune âge. L'enseignement laïc du fait religieux par l'Éducation nationale marquerait un coup d'arrêt à ce type d'« écoles coraniques » ou de formations qui, parfois, peuvent pulluler. Le CFCM est mobilisé autour de cette question.

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