Intervention de Patrick Devedjian

Réunion du 21 décembre 2004 à 9h30
Questions orales — Conséquences des hausses du prix de l'acier

Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie :

Madame la sénatrice, la question du prix de l'acier est effectivement préoccupante, car elle pénalise des pans entiers de notre économie, en particulier le secteur de l'automobile et celui de la construction.

Plusieurs actions ont été menées à cet égard par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

Tout d'abord, l'augmentation du prix de l'acier est due à deux facteurs bien identifiés : la hausse de la demande, tirée par la Chine et l'Inde, et les tensions sur l'approvisionnement en matières premières nécessaires à l'industrie sidérurgique, c'est-à-dire le fer, le coke, et les ferrailles. Aucun de ces deux paramètres ne trouvera de solution rapide, et il faut s'attendre, malheureusement, à supporter durablement des prix élevés.

Dans ce contexte, la France a tout d'abord mené des actions dans le domaine du commerce international pour lever certaines barrières s'opposant à la circulation des matières premières et des produits finis, demandant à plusieurs reprises à la Commission européenne de prendre promptement des mesures rapides ; j'ai moi-même rencontré Pascal Lamy à ce sujet.

Des résultats notables ont été enregistrés à cet égard, en particulier l'assouplissement du système de licences d'exportation de coke mis en place par la Chine, qui contribuait à la hausse très rapide des prix de cette matière.

Le Gouvernement reste déterminé à ce que toutes les possibilités d'action touchant au commerce international soient exploitées pour permettre une meilleure offre.

Les services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ont, par ailleurs, reçu instruction d'être extrêmement attentifs à l'exercice correct de la concurrence dans le secteur de la distribution de l'acier en France, afin que personne ne profite de la situation Cette vigilance, bien que nécessairement peu visible, est très importante pour éviter que des ententes ne se créent à l'occasion de la hausse des prix.

J'ai moi-même organisé le 22 octobre dernier une table ronde consacrée spécifiquement à la filière automobile, au cours de laquelle les participants se sont engagés notamment sur la mise en chantier d'un tableau de bord des prix de l'acier et sur le principe d'une prise en compte de la hausse de l'acier le long de la chaîne de sous-traitance. Il est en effet primordial que les entreprises touchées par l'augmentation des prix aient la possibilité - comme vous le demandez, madame la sénatrice - de répercuter cette charge, au moins partiellement, sur leurs clients.

Enfin, des actions ont été menées dans le domaine des marchés publics, l'Etat se devant d'être un client exemplaire à l'égard de ses fournisseurs.

La théorie de l'imprévision, selon laquelle les marchés peuvent être révisés en cas d'événements extérieurs imprévisibles bouleversant l'équilibre des contrats, a été rappelée aux services concernés. Le ministère de l'équipement a envoyé une circulaire aux préfets en ce sens.

Vous avez posé à ce sujet, madame, la question de l'introduction dans les marchés de clauses permettant une révision contractuelle des prix. Il faut tout d'abord souligner que, pour les marchés passés à prix ferme et en cours d'exécution, l'introduction de telles clauses n'est pas possible, car cela constituerait une irrégularité grave susceptible de fausser les conditions de mise en concurrence initiale.

En revanche, pour les marchés à venir, l'article 17 du code des marchés publics précise expressément qu'un « marché est conclu à prix ferme dans le cas où cette forme de prix n'est pas de nature à exposer à des aléas majeurs le titulaire ou la personne publique contractante du fait de l'évolution raisonnablement prévisible des conditions économiques pendant la période d'exécution des contrats ». Cela veut dire que le prix ferme ne doit pas être retenu lorsqu'il y a lieu de craindre des mouvements de prix brusques et imprévisibles pendant la période d'exécution de la prestation. C'est manifestement de plus en plus souvent le cas pour les prestations impliquant des achats notables d'acier.

Deux formes de prix sont prévues pour tenir compte de tels mouvements : le prix révisable et le prix ajustable. Ces deux formes de prix sont fondamentalement différentes en ce que l'ajustement s'effectue en fonction d'une référence représentative du prix de la prestation elle-même, tandis que la révision s'effectue en fonction d'éléments représentatifs de son coût.

Les services du ministère de l'économie, des finances et ceux du ministère de l'équipement préparent actuellement ensemble des recommandations qui pourraient être données aux maîtres d'ouvrage pour leur rappeler ces possibilités ouvertes par le code des marchés publics.

Comme vous le constatez, madame la sénatrice, le Gouvernement est très attaché à ce que les conséquences de la hausse de l'acier sur le tissu industriel français soient maîtrisées au maximum en utilisant tous les leviers d'action de l'Etat.

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