Intervention de Bruno Le Maire

Commission des affaires économiques — Réunion du 19 mars 2019 à 16h30
Moyens mis en place pour faire face aux nouveaux actes de violence et de vandalisme commis à paris — Audition de M. Bruno Le maire ministre de l'économie et des finances de M. Christophe Castaner ministre de l'intérieur et de M. Laurent Nunez secrétaire d'état auprès du ministre de l'intérieur

Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances :

Je suis très heureux de répondre aux questions qui m'ont été posées par vos commissions sur l'impact économique de la crise des gilets jaunes et sur les mesures prises par le Gouvernement pour y répondre.

À court terme, l'impact de la crise porte sur le chiffre d'affaires des entreprises et sur leurs pertes d'exploitation ; nous l'avons évalué à 0,1 point de PIB pour le quatrième trimestre de 2018 et jusqu'à 0,2 point pour 2018 et 2019. Je maintiens cette évaluation après consultation des fédérations du commerce, de la grande distribution et des PME. Il convient néanmoins de rester prudent, car les reports de consommation demeurent difficiles à évaluer. À la crise des gilets jaunes s'ajoute la grève de la SNCF au printemps dernier, dont l'impact est évalué à 0,1 point de PIB pour le deuxième trimestre de 2018. Les conséquences sur la croissance apparaissent significatives, d'autant que la crise a éclaté au moment de consommation le plus important de l'année. Les blocages de certains dépôts, les difficultés d'approvisionnement rencontrées par les grandes surfaces et le recul de l'activité touristique - la fréquentation hôtelière a diminué de 1,1 % en décembre 2018 par rapport à décembre 2017 et de 5,3 % à Paris - constituent les signes visibles de la crise, comme les reports d'achat et la réduction de la fréquentation des centres-villes le samedi.

L'impact de la crise est également indirect et de long terme, lié au risque que les manifestations font peser sur l'attractivité de la France, élément déterminant de notre croissance. Les images de violence abîment la France, abîment notre réputation, mais elles ne remettent heureusement pas en cause les fondamentaux économiques de notre pays. L'attractivité de la France, retrouvée depuis deux ans, demeure solide. Nous avons été la première nation européenne en termes d'investissements industriels en 2017 et nous nous sommes maintenus au meilleur niveau en 2018. Nous avons créé 342 000 emplois en 2017, 164 000 en 2018 et le rythme se maintient au premier semestre de 2019. Grâce aux mesures mises en oeuvre en faveur de notre attractivité, le Brexit a conduit au rapatriement en France de 4 000 à 5 000 emplois dans le secteur financier.

Malgré la crise des gilets jaunes et un environnement international incertain, la croissance économique de la France devrait donc être, en 2019, supérieure à la moyenne de la zone euro comme à celle de nos principaux partenaires que sont l'Allemagne et l'Italie. Elle devrait atteindre 1,4 %, chiffre que je confirmerai lors de la présentation du programme de stabilité.

Depuis les premières manifestations, le ministère de l'économie et des finances a pris la mesure de la crise et a proposé rapidement des solutions en concertation étroite avec les professionnels concernés, j'en veux pour preuve la réactivation, dès le 27 novembre, de la cellule de continuité économique pour prévenir les risques pesant sur les commerçants, les artisans et les PME en leur apportant les informations et l'expertise nécessaires pour répondre aux conséquences économiques de la crise des gilets jaunes. La secrétaire d'État Agnès Pannier-Runacher, moi-même, la direction générale des entreprises et les services déconcentrés du ministère avons multiplié les déplacements et les rencontres pour répondre concrètement et directement aux attentes et aux interrogations des commerçants. Ainsi, le 26 novembre, j'ai reçu les représentants des organisations professionnelles et annoncé les six premières mesures d'accompagnement, que j'ai confirmées le 3 décembre avec Agnès Pannier-Runacher et Jean-Baptiste Lemoyne. À cette date, comme le 9 décembre, nous sommes allés à la rencontre des commerçants parisiens touchés par les violences, notamment un commerce de proximité, une librairie et une banque. Les banques, en effet, sont systématiquement prises pour cible par les casseurs qui y voient un symbole du capitalisme. Mais elles représentent aussi 350 000 emplois et il y en a 750 000 dans le système financier entier : on attaque ces employés et on menace leurs emplois, lorsqu'on attaque les banques ! Le 20 décembre, Agnès Pannier-Runacher s'est rendu à Sens pour échanger avec les commerçants. Le 8 janvier, j'ai organisé une réunion avec la Fédération nationale des commerçants en présence des représentants des banques et des assureurs et, le lendemain, Agnès Pannier-Runacher a eu un échange avec les commerçants sur les moyens de compenser les pertes subies à cause des manifestations. Le 14 janvier, nous nous sommes déplacés à Chartres à la rencontre des commerçants, puis, le 25 janvier, une réunion a été organisée avec les fédérations locales de commerçants. Le 8 février, nous avons renforcé les dispositifs de soutien aux commerçants en collaboration avec la Fédération bancaire française (FBF). Le 13 février, nous avons organisé, en présence de Laurent Nunez, une réunion avec les maires et les présidents de grandes villes sur l'impact des manifestations pour les habitants et les commerçants. Le lendemain, Agnès Pannier-Runacher s'est rendu à Toulouse et a rencontré, le 6 mars, les fédérations locales de commerçants. Le 7 mars j'ai organisé une nouvelle réunion avec les maires et les présidents de grandes villes, en présence cette fois de Jacqueline Gourault, pour présenter le renforcement du dispositif de soutien. Enfin, j'ai reçu hier les artisans, les commerçants et les organisations professionnelles affectés par les manifestations. Ce contact permanent depuis le premier jour de la crise avec les commerçants, les artisans, les fédérations professionnelles, les PME et les représentants des villes a garanti une réponse efficace aux conséquences de la crise sur le commerce et l'activité économique.

Ces rencontres se sont accompagnées de mesures concrètes, notamment l'étalement des échéances fiscales et sociales pour éviter des difficultés de trésorerie, dispositif prolongé hier jusqu'au 30 avril. Pour l'étalement des échéances sociale, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) a enregistré 5 187 accords de délai de paiement et de report de terme et, pour l'étalement des échéances fiscales, la direction générale des finances publiques (DGFIP) a accordé à 925 entreprises des mesures de bienveillance sous forme de délai de paiement, de report de pénalités, de remboursement accéléré de crédit d'impôt. Dès le 27 novembre, les entreprises ont pu user du chômage partiel mis en oeuvre par les services du ministère du travail : 5 100 entreprises et 73 500 salariés ont bénéficié de cette mesure pour un coût de 38,5 millions d'euros pour le budget de l'État. J'ai également pris la décision d'autoriser l'annulation de l'impôt sur les sociétés et de l'impôt sur le revenu pour les commerçants qui ont subi, du fait de la crise des gilets jaunes, une perte significative de leur chiffre d'affaires et dont la survie est menacée. Cette mesure exceptionnelle vise à éviter toute défaillance d'entreprise liée à cette crise. J'ai également exigé une implication totale des services économiques de l'État dans les territoires pour accompagner les entreprises concernées ; ils ont été mobilisés pour traiter les demandes d'étalement de dettes fiscales et sociales. Les commissions départementales ont ainsi accordé 103 délais de paiement. Des cellules d'information et d'aide aux entreprises ont, en outre, été installées dans chaque région : 400 entreprises y ont eu recours et j'ai annoncé hier le renforcement du dispositif par des équipes mobiles associant services de l'État et collectivités territoriales pour aller à la rencontre des commerçants. Enfin, nous avons mobilisé les fédérations professionnelles qui se sont engagés pour réparer les dégâts et permettre à chacun de reprendre rapidement une activité normale. Les assureurs ont ainsi accéléré les indemnisations de sinistres matériels et de pertes d'exploitation et se sont engagés à ne pas cumuler les franchises pour les dommages matériels causés par les manifestations. La FFA a enregistré 10 000 sinistres pour un coût de 170 millions d'euros ; il faut porter ce montant, après les événements de samedi, à 200 millions. Évidemment, les commerçants ont le droit des commerçants de se retourner contre l'État s'ils estiment avoir subi un préjudice grave du fait d'un défaut de maintien de l'ordre ; il reviendra alors au le juge administratif de trancher. La FBF, pour sa part, s'est engagée à examiner au cas par cas les situations des entreprises affectées, afin de rechercher des solutions adaptées, notamment pour les besoins de financement à court terme et la trésorerie.

Je condamne avec la plus grande fermeté les pillages et les violences, dont les commerçants et les artisans ont été les premières victimes. Ma détermination est intacte à apporter des réponses rapides, simples et efficaces aux secteurs économiques touchés par la crise des gilets jaunes.

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