Intervention de Sophie Primas

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 19 mars 2019 à 16h30
Moyens mis en place pour faire face aux nouveaux actes de violence et de vandalisme commis à paris — Audition de M. Bruno Le maire ministre de l'économie et des finances de M. Christophe Castaner ministre de l'intérieur et de M. Laurent Nunez secrétaire d'état auprès du ministre de l'intérieur

Photo de Sophie PrimasSophie Primas, présidente :

Nous nous réunissons cet après-midi pour évaluer, avec les ministres concernés, les mesures prises par le Gouvernement à la suite des violences, des dégradations et des pillages qui ont eu lieu ce week-end. Je remercie le ministre de l'économie, Bruno Le Maire, le ministre de l'intérieur, Christophe Castaner, ainsi que son secrétaire d'État, Laurent Nunez, d'avoir répondu à l'invitation que nous avons formulée au vu de l'ampleur et de l'accélération des événements.

Dans le cadre de notre mission de contrôle, et au-delà des conséquences immédiates de ce dix-huitième week-end de manifestation des gilets jaunes entaché de violence, nous sommes ici pour comprendre ce que le Premier ministre a qualifié dès dimanche de « dysfonctionnements » et pour évaluer les mesures correctives prises dès ce week-end. Plus globalement, nous tenterons d'apprécier la pertinence et l'efficacité des mesures prises par le Gouvernement pour mettre fin aux exactions, tout en restant dans le strict respect du droit à manifester, et pour estimer, contenir, voire compenser leurs effets sur l'activité économique et, donc, la consommation. Philippe Bas, président de la commission des lois, abordera les questions relatives au rétablissement de l'ordre public. En tant que présidente de la commission des affaires économiques, je m'attacherai aux conséquences de ces événements sur l'économie française.

Nous en sommes au dix-huitième week-end de violences et de dégradations depuis le 1er décembre. Si nous n'avons pas le recul nécessaire pour mesurer précisément les conséquences économiques des derniers incidents, nous sommes vraisemblablement en mesure aujourd'hui d'estimer l'impact de cette crise depuis son commencement. C'est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaiterais connaître votre évaluation des dégâts matériels et du manque à gagner pour le commerce et l'hôtellerie.

Vous avez parlé de 0,2 % du PIB, soit 4 milliards d'euros : c'est très en deçà des estimations des filières professionnelles. Ainsi, l'Association nationale des industries agroalimentaires, l'ANIA, évoque un préjudice global de 14 milliards d'euros. La Fédération française des assurances (FFA) avance le chiffre de 180 millions d'euros et plus de 10 000 déclarations. La Fédération du commerce et de la distribution, la FCD, évalue entre 300 et 500 millions d'euros les seules pertes dues aux blocages. La Confédération des petites et moyennes entreprises, la CPME, parle de 70 000 salariés dans plus de 5 000 entreprises, qui seraient au chômage partiel. Avez-vous des estimations plus précises ? Disposez-vous d'un outil de suivi des préjudices directs et indirects subis ?

Je souhaiterais également que vous dressiez un bilan, non pas seulement des mesures proposées aux commerçants, mais de celles qui sont réellement déployées et mises en oeuvre pour tenir compte des conséquences, à la fois des charges liées à la protection des commerces avant les manifestations, des dégradations post-manifestations et des pertes en termes de chiffre d'affaires pour les entreprises concernées. Les professionnels laissent entendre que les polices d'assurance ne couvrent pas toujours les vols, ni les pillages ni, dans la majeure partie des cas, le manque à gagner en chiffre d'affaires. Il faudrait pouvoir mesurer ce préjudice, ainsi que le préjudice - plus immatériel - en termes d'image pour la France et singulièrement pour le tourisme.

Parfois, la loi est bien faite, monsieur le ministre : l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure établit une responsabilité sans faute de l'État pour des dommages résultant d'attroupements ou de rassemblements. Des commerçants et des assureurs annoncent aujourd'hui par voie de presse leur intention de se retourner contre l'État. Avez-vous vous-même engagé des discussions avec les assureurs ? N'y a-t-il pas là matière à créer, compte tenu de la responsabilité de l'État, un régime d'indemnisation particulier ?

Enfin, nous sommes extrêmement intéressés par un éclairage sur votre stratégie de sortie de crise sur le plan économique. La lenteur avec laquelle le Gouvernement apporte des réponses à la crise des gilets jaunes entame la confiance des consommateurs et celle des investisseurs. À l'heure du Brexit, nombre d'entreprises basées à Londres réfléchissent à une nouvelle implantation : les images des Champs-Élysées qui tournent en boucle sur les chaînes de télévision leur fournissent probablement matière à réfléchir.

Malgré leur coût élevé - plus de 20 milliards d'euros -, les mesures de relance du pouvoir d'achat annoncées par le Gouvernement peinent encore à produire des effets. Pourtant, le Gouvernement ne semble pas avoir de marges de manoeuvre : notre déficit public dépasse les 3 % du PIB et notre dette publique atteint plus de 100 % du PIB. Dans ce climat économique singulier, les moyens pour relancer l'investissement et la consommation sont donc extrêmement limités. Au-delà des privatisations - j'ose à peine dire que ce sont plus de trois années de dividendes d'Aéroports de Paris qui viennent de partir en fumée en quelques week-ends -, comment allez-vous financer cette sortie de crise ?

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