Intervention de Christophe Castaner

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 19 mars 2019 à 16h30
Moyens mis en place pour faire face aux nouveaux actes de violence et de vandalisme commis à paris — Audition de M. Bruno Le maire ministre de l'économie et des finances de M. Christophe Castaner ministre de l'intérieur et de M. Laurent Nunez secrétaire d'état auprès du ministre de l'intérieur

Christophe Castaner , ministre de l'intérieur :

Madame la présidente, monsieur le président, vous l'avez dit avec solennité, émotion et fermeté : samedi, Paris a été une nouvelle fois marqué par des violences inacceptables. Samedi, au même moment, une manifestation déclarée, la Marche pour le climat, a réuni dans le calme près de 36 000 personnes, soit trois fois plus que sur les Champs-Élysées. Avec la Marche des solidarités, ce sont donc trois grandes manifestations qui se déroulaient ce week-end à Paris. Preuve est faite, une fois de plus, que le problème, ce ne sont pas les manifestations : ce sont les ultra-violents qui s'infiltrent dans les cortèges, qui cassent et pillent, ce sont les « ultras-jaunes » et les black blocs qui poussent tous les manifestants vers la brutalité et la radicalité.

Sur les Champs-Élysées, nous avons très vite identifié 1 500 black blocs. Environ 8 500 individus violents étaient présents à leurs côtés, prêts à tout, y compris à tuer. Nous avons tous vu les images de cette femme et de son enfant, sauvés in extremis par des policiers et des sapeurs-pompiers, alors que certains tentaient d'empêcher ceux-ci d'intervenir.

Monsieur le président Bas, j'aimerais dresser le lourd bilan de cette journée de samedi : 27 magasins pillés, plus de 130 boutiques dégradées, 79 feux, 30 policiers, gendarmes et pompiers blessés, certains très gravement. Je pense à ce gendarme, dont la mâchoire supérieure a été fracturée par un pavé. En dix-huit samedis, c'est le bilan le plus lourd enregistré pour nos forces de sécurité intérieure. C'est vous dire la violence à laquelle celles-ci sont confrontées. Depuis le début du mouvement, on comptabilise près de 4 000 blessés chez les manifestants et les forces de l'ordre. Au-delà de ce bilan matériel et humain, il existe un bilan économique inquiétant, que Bruno Le Maire vous détaillera.

Je souhaite revenir sur un point. Ce samedi, certains ont fait preuve d'une grande complaisance à l'égard des casseurs, notamment concernant la mise à sac d'un célèbre restaurant ou de kiosques à journaux. La réalité, c'est que ce ne sont pas les clients qui sont pénalisés, mais des serveurs qui gagnent le SMIC et vont se retrouver au chômage technique, ou des kiosquiers qui se lèvent à 5 heures du matin et voient leur vie détruite.

Après les manifestations du 1er décembre, nous nous étions déjà exprimés devant vous. Avec Laurent Nunez, nous revenons, avec la même solennité, avec le même esprit républicain. Face à des ultras qui ne pensent qu'à détruire la République et qui n'ont d'autre envie que de tuer, nous devons faire front, condamner les violences, soutenir les forces de l'ordre et l'autorité de l'État sans aucune ambiguïté.

Depuis notre audition au Sénat le 4 décembre dernier, les choses ont changé. Nous n'avons pas baissé la garde : nous nous sommes adaptés aux méthodes des casseurs, comme nous nous y étions engagés. Simplement, alors que les choses s'étaient relativement mieux passées ces dernières semaines à Paris, comme partout, l'explosion observée ce samedi montre les limites du système mis en place.

Nous avons d'abord évolué dans notre doctrine : nous avons choisi de rendre nos forces de l'ordre plus mobiles et avons convenu de méthodes anti-émeutes. Nous avons également décidé de « muscler » notre arsenal législatif. La semaine dernière, vous avez ainsi définitivement adopté la proposition de loi visant à renforcer et garantir le maintien de l'ordre public lors des manifestations, déposée par Bruno Retailleau. Monsieur le président Bas, vous avez évoqué la réunion d'un groupe de travail commun aux ministres de l'intérieur et de la justice : c'est sur le fondement de ses conclusions que le Gouvernement a travaillé à l'Assemblée nationale puis au Sénat.

Enfin, je peux vous assurer qu'aucun acte ne reste impuni : rien que pour la journée de samedi, nous avons procédé à 345 interpellations. La justice suit son cours : hier, près de 60 personnes ont été jugées en comparution immédiate.

J'en reviens à la journée de samedi plus précisément. D'abord, nous avions prévu ce niveau de participation et ce niveau de violence - c'est presque un paradoxe que de le reconnaître, mais nous devons l'assumer. Nos renseignements étaient exacts et notre dispositif, composé de plus de 5 000 policiers et gendarmes, était très important. Il n'y a pas eu de problème d'anticipation.

Devant les risques de débordement, nous avions donné au préfet de police une consigne extrêmement claire, celle de la plus grande fermeté. Sans fausse pudeur, nous voulions que tous les casseurs soient sanctionnés et que tous les troubles cessent immédiatement. Au regard des événements de la journée, un constat s'impose : cette consigne n'a pas été exécutée rigoureusement. Après un long travail de sape sur l'usage des armes intermédiaires, il y a eu des dysfonctionnements, qui ont causé des violences.

Les black blocs ne sont pas un épiphénomène, mais une menace que connaissent toutes les démocraties, elle est née en marge des sommets internationaux avant de s'étendre à toutes les manifestations : rappelons-nous les manifestations lors de la discussion de la loi El Khomri en 2016, les manifestations du 1er mai 2018, ou encore le sommet de l'OTAN à Strasbourg en avril 2009. Cette menace pour les manifestants, pour les Français et pour les libertés nous oblige à réagir fermement. La mission du Gouvernement est de réagir vite pour combattre plus efficacement les violences et mieux contenir les casseurs. C'est ce que nous avons fait en étudiant précisément les événements et en prenant les décisions qui s'imposent dès samedi soir.

D'abord, nous allons renforcer notre doctrine de maintien de l'ordre, tout en respectant le droit de manifester. Nous voulons réaffirmer une gradation : pour une manifestation déclarée, il n'y aura aucun changement ; en revanche, nous serons implacables dans la lutte contre les ultras. Nous interdirons les manifestations dans les lieux les plus symboliques où nous savons que certains individus viennent pour détruire. Je pense aux Champs-Élysées, à la place Pey-Berland à Bordeaux, ou à la place du Capitole à Toulouse. Dès qu'un attroupement se formera dans ces périmètres, il sera dispersé.

Nous avons également décidé des mesures importantes en termes d'organisation : nous allons faire évoluer les détachements d'action rapide, les DAR, en unités anti-casseurs pour viser spécifiquement ceux qui s'organisent pour détruire. Nous allons équiper les forces de l'ordre de tous les moyens technologiques utiles : dès samedi, de nouveaux dispositifs seront opérationnels. Nous voulons tirer parti de toutes les expérimentations en cours, comme les drones, les produits marquants et la vidéo. Enfin, nous allons déployer davantage d'officiers de police judiciaire et de moyens pour un traitement efficace et rapide de la manoeuvre judiciaire. Cela impose des lieux adaptés, comme le dépôt de Paris, ainsi que des moyens de transport collectif adaptés. Ces dispositifs auront des effets immédiats et seront très bientôt renforcés par les dispositions de la loi visant à renforcer et garantir le maintien de l'ordre public lors des manifestations.

La garde des Sceaux travaille en lien avec nos services aux évolutions réglementaires qui permettront d'augmenter de manière très sensible le montant des amendes pour participation à une manifestation illégale. Nous souhaitons que cette mesure soit opérationnelle d'ici samedi et avons soumis un texte aujourd'hui même au Conseil d'État.

Nous utiliserons autant que nécessaire l'article 40 du code de procédure pénale face à tous ceux qui appellent aux débordements. Enfin, nous nommerons dès demain un nouveau préfet de police pour mettre en place l'ensemble de ces mesures : il s'agit d'un grand serviteur de l'État, Didier Lallement, à qui l'on a fixé une feuille de route très claire.

Avant de laisser la parole à Bruno Le Maire et de répondre à vos questions, je veux réaffirmer tout notre soutien aux forces de sécurité intérieure. Celles-ci font preuve d'un grand courage, alors qu'elles sont agressées, insultées et conspuées. Malgré les campagnes menées ces dernières semaines, qui les ont presque systématiquement mises en cause, elles nous protègent avec vigilance et rigueur. J'ajoute que les évolutions décidées et mises en oeuvre depuis décembre ont été définies conjointement avec les organisations syndicales. Laurent Nunez et moi-même travaillerons dès jeudi prochain avec l'ensemble de ces organisations pour décider des meilleures mesures à mettre en oeuvre au plus près du terrain.

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