Intervention de Édouard Courtial

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 20 mars 2019 à 9h35
Projet de loi autorisant la ratification du protocole additionnel à la charte européenne de l'autonomie locale sur le droit de participer aux affaires des collectivités locales — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Édouard CourtialÉdouard Courtial, rapporteur :

Nous examinons aujourd'hui le projet de loi autorisant la ratification du protocole additionnel à la Charte européenne de l'autonomie locale sur le droit de participer aux affaires des collectivités locales.

La Charte européenne de l'autonomie locale a été élaborée sous l'égide du Conseil de l'Europe, sur la base d'un projet présenté au début des années 1980 par la Conférence permanente des pouvoirs locaux et régionaux dans le but de garantir les droits et missions des collectivités locales face aux États. Cette Conférence est le lointain ancêtre du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, officiellement chargé depuis 1994 de représenter les collectivités locales et régionales des 47 États membres du Conseil de l'Europe, ainsi que d'évaluer l'application de la Charte, afin de renforcer la démocratie locale et régionale.

La Charte, préparée par un comité d'experts, a été adoptée en juin 1985 sous la forme d'une convention. Ouverte à la signature en octobre 1985, elle est entrée en vigueur en septembre 1988 et a été ratifiée depuis par les 47 États membres du Conseil de l'Europe. La France l'a ratifiée en 2007, soit plus de vingt ans après sa signature, le Conseil d'État ayant considéré, en 1991, que certaines de ses stipulations étaient contraires au caractère unitaire de l'État français et à ses modalités de décentralisation. Ces obstacles ont été levés par la réforme constitutionnelle de 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République, ainsi que par la loi de 2004 relative aux responsabilités locales.

La Charte de l'autonomie locale définit celle-ci comme « le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques » et impose qu'elle ait un fondement légal et « autant que possible » constitutionnel. Elle fixe des normes communes pour protéger et développer les droits et libertés des collectivités locales, notamment un droit de recours juridictionnel inscrit dans la constitution ou dans la loi pour empêcher les ingérences venues d'autres niveaux, ainsi que les principes du fonctionnement démocratique des collectivités : élection au suffrage universel direct des organes ; garantie du libre exercice de leur mandat par les élus locaux ; définition par les collectivités de leurs propres structures administratives ; existence de ressources financières propres suffisantes. C'est le premier texte international qui ait appliqué le principe de subsidiarité en énonçant que « l'exercice des responsabilités publiques doit, de façon générale, incomber, de préférence, aux autorités les plus proches des citoyens ». Signalons que les États parties ont pour seule obligation d'appliquer un noyau dur de principes fondamentaux en vigueur dans l'organisation territoriale française.

Le Protocole additionnel a été élaboré par le Comité européen sur la démocratie locale et régionale du Conseil de l'Europe après plus de vingt ans de travail intergouvernemental. Ouvert à la signature en novembre 2009, il est entré en vigueur en juin 2012. À ce jour, il a été ratifié par 18 États. C'est ce texte que nous examinons aujourd'hui.

Ce protocole impose le droit pour tout citoyen résidant dans une collectivité locale de participer aux affaires de cette collectivité. Le préambule de la Charte mentionnait déjà ce droit mais ne contenait pas de disposition de fond sur le sujet. Ce droit traduit l'évolution de la société, qui considère désormais qu'il ne peut y avoir d'institutions démocratiques sans participation des citoyens. Cette participation apparaît déterminante pour renforcer la légitimité des décisions, associer les populations à la prise des décisions ayant une incidence locale, aider les pouvoirs publics à mieux prendre en compte les demandes du public et imposer le respect de l'obligation de rendre compte.

Ce protocole oblige donc les États parties à établir ou à maintenir un cadre législatif qui facilite l'exercice du droit de participer aux affaires d'une collectivité locale. Il garantit le droit de participer, en qualité d'électeur ou de candidat, à l'élection des membres du conseil ou de l'assemblée de la collectivité locale. Ce droit est reconnu exclusivement aux ressortissants nationaux - « les citoyens » - mais peut être étendu, cette fois-ci par la loi nationale, à d'autres catégories de personnes, comme les ressortissants communautaires dans le cas des élections locales. Des conditions, des formalités et des restrictions à l'exercice de ce droit peuvent aussi être imposées par une loi.

Ce protocole est déjà appliqué en France. Au-delà du droit fondamental d'être électeur ou d'être élu, l'article 72-1 de la Constitution, dans sa rédaction issue de la révision constitutionnelle de 2003, a ainsi institué un droit de pétition réservé aux électeurs de chaque collectivité territoriale et un référendum local décisionnel qui peut être organisé par les collectivités territoriales. Il prévoit également la possibilité, sur la base d'une loi, de consulter les électeurs d'une collectivité lorsqu'il est envisagé de créer une collectivité dotée d'un statut particulier ou de modifier son organisation. On peut également citer les conseils des quartiers, prévus par le code général des collectivités territoriales et obligatoires dans les communes de plus de 80 000 habitants. D'autres formes de participation à la vie locale peuvent être organisées sans texte particulier, comme les budgets participatifs qui visent à impliquer les citoyens dans la prise de décisions portant sur une partie du budget de leur collectivité, le plus souvent celles qui portent sur les projets d'investissement et d'urbanisme.

En conclusion, je recommande l'adoption de ce projet de loi. Ce protocole additionnel est pleinement compatible avec notre droit interne et avec nos engagements internationaux. Il convient que la France le ratifie rapidement alors qu'elle s'apprête à assumer la présidence tournante du Comité des ministres du Conseil de l'Europe le 17 mai prochain.

L'examen en séance publique est prévu le jeudi 28 mars 2019 selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.

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