Le Sénat est amené à examiner en deuxième lecture le projet de loi portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.
Le projet de loi initial a été considérablement élargi et enrichi avec l'adoption par le Sénat en première lecture de quatre amendements du Gouvernement reprenant, avec d'importantes modifications tenant compte des critiques soulevées, l'essentiel des dispositions du projet de loi relatif à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe déposé à l'Assemblée nationale en juin dernier.
Le texte a d'ailleurs gagné en consensus, puisqu'au delà de la passion qui a parfois animé les débats à l'Assemblée, le projet de loi a finalement recueilli les votes favorables de l'UMP, de l'UDF et du PS, seul le groupe communiste s'abstenant.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que le Sénat avait adopté en première lecture trente-cinq des quatre-vingt-huit amendements déposés, dont dix-sept sur proposition de votre commission des lois, tandis que l'Assemblée nationale a voté quinze amendements en deuxième lecture, dont huit concernent le renforcement de la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a adopté treize articles conformes et voté sans modification la plupart des amendements du Sénat, qu'il s'agisse de l'objectif de représentation équilibrée entre les hommes et les femmes pour la désignation des membres de la Haute autorité, du régime de déport de ceux-ci en cas de conflit d'intérêts, de l'ouverture de la saisine aux associations et aux parlementaires ou d'un certain nombre de garanties de procédure visant, par exemple, à assurer le respect du principe du contradictoire ou à exclure les avocats du champ d'application de la levée des sanctions pénales liées à la révélation d'informations concernées par le secret professionnel.
Il en va de même d'un certain nombre d'amendements relatifs aux modalités du concours des autorités publiques aux investigations de la Haute autorité, aux conditions d'information du Procureur de la République en cas de médiation, à l'affirmation du rôle consultatif de la Haute autorité et à la suppression de la gratuité du service d'accueil téléphonique.
Les désaccords entre les deux assemblées ne sont plus qu'au nombre de quatre, les deux premiers relevant davantage de la forme que du fond, et pouvant donc être aisément apaisés, les deux autres m'apparaissant un peu plus profonds.
Les députés ont ainsi supprimé, à l'article 2, l'objectif de respect du pluralisme dans la désignation des membres de la Haute autorité par les autorités politiques, sans même adopter un amendement de repli du rapporteur-président de la commission des lois, M. Clément, qui proposait de limiter cette exigence à l'éventuelle désignation de parlementaires. Certains députés se sont même interrogés sur le point de savoir de quel pluralisme il était question, alors que c'était bien évidemment sur le terrain des idées politiques que nous nous étions placés.
Cependant, l'ensemble des débats fait clairement apparaître, et c'est bien là l'essentiel, l'absolue nécessité de respecter ce pluralisme, au risque de saper l'autorité morale de la Haute autorité, donc son efficacité.
De la même manière, les députés, estimant, à juste titre, que l'organisation territoriale de la Haute autorité relevait du domaine réglementaire, ont supprimé l'article 3bis prévoyant la création de délégués territoriaux.
Même si les délégués du Médiateur bénéficient d'une consécration législative, l'important n'est-t-il pas, ici encore, que nous soyons assurés de la création de ces délégués territoriaux, qui conditionne largement la proximité et l'accessibilité de la Haute autorité ? J'avoue que les propos que vient de tenir sur ce point par Mme le ministre ont levé mes derniers états d'âme.
Les deux assemblées ont, en revanche, une appréhension différente sur deux points : le premier est relatif à la possibilité, pour le président de la Haute autorité, de faire appel au juge des référés en cas d'opposition du responsable des lieux à des vérifications sur place ; le second concerne une transposition, a minima pour l'Assemblée nationale, ou plus compréhensive pour le Sénat, de la directive du 29 juin 2000. Nous y reviendrons lors de la discussion des amendements.
Je souhaiterais enfin, mes chers collègues, profiter de ma position de rapporteur de la commission des lois pour vous dire mon grand étonnement devant les propos qui sont tenus et les lettres que, comme vous je présume, je reçois par dizaines, voire par centaines, concernant les dispositions de ce projet de loi relatives à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe. On constate un tel décalage entre la violence des critiques souvent exprimées et la réalité des réformes que nous mettons en place...