... que je ne peux m'empêcher de penser que bien des détracteurs de ce texte n'en ont jamais lu les articles 17 bis, 17 ter et 17 quater ou, à tout le moins, en sont restés à sa rédaction initiale, à laquelle personnellement je n'étais pas favorable, mais qui a été largement modifiée et qui tient compte, désormais, des avis exprimés tant par l'Eglise catholique de France que par la Commission nationale consultative des droits de l'homme ou par le Conseil d'Etat.
Je crois donc utile, sans vouloir abuser de votre patience, de faire le point sur les réformes mises en oeuvre au travers des trois articles en question.
L'article 17 bis tend à compléter la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, afin de permettre la répression des provocations à la discrimination, à la haine et à la violence à raison du sexe, de l'orientation sexuelle ou du handicap d'une personne ou d'un groupe de personnes.
Jusqu'à présent, ces provocations ne constituaient une infraction que lorsqu'elles étaient inspirées par des considérations ethniques, racistes ou religieuses. En revanche, les propos discriminatoires ou haineux à raison du sexe ou de l'orientation sexuelle ne pouvaient être punis, en dépit du fait qu'ils encourageaient les persécuteurs à passer à l'acte.
Quant au champ d'application des nouvelles dispositions, il sera, par la référence aux articles 225-2 et 432-7 du code pénal, strictement limité à l'embauche, au logement ou aux prestations de services.
L'article 17 ter vise, d'une part, à réprimer plus sévèrement les diffamations et les injures envers une personne à raison du sexe, de l'orientation sexuelle ou du handicap, et, d'autre part, à réprimer d'une manière identique des faits comparables commis à l'égard d'un groupe de personnes.
Cet article a pour objet non pas d'instituer un nouveau délit, mais seulement d'aggraver les peines déjà prévues par la loi, en les alignant sur les quanta de la diffamation et de l'injure à caractère raciste ou antisémite.
Enfin, l'article 17 quater tend à permettre au ministère public de poursuivre d'office lorsque la diffamation présente un caractère sexiste ou homophobe.
Il vise également à permettre aux associations de lutte contre l'homophobie, le sexisme ou les discriminations fondées sur le handicap régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans de se porter partie civile. L'accord de la victime est exigé dans tous les cas lorsque l'infraction a été commise à l'encontre de particuliers.
A mon sens, ce texte ne menace en aucune manière la liberté d'expression, et son application permettra tout débat sur des valeurs, des comportements ou des modes de vie, toute appréciation critique portant sur des choix de société.
A cet instant, que l'on me permette de citer les propos, que j'approuve entièrement, de deux orateurs de l'Assemblée nationale, appartenant l'un à l'opposition, l'autre à la majorité.
M. Patrick Bloche a déclaré pour sa part qu' « il ne s'agit pas d'imposer une sorte de politiquement correct ou pire un ordre moral à l'envers. Nul esprit de censure, nulle interdiction de la libre critique dans la démarche qui nous est proposée. La promotion de l'égalité ne saurait se faire au détriment de la liberté. »
M. Guy Geoffroy a tenu, quant à lui, les propos suivants : « On peut comme moi ne pas vouloir de manière claire, lucide, déterminée, envisager le mariage entre deux personnes du même sexe, on peut de même, comme moi, refuser qu'un couple homosexuel puisse adopter un enfant, sans pour autant accepter ne serait-ce qu'une fraction de seconde d'être catalogué comme homophobe. »
En ce qui concerne l'objection relative à une violation du principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant la loi, elle ne me semble pas résister à l'épreuve des réalités. Que constatons-nous aujourd'hui, si ce n'est une montée du racisme et de l'antisémitisme, d'une part, et de l'homophobie, d'autre part ? Rappelons simplement que le respect du principe d'égalité s'est toujours apprécié de manière concrète, et non dans l'absolu.
En outre, vous n'ignorez pas, mes chers collègues, que le phénomène du suicide chez les jeunes prend dans notre pays des proportions considérables, et que, même si nous ne disposons pas en la matière d'études incontestables, qui seraient pourtant bien utiles, la part des jeunes homosexuels dans la triste statistique des suicides est évaluée à près de 50 %. C'est là, je le crois, une raison supplémentaire de ne plus différer l'adoption de cette législation.
Quant à la répression des propos discriminatoires tenus à l'égard des personnes handicapées, une telle mesure pourrait peut-être trouver à s'appliquer au bénéfice des personnes atteintes du sida, alors même que le Premier ministre vient de déclarer la lutte contre cette maladie « grande cause nationale pour l'année 2005 ».
En tout état de cause, je suis convaincu, mes chers collègues, que la mise en oeuvre de ces dispositions contribuera à développer la tolérance, le respect de l'autre et la cohésion sociale, et c'est pourquoi je vous demande d'adopter le texte qui vous est soumis.