Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon intervention portera essentiellement sur la partie du projet de loi qui prévoit de renforcer la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe, qui me paraît éminemment contestable sur la forme comme sur le fond.
Ce texte est tout d'abord contestable sur la forme.
Quel en a été le déclencheur ?
C'est sans doute M. Noël Mamère, maire de Bègles, qui, avec le mariage homosexuel qu'il a célébré le 5 juin dernier dans sa mairie, a inspiré ce texte. Sans lui, le Gouvernement n'aurait vraisemblablement pas pris l'initiative d'un tel projet de loi, qu'il a ensuite déclassé en amendements.
Cette méthode, que la droite en France aime tant, est ce que l'on pourrait nommer une « sous-enchère » des idées qui nous sont généreusement offertes par l'avant-garde la plus éclairée de la gauche !
Ce texte est ensuite contestable par la manière dont le Gouvernement a choisi de répondre à cette nécessité urgente : par l'intermédiaire d'amendements.
Il est dommage que le Gouvernement ait choisi de faire passer à la sauvette, notamment en première lecture au Sénat, des dispositions qui, pourtant, reprennent l'essentiel du projet de loi du 23 juin 2004, comme l'ont reconnu aussi bien Alain Priou, porte-parole de l'interassociative lesbienne, gaie, bi et trans, que Me Thierry Massis, représentant du cardinal Lustiger.
Les nombreuses inquiétudes qu'avait suscitées le projet de loi n'ont pas été apaisées par ces amendements.
Il y a aussi dans cette affaire un problème de cohérence : si la lutte contre le sexisme et l'homophobie est d'une telle acuité que l'on souhaite la placer sur le même plan que la lutte contre l'antisémitisme et le racisme, par exemple, pourquoi avoir choisi de déposer de simples amendements et non un texte de loi ?
Ces dispositions sont également contestables sur le fond, comme l'ont souligné de nombreuses instances au-dessus de tout soupçon, telles la Commission nationale pour les droits de l'homme ou la Fédération nationale de la presse française.
Trois reproches peuvent être formulés sur les articles 17 bis, 17 ter et 17 quater.
Premièrement, ces dispositions sont juridiquement inutiles et dangereuses.
Inutiles, car il existe déjà, heureusement, un arsenal législatif permettant de sanctionner les violences verbales : ce sont les articles 29 à 34 de la loi du 29 juillet 1881 ou la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, qui a ajouté l'article 132-77 au code pénal, lequel prévoit de retenir une nouvelle circonstance aggravante lorsque le délit ou le crime est commis en raison de l'orientation sexuelle de la victime.
Dangereuses, car le droit relatif à la diffamation et à l'injure est une construction essentiellement jurisprudentielle. En ajoutant désormais la notion d'orientation sexuelle, que l'on ne définit pas, cela revient à se défausser encore un peu plus sur les juges, ce qui risque d'entraîner deux difficultés majeures.
D'une part, les personnes s'estimant potentiellement concernées chercheront à déclencher des procédures afin de préciser cette construction jurisprudentielle. Il existe ainsi un véritable risque de harcèlement procédural et d'inflation contentieuse.
D'autre part, il faudra au minimum dix ans avant que la Cour de cassation n'unifie les décisions des juges de première instance. En attendant, on ouvre sciemment un espace d'insécurité juridique.
Deuxièmement, ce texte a un caractère liberticide.
La Fédération nationale de la presse écrite a confirmé qu'avec de telles dispositions, qui rejoignent largement l'inspiration du projet de loi de juin 2004, on pouvait craindre « une auto-censure permanente ».
Encore une fois, qu'il soit bien clair que rien ne peut justifier une agression verbale et, à plus forte raison, physique. Mais je voudrais être bien sûr qu'il ne s'agit pas d'une mise sous tutelle judiciaire du langage et de la libre expression de la pensée.