En outre, dans notre tradition juridique, qui n'est pas la tradition anglo-saxonne, c'est le principe de la dignité humaine, principe constitutionnel, qui permet de limiter la liberté d'expression.
Segmenter ce principe en autant de composantes revient à donner à chacune d'entre elles un statut d'obligation de nature constitutionnelle justifiant l'entrave à la liberté d'expression. Est-ce bien raisonnable ? A moins qu'il ne s'agisse d'une tentative pour garantir de toute critique l'opinion qui milite activement pour le mariage homosexuel ou l'homoparentalité.
En réalité, ce texte est une tentative, poussée par des lobbies, d'amener par l'interdit l'opinion dominante à ses thèses, l'opinion dominante étant celle qui n'a plus besoin de se justifier et que l'on doit accepter sans la moindre contradiction.
Mes chers collègues, c'est bien souvent au nom de la lutte contre les préjugés que l'on tente d'en imposer de nouveaux.
Troisièmement, ces dispositions ont une tendance communautariste.
Comme l'avait noté la Commission nationale consultative des droits de l'homme : « Eriger l'orientation sexuelle en composante identitaire » ne peut que renforcer « l'émergence des tendances communautaristes en France ». Or le communautarisme ne correspond ni à notre tradition, ni - et encore moins - à la lutte contre les discriminations, qu'il va accentuer.
Le coeur de notre projet républicain n'est certainement pas d'enfermer les citoyens dans des catégories qui seraient supposées prédéterminer leur comportement. C'est, à l'inverse, de donner à chaque personne la possibilité de s'arracher aux conditions qui pourraient leur être imposées par la naissance, la biologie ou encore leur origine sociale, afin de prendre part au projet collectif.
La France est d'abord une communauté de destin qui dépasse les communautés d'origine ou de situation. Chez nous, la citoyenneté transcende les différences, et tenter de définir une catégorie d'êtres humains en fonction de leur orientation sexuelle constitue un formidable appauvrissement, notamment en termes de cohésion sociale.
La valorisation des particularités ou des identités ne traduit pas une nouvelle manière d'être ensemble ou de participer à la vie collective. C'est malheureusement, et trop souvent, une projection sociale de l'individualisme.
Une conception équilibrée et moderne de notre République n'implique certainement pas que soient supprimées les différences ou les particularités. Elle suppose simplement que ces dernières restent confinées dans l'espace privé.
La conséquence immédiate de cette conception est que la loi ne doit pas avoir comme objectif d'aider les différents groupes identitaires à valoriser leur particularité ou à institutionnaliser leur mode de vie, sinon elle perd sa portée générale.
La loi, disait Platon, se réfère à l'universel. Cet universalisme est l'une de nos plus belles inventions nationales et il affirme, contre tous les déterminismes, au-delà des attachements ethniques, religieux ou autres, que le genre humain est un, et que la dignité humaine et les droits qui y sont attachés sont indivisibles.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, si nous ne voulons pas affaiblir notre cohésion sociale, nous ferions bien de renoncer sagement à ces dispositions.