Intervention de Alain Fouché

Réunion du 21 décembre 2004 à 21h45
Création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité — Adoption définitive d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Alain FouchéAlain Fouché :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Président de la République a souhaité, dès le début de son mandat, que la France se dote d'une autorité indépendante chargée de lutter contre toutes les formes de discrimination, à l'instar de plusieurs de nos voisins européens.

En créant la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, le projet de loi répond non seulement à ce souhait, mais également aux recommandations de l'Union européenne et des Nations unies.

Le texte qui nous est aujourd'hui présenté en deuxième lecture s'avère parfaitement équilibré.

Composée de onze membres choisis parmi des personnalités indépendantes, la Haute autorité sera dirigée collégialement, et une dose de parité au sein de ce collège a été introduite par le Parlement. Les syndicats et les associations agiront au sein de l'organisme consultatif associé à la Haute autorité, dans lequel ils seront représentés.

Mesure importante : la saisine pourra être directe, ce qui simplifiera considérablement la démarche des victimes tout en leur assurant un soutien au cours de la procédure.

En effet, les associations, déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits, pourront, conjointement avec la victime et avec l'accord de celle-ci, saisir directement la Haute autorité et apporter ainsi leur soutien à la personne souffrant de discrimination.

La victime pourra également - vous l'avez souligné tout à l'heure, madame la ministre - demander à un parlementaire national ou européen de la soutenir dans sa démarche. Je crois que cette protection institutionnelle est de nature à dissuader l'auteur de discrimination d'exercer toute pression sur le plaignant.

En outre, la Haute autorité, contrairement au groupe d'études et de lutte contre les discriminations, sera dotée d'un budget conséquent - sur lequel vous nous avez donné toutes les garanties, madame la ministre - et de réels pouvoirs, qui sont autant de gages d'efficacité.

Jouissant de prérogatives originales, elle n'empiétera pas sur le champ de l'autorité judiciaire. Si les faits dont elle est saisie entraînent l'ouverture d'une information judiciaire ou d'une enquête pénale, elle n'exercera ses pouvoirs qu'avec l'accord du procureur de la République ou des juridictions pénales.

Au cours de la navette, le Parlement a également souhaité garantir le respect des droits de la défense face aux pouvoirs d'investigation de la Haute autorité. Il me semble que ce point est également important. Ainsi, les personnes accusées de discrimination pourront, lors de leur audition par la Haute autorité, être assistées du conseil de leur choix et se voir remettre un procès-verbal contradictoire de ladite audition.

De surcroît, dans le cadre des investigations de la Haute autorité, si le secret professionnel pourra être levé dans certains cas, celui qui est inhérent à la profession d'avocat ne pourra pas l'être pour des raisons de déontologie que chacun d'entre nous comprend.

Autre point important : le numéro d'appel, le 114, mis à la disposition de nos concitoyens par le groupe d'études et de lutte contre les discriminations pour signaler les cas de discrimination a été conservé.

En première lecture, le projet de loi avait été enrichi par notre Haute assemblée d'un dispositif renforçant la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe.

Je me félicite que les députés aient adopté ce dispositif dans les mêmes termes que le Sénat, en y ajoutant toutefois, et à juste titre, une nouvelle forme de discrimination, celle à raison du handicap. Il m'apparaît en effet primordial que la lutte contre les discriminations n'exclue aucune forme de discrimination, qu'elle soit liée à l'orientation sexuelle ou au handicap.

Le dispositif retenu en matière de lutte contre l'homophobie apparaît plus équilibré aujourd'hui dans sa forme actuelle que dans la version initiale du projet de loi.

Animé par la volonté permanente du Premier Ministre d'être à l'écoute de tous, le Gouvernement a su être attentif aux critiques les plus constructives. Il a parfaitement tenu compte de certaines récriminations formulées par la Commission nationale consultative des droits de l'Homme, la CNCDH, par les associations familiales et religieuses et par les entreprises de presse, qui redoutaient une atteinte grave à la liberté de la presse.

Pour tenir compte de l'avis de la CNCDH, le texte adopté par le Sénat apporte une précision essentielle au dispositif. Afin d'éviter une interprétation trop large de ces dispositions, qui serait contraire au principe de la liberté d'expression, seules seront réprimées les provocations aux discriminations déjà pénalement réprimées par la loi en matière d'emploi, de logement et d'accès aux services.

Si la diffamation, l'injure et les provocations à la discrimination, à la haine et à la violence homophobes commises par voie de presse sont réprimées, ces notions sont toutefois très encadrées par la jurisprudence de la Cour de cassation, qui a statué sur plusieurs affaires d'antisémitisme et de racisme.

Enfin, pour éviter un traitement différent par rapport aux autres formes de discriminations, le texte adopté par notre assemblée propose de revenir au délai de prescription de droit commun en matière de presse, soit trois mois §et de ne pas retenir la prescription d'un an contenue dans le projet de loi initial.

En conséquence, le texte adopté par le Parlement constitue un point d'équilibre entre les préoccupations légitimes de toutes les associations concernées. Il concilie lutte contre les discriminations les plus graves, comme l'incitation à la haine ou à la violence, et respect de la liberté d'opinion et d'expression. Bref, il rejette toutes les formes d'intolérance.

Pour toutes les raisons que je viens d'évoquer, madame la ministre, comme la plupart des membres du groupe de l'UMP, je voterai en faveur de ce texte tel qu'il ressort des travaux successifs de nos deux assemblées.

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