Intervention de Yves Détraigne

Réunion du 21 décembre 2004 à 21h45
Création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité — Adoption définitive d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre société est multiculturelle, multiraciale, multireligieuse, multinationale. Bref, elle est diverse. Et cette diversité est une source de richesse dont notre histoire s'est nourrie. Notre pays entend à juste titre la préserver en ayant érigé l'égalité et la tolérance au rang de principes fondamentaux de notre République.

Malheureusement, dans cette période d'incertitudes économiques et de doute, le démon de l'intolérance, du rejet de l'autre et de ses différences refait surface trop facilement entraînant la renaissance de comportements discriminatoires.

La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE, en tant que moyen de lutte contre les discriminations et de promotion de l'égalité, est donc la bienvenue.

Malgré les amendements adoptés en première lecture, je me pose toujours quelques questions.

Cette nouvelle autorité était-elle absolument nécessaire ? Ne pouvait-on pas confier la mission qui lui est dévolue au Médiateur de la République, par exemple, ou développer les moyens d'intervention d'organismes déjà existants comme les commissions pour la promotion de l'égalité des chances et la citoyenneté ou, tout simplement, faciliter l'intervention du juge dans ces domaines ?

Lorsque je lis l'article 1er du projet de loi qui confie à la HALDE la mission de « connaître de toutes les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international auquel la France est partie », j'ai le sentiment que cette mission recoupe largement celle des tribunaux.

La question de la coordination et de la cohérence entre la HALDE et la justice se posera inévitablement. Il conviendra d'y être attentif. Entre les enquêtes de la HALDE et la justice qui suivra son cours, n'y aura-t-il pas parfois des interférences, voire des confusions qui seront loin de faciliter le règlement du problème ? Cela risque d'être source de contentieux, de mauvaises orientations, voire de nouveaux tracas pour les victimes, ce qui n'est pas souhaitable.

Autre question : dans la mesure où « toute personne qui s'estime victime de discrimination » pourra saisir cette Haute autorité, cela ne pourrait-il pas donner pas lieu aux saisines les plus diverses, voire les plus abusives ?

Que se passera-t-il lorsqu'un chef d'entreprise embauchera un candidat d'origine française alors qu'un autre candidat d'origine étrangère n'aura pas été retenu malgré un curriculum vitae comparable ?

Sur quels critères la Haute autorité jugera s'il y a eu, ou non, discrimination ? Les mêmes interrogations risquent de revenir, par exemple, à propos du choix d'un candidat pour l'attribution d'un logement et, pourquoi pas - j'espère exagérer et m'inquiéter à tort -, en cas de contestation d'une note sur un devoir scolaire !

Autre question : l'objet même de cette nouvelle autorité correspond-il à la notion de « discrimination positive », parfois évoquée par certains responsables politiques comme la solution miracle aux problèmes d'intégration auxquels est confrontée notre société ?

Par ailleurs, la présence de cette autorité n'entraînera-t-elle pas une montée en puissance du communautarisme, chacun pouvant défendre ses propres règles de vie, au nom du respect des différences, en espérant la protection de la Haute autorité.

Enfin, dernière question, mais non des moindres : n'y a-t-il pas un risque d'atteinte à la liberté d'expression en raison non pas de l'existence de la Haute autorité mais de certaines dispositions introduites dans le projet de loi qui pourraient être utilisées contre le moindre propos jugé discriminatoire ?

Ne l'oublions pas, la liberté d'expression est l'un des éléments clé, voire l'élément pivot, de notre démocratie. Prenons garde de ne pas y porter atteinte !

Au-delà de toutes ces interrogations, je souhaite également vous exposer mes regrets concernant ce texte.

Je regrette, avec d'autres de mes collègues, que les députés aient supprimé l'article 3 bis introduit par le Sénat, qui dotait la Haute autorité d'un réseau de délégués territoriaux, au motif que l'organisation territoriale de la Haute autorité ne relevait pas de la loi.

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