Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 21 décembre 2004 à 21h45
Création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité — Adoption définitive d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes presque arrivés au terme de l'examen de ce projet de loi portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations.

Bien que nous en soyons à la deuxième lecture, le groupe CRC éprouve encore des réserves sur ce texte, qui comporte des imperfections malgré l'ajout des dispositions relatives à la lutte contre l'homophobie et le sexisme.

Le premier reproche concerne la composition de la HALDE. En effet, en l'état, la désignation de ses membres, notamment par les plus hautes autorités politiques, ne garantit ni le pluralisme ni l'indépendance qu'exige pourtant une telle institution.

En première lecture, le Sénat avait tenté de remédier à cette carence en introduisant la notion de respect du pluralisme au sein de la Haute autorité. L'Assemblée nationale a fait le choix de la supprimer.

Pourtant, lors du débat, dont j'ai lu le compte rendu attentivement, plusieurs arguments ont été avancés pour la maintenir. Ainsi, il a été rappelé que M. Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale, a eu récemment l'occasion de montrer l'exemple en matière de pluralisme en se tournant vers l'opposition afin que celle-ci propose une personnalité à nommer à la Haute autorité de santé.

L'attitude de Jean-Louis Debré est certes respectable et montre le champ des possibles. Pour autant, il n'est pas certain qu'elle se perpétue. C'est pourquoi nous avons déposé un amendement visant à réintroduire cette notion de pluralisme, notion suffisamment large pour ne pas contraindre les autorités de nomination dans leur choix.

Permettez-moi de réaffirmer encore une fois que les associations sont les plus qualifiées pour identifier les pratiques discriminatoires et trouver les moyens de lutter contre celles-ci.

Le second reproche que nous adressons au Gouvernement est d'avoir laissé les députés supprimer l'article 3 bis créant le réseau des délégués territoriaux de la HALDE. Pourtant, lorsque notre groupe a défendu cet amendement en première lecture, le Gouvernement et la commission y étaient favorables.

Pourquoi un tel revirement ? Il semble pourtant que l'intérêt des victimes soit justement de bénéficier d'une aide de proximité rapidement accessible. La Commission nationale consultative des droits de l'homme avait elle-même considéré, dans son avis rendu sur ce texte le 17 juin 2004, qu'il était nécessaire de préciser que la Haute autorité pouvait établir des délégations territoriales.

L'Assemblée nationale a supprimé l'article 3 bis, au motif que cette disposition était d'ordre réglementaire et n'avait donc pas sa place dans la loi. Certes, mais cet article avait surtout pour objet d'inscrire dans la loi une intention que nous croyions partagée par tous : faire de cette autorité une institution caractérisée par sa proximité, sa territorialisation, sa facilité de saisine et d'accès. Apparemment, l'Assemblée nationale a préféré en faire une institution centralisée. Si telle n'était pas son intention, il conviendrait, me semble-t-il, de rétablir la mise en place de délégués territoriaux dans le texte ; c'est une garantie que nous devons donner aux personnes victimes de discriminations. A cet égard, madame la ministre, j'ai bien noté les propos assez rassurants que vous avez tenus au début de la discussion générale.

Lorsque le projet de loi nous a été présenté en première lecture, nous avons émis des doutes quant à l'efficacité de cette haute autorité. Les moyens humains, matériels et financiers nous semblaient insuffisants ; l'avenir des personnels du service téléphonique du numéro 114 était incertain. Dans ces conditions, la Haute autorité était-elle en mesure de mener à bien ses missions ?

Alors que certaines garanties ont été apportées par notre assemblée, l'Assemblée nationale a pour sa part annulé les principales d'entre elles et notre interrogation première demeure. Nous espérons donc que vous accepterez nos amendements visant à réintroduire des dispositions essentielles au bon fonctionnement de cette haute autorité.

J'en viens maintenant aux dispositions relatives à la lutte contre les propos homophobes et sexistes.

L'Assemblée nationale a eu la sagesse de ne pas adopter l'amendement de M. Jean-Paul Garraud visant à permettre aux seules associations reconnues d'utilité publique de se constituer partie civile, qui réduisait à néant le dispositif du projet de loi, aucune association de lutte contre l'homophobie n'étant à ce jour reconnue d'utilité publique.

Or il est indispensable que des femmes et des hommes victimes de discriminations à raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle soient éventuellement défendus par les associations et que celles-ci puissent se porter partie civile en cas de procès. Par ailleurs, les associations apportent un soutien non seulement moral, mais aussi matériel et logistique, grâce aux conseillers juridiques qui mettent leurs compétences au service des victimes. L'adoption de l'amendement de M. Jean-Paul Garraud aurait signifié la négation de leur travail.

C'est pourquoi nous nous réjouissons que l'Assemblée nationale ait maintenu les articles relatifs au renforcement de la lutte contre les propos homophobes et sexistes que le groupe CRC avait adoptés dans leur intégralité lors de la première lecture.

Toutefois, nous regrettons que le Gouvernement mette uniquement l'accent sur la sanction a posteriori des propos homophobes ou sexistes. En effet, je pense qu'il faut également agir en amont, car c'est par l'éducation, l'information et le débat que la société réussira le plus efficacement à combattre l'intolérance, que celle-ci concerne le sexe, l'orientation sexuelle, l'origine ethnique ou encore le handicap.

L'acceptation des différences et le respect de la dignité de chaque être humain ne sauraient relever du seul juge pénal. La société doit être mise devant ses responsabilités. En tant qu'élus, nous devons lui en donner les moyens. Il appartient à l'Etat de protéger les libertés et l'égalité de traitement des personnes, mais également de faire en sorte que celles-ci vivent leur vie en toute tranquillité, en toute dignité, sans en subir de conséquences néfastes.

Il convient donc d'associer, au niveau de l'Etat, plusieurs acteurs afin de sensibiliser dès le plus jeune âge les enfants à la lutte contre toutes les discriminations. Nous avions déposé un amendement en ce sens en première lecture. En effet, nous souhaitions qu'un enseignement obligatoire et régulier sur le racisme, le sexisme, l'homophobie et, de manière générale, sur toutes les formes de discriminations, soit dispensé dès l'école primaire et poursuivi dans l'enseignement secondaire. L'éducation nationale apparaît comme l'un des acteurs essentiels dans la lutte contre les discriminations. Mais encore faut-il une volonté politique pour mettre en oeuvre de tels programmes, et rien n'est prévu dans le projet de loi.

En conclusion, madame la ministre, nous regrettons que le dispositif créant la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, déjà insuffisant à l'origine, ait été affaibli par l'Assemblée nationale. Si nous approuvons les dispositions qui ont été prises en faveur de la lutte contre les propos homophobes et sexistes, nous attendrons de voir, sans toutefois voter contre, ce que le Gouvernement envisage de faire pour renforcer la légitimité de la Haute autorité avant de nous prononcer sur l'ensemble du texte.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion