Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 19 mars 2019 à 15h00
Institutions européennes — Réunion conjointe avec une délégation du bundesrat de la république fédérale d'allemagne en présence du groupe interparlementaire d'amitié france-allemagne

Photo de Jean BizetJean Bizet, président :

Au nom de la commission des affaires européennes, je suis très heureux de vous accueillir cet après-midi pour une réunion qui s'inscrit dans le sillage de la signature, aujourd'hui même, d'une déclaration commune du Bundesrat et du Sénat par les présidents Günther et Larcher. Cette déclaration offre une traduction parlementaire à la nouvelle impulsion que nos gouvernements ont donnée aux relations franco-allemandes par le traité d'Aix-la-Chapelle le 22 janvier dernier. Je m'en félicite et me réjouis que les commissions chargées des questions européennes au Bundesrat comme au Sénat aient pu contribuer à préparer cet accord, formalisé aujourd'hui par les présidents de nos chambres respectives.

Je le disais ce matin devant eux : en plaçant la coopération franco-allemande dans une perspective résolument européenne, le traité d'Aix-la-Chapelle confirme que l'enjeu du rapprochement franco-allemand dépasse nos deux pays. Fondateurs et piliers de l'Union, la France et l'Allemagne peuvent ensemble cimenter le socle de l'Union et la projeter vers l'avenir, alors même que le retrait du Royaume-Uni semble porteur de régression pour le projet européen - peut-être laisserons-nous encore un peu de temps pour qu'il comprenne cette erreur géostratégique. Notre objectif partagé, c'est de conforter les valeurs fondatrices de l'Europe et de faire de celle-ci un multiplicateur de puissance économique.

En notre qualité de membres du Bundesrat et de sénateurs français, il est de notre responsabilité de donner une dimension parlementaire à ce rapprochement et de développer un réflexe franco-allemand au sein de nos chambres : c'est en effet par les parlements que peuvent se concrétiser les initiatives conjointes de nos deux pays.

Dans ce contexte, nos groupes interparlementaires d'amitié sont des outils précieux pour cultiver nos liens et progresser dans la connaissance mutuelle, qui passe d'abord par la langue et la culture. Nos commissions chargées des questions européennes doivent poursuivre parallèlement leur coopération sur les sujets d'intérêt commun et les questions relatives à la législation de l'Union.

À cet égard, je relève plusieurs pistes de travail susceptibles d'être creusées ensemble.

J'évoquerai d'abord le respect du principe de subsidiarité. J'ai noté que le Bundesrat avait adopté il y a un mois une décision relative à la récente communication de la Commission européenne sur le rôle des principes de subsidiarité et de proportionnalité dans l'élaboration des politiques de l'Union. Votre assemblée souligne la dimension politique de ces principes juridiques. Elle demande aussi à la Commission une certaine retenue, tout spécialement pour les clauses de compétence dont le libellé est large, afin de préserver la proximité citoyenne et de maintenir les marges de manoeuvre régionales ; elle l'invite aussi à préférer les directives aux règlements et à faire preuve de réserve dans l'utilisation des actes délégués, dont l'adoption, comme d'ailleurs celle des actes d'exécution, peut contrevenir au principe de subsidiarité. Sur tous ces sujets structurants pour la construction européenne, nous partageons des préoccupations communes. Pour ma part, j'ai toujours indiqué, lors des dernières conférences des organes spécialisés dans les affaires communautaires (Cosac), que les résultats des travaux de la task force de la Commission sur ce sujet, présidée par M. Timmermans, étaient loin d'être à la hauteur de nos espérances.

Autre piste de travail conjoint : l'avenir industriel de l'Union. Le refus opposé par la Commission au projet de fusion d'Alstom et de Siemens a ranimé la réflexion sur les moyens dont dispose l'Union pour permettre l'émergence de champions industriels. À cet égard, le manifeste franco-allemand pour une politique industrielle européenne adaptée au XXIe siècle, publié il y a tout juste un mois - le 19 février - par nos ministres de l'économie respectifs, MM. Altmaier et Le Maire, constitue une feuille de route précieuse. S'interroger sur la politique de concurrence européenne ne doit pas occulter la nécessité de trouver aussi les moyens financiers de soutenir les technologies qui conditionnent l'avenir de nos industries : je pense notamment à la cybersécurité et à l'intelligence artificielle. Je me réjouis à ce propos que l'Union européenne commence à prendre conscience de la naïveté qui était la sienne concernant la réalité d'aujourd'hui et celle de demain : nous sommes pris entre les États-Unis et la Chine, qui ont chacun une conception du monde différente de l'Union européenne et ne partagent pas notre attachement au multilatéralisme.

Nos chambres, qui sont particulièrement qualifiées pour soutenir la coopération entre les territoires qui composent nos deux pays, pourraient étudier les possibilités en la matière. J'ai notamment remarqué que la Sarre, dont Peter Strobel, ici présent, est ministre des finances et de l'Europe, a mené une politique active sur le numérique et souhaiterait être impliquée dans l'intelligence artificielle et que ce Land, frontalier avec la France, se trouve à proximité du centre de l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) de Nancy, acteur majeur des sciences du numérique.

Votre délégation compte aussi deux élus de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie qui abrite notamment le centre de Sankt Augustin, un des quatre centres fédéraux en intelligence artificielle et élément du réseau des instituts Fraunhofer. La ministre Isabel Pfeiffer-Poensgen et le docteur Mark Speich en sont ici les représentants. La volonté du Sénat, comme pour sa culture d'avenir, de s'investir sur ces sujets est très forte car si l'Europe prend du retard en la matière, elle risque de sortir de l'histoire.

Je cède la parole à ma collègue Catherine Troendlé, qui parle la langue de Goethe, alors que la langue de Shakespeare me suffit pour le moment...

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