Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 21 décembre 2004 à 21h45
Création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité — Vote sur l'ensemble

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il n'est pas d'usage que l'on multiplie les explications de vote d'orateurs appartenant à un même groupe. Néanmoins, nous serons trois à nous exprimer pour manifester notre profond malaise et notre réprobation devant ce qui s'est passé au cours de cette séance.

Nous considérons que les mesures relatives aux discriminations liées à l'orientation sexuelle et à l'homophobie sont nécessaires et justifiées. Cependant, nous ne pouvons pas voter le texte compte tenu des reculs que nous avons observés. Déjà, nous estimions que la rédaction adoptée en première lecture était affectée d'un certain nombre de défauts, ce qui avait justifié alors notre abstention. Or, ce soir, nous sommes encore plus fondés à dire notre désaccord, et ce sur trois points que je rappelle brièvement.

Le premier concerne la question du pluralisme. Parce que l'Assemblée nationale en a décidé ainsi, le Sénat refuse le pluralisme, auquel il était pourtant attaché s'agissant de la désignation d'un certain nombre de membres de la Haute autorité. Un tel refus n'a pas de justification, et aucun des arguments qui ont été fournis n'est probant. C'est un recul sur toute la ligne de la part du Sénat.

Le deuxième vise cet épisode de la seconde délibération sur une disposition - la garantie judiciaire - qui résultait d'une initiative du rapporteur du Sénat. Très franchement, cette seconde délibération n'a pas plus de justification que le refus du pluralisme ou plutôt, elle en a une, et j'y viens pour finir.

Troisièmement, en effet, vous avez refusé de reprendre à l'article 17, comme l'a pourtant remarquablement plaidé notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt, la définition des discriminations données par l'actuel article 225-1 du code pénal. Pire, alors que j'ai cru comprendre que l'accord s'était fait sur des amendements du Sénat, il n'en est rien resté. Nous avons vite compris pourquoi : eu égard aux divisions, aux difficultés, aux réticences que suscitent, au sein de la droite, certains aspects importants de ce texte, il est apparu au fil de la soirée qu'il fallait absolument obtenir un vote conforme.

Donc, on a tout sacrifié pour le vote conforme, de manière que rien de tout cela ne revienne en discussion, qu'il n'y ait pas de commission mixte paritaire, qu'il n'y ait pas une autre lecture à l'Assemblée nationale. On a refusé de faire le travail correctement, comme on aurait dû le faire, et cela aboutit à ce résultat complètement pitoyable que, dans la liste des discriminations de l'article 17, ne figure plus la religion. Ainsi donc, chers collègues, vous établissez en quelque sorte une discrimination entre les discriminations !

Je ne comprends pas pourquoi on n'ajoute pas dans cette liste de l'article 17 la religion, alors qu'elle figure textuellement à l'article 225-1 du code pénal, lequel mentionne l'appartenance ou la non-appartenance, « vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ».

Pour voter ce texte conforme, pour qu'il y ait silence dans les rangs par rapport à un certain nombre de ses articles, vous acceptez de voter des dispositions sur lesquelles nombre d'entre vous sont en fait en désaccord.

Il s'agit donc d'une manoeuvre et je la dénonce comme telle parce que, sur un sujet aussi crucial que celui des discriminations, on pouvait, on devait, on doit vraiment agir autrement.

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