Les plateformes numériques de travail se construisent sur un modèle économique qui a vocation à contourner les règles applicables aux secteurs dans lesquels elles évoluent, en particulier celles du droit du social.
« L’intermédiation numérique » comme activité spécifique justifierait une telle mise à l’écart : il y aurait non plus des « travailleurs », encore moins des « salariés », mais des « utilisateurs » ou des « prestataires extérieurs » ; non plus des « employeurs », mais des « intermédiaires » ; non plus des sanctions directes, mais des incitations. Et la désactivation fait figure de rupture contractuelle euphémisée.
Il ne s’agit pourtant que d’une torsion de la réalité opérée par le recours à un langage spécifique. Dans les faits se multiplient les pratiques de concurrence déloyale envers les entreprises qui respectent la loi et une vaste opération de dumping social s’observe.
La Cour de justice de l’Union européenne est pourtant formelle : l’intermédiation numérique n’est que la modalité d’exécution d’un service qui dépasse la simple mise en relation. Si Uber est une société de transport, Deliveroo une société de livraison de repas, ces plateformes ont besoin des travailleuses et des travailleurs qui réaliseront, pour leur compte, l’activité économique et commerciale qu’elles encadrent et dirigent. C’est ce que l’on appelle du travail salarié.
Or le développement des plateformes numériques de travail est l’occasion d’une paupérisation terrible des travailleuses et des travailleurs, qui restent à l’écart du statut de l’emploi et sont payés à la tâche, sans assurance maternité, chômage, vieillesse ou maladie, sans protection contre le pouvoir de contrôle, de direction et de sanction des plateformes, et soumis à la loi du plus fort.
Pour protéger ces travailleurs, lutter contre le faux travail indépendant, le dumping social et les pratiques de concurrence déloyale, il semble indispensable d’établir bien plus qu’une charge, mais une réelle présomption de salariat, comme nous l’avions proposé lors de la discussion de la loi relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, qui explicite la nature de l’état de subordination, et de mieux identifier le débiteur des obligations légales et contractuelles par une définition de l’employeur.