Intervention de Olivier Jacquin

Réunion du 26 mars 2019 à 14h30
Orientation des mobilités — Article 20

Photo de Olivier JacquinOlivier Jacquin :

Mes chers collègues, je vais vous parler de Kévin Durand. Ce jeune travailleur ubérisé de mon secteur, âgé de vingt et un ans, vient de lancer une pétition sur change.org pour alerter ses collègues et la population sur la forte baisse de revenus qu’il subit depuis près d’un an ; cela fait deux ans qu’il exerce cette activité.

Si, dans un premier temps, les plateformes sont relativement attractives pour recruter des travailleurs, au bout d’un certain temps, elles serrent la vis. C’est si vrai qu’émerge un nouveau phénomène que dénonce et refuse Kévin Durand, à savoir la location d’identifiants – forcément vers des plus précaires – contre rémunération. Les travailleurs qui n’ont que leur force de travail pour survivre s’adressent à plus précaires qu’eux, à savoir des gens qui n’ont pas le droit de travailler, et leur louent leur compte pendant qu’ils sont occupés à autre chose, et ce contre une rémunération de l’ordre de 30 %.

En examinant ses contrats, j’ai découvert que Kévin Durand, qui livre en vélo, n’était pas assuré à son retour de course ; il ne l’est qu’à l’aller. S’il se fait écraser pendant le trajet retour, il ne bénéficie d’aucune protection.

Ce modèle économique ne rémunère pas le travail ! Ce n’est donc pas avec une charte facultative, même bien pensée, que l’on réglera ces questions. Si elle était adoptée dans le domaine des transports, il est évident qu’elle ferait jurisprudence ailleurs, dans d’autres domaines de l’ubérisation. Nous avons besoin d’un véritable texte qui soit consacré à cette question grave et sérieuse.

D’ailleurs, lorsque, le 10 janvier dernier, la cour d’appel de Paris a retoqué et requalifié un nouveau contrat en salariat, Mme Muriel Pénicaud a elle-même évoqué la nécessité d’un véhicule législatif spécifique. Il nous semble également qu’il faudrait mener des négociations par branches d’activité pour définir les conditions minimales d’activité, notamment en termes de revenus.

Je conclus en évoquant les coopératives d’activités et d’emplois. Dans le cadre de ce statut créé par la loi relative à l’économie sociale et solidaire de 2014, il est possible d’obtenir un statut d’entrepreneur salarié à temps partiel en CDI. C’est le cas de la coopérative Mobicoop, spécialisée dans le covoiturage sans frais. Cela permettrait de rétablir un rapport de force entre les travailleurs et les plateformes.

Nous voterons donc contre cet article.

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