Comme nos collègues l’ont proposé en commission, nous souhaitons la suppression de cet article, qui reprend l’article 66 de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, introduit en séance publique par le rapporteur de l’Assemblée nationale, puis censuré par le Conseil constitutionnel, qui l’a considéré comme un cavalier législatif.
Cet article prévoyait que les plateformes pouvaient établir une charte déterminant les conditions et les modalités d’exercice de leur responsabilité sociale définissant leurs droits et obligations ainsi que ceux des travailleurs avec lesquels elles sont en relation.
Or nous considérons qu’une telle charte, qui, rappelons-le, ne serait que facultative, est évidemment largement insuffisante pour garantir pleinement les droits des travailleurs ultraprécaires qui sont surexploités par ces plateformes.
Madame la ministre, vous venez de nous peindre un paysage idyllique, dans lequel des jeunes rêveraient de ne plus être salariés et de recourir au travail via ces plateformes. Il s’agit là plus d’un mirage que d’autre chose, puisqu’un certain nombre d’entre eux ont recours à la justice pour faire requalifier leur contrat !
Je pense à la décision de la Cour de cassation, qui, au mois de novembre 2018, a estimé que les livreurs à vélo de Take Eat Easy devaient être salariés, car ils sont dans un lien de subordination par rapport à la plateforme, ou, plus récemment encore, à l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 10 janvier 2019, qui a requalifié le contrat liant un ancien chauffeur VTC à la société Uber en contrat de travail, jugeant là aussi qu’il existait un faisceau d’indices suffisant caractérisant le lien de subordination et renvoyant donc l’affaire devant le conseil des prud’hommes.
Si nous adoptions cet article en l’état aujourd’hui, nous empêcherions ces salariés de faire entendre justice, comme les deux exemples que je viens de citer. Nous proposons donc la suppression de cet article. La seule façon de reconnaître les droits de ces travailleurs, c’est évidemment le salariat qui n’a absolument rien de déshonorant, mais qui constitue la meilleure manière de protéger les travailleurs dans ce pays.