Intervention de Christian Charpy

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 20 mars 2019 à 10h35
Relations financières entre l'état et la sécurité sociale — Audition de Mm. Christian Charpy conseiller maître à la cour des comptes et julien dubertret inspecteur général des finances

Christian Charpy, conseiller maître à la Cour des comptes :

Merci, monsieur le président.

Deux précisions préalables... Tout d'abord, ce travail, je l'ai réalisé avec Julien Dubertret. Je suis conseiller maître à la Cour des comptes, mais les propos que je tiendrai aujourd'hui n'engagent toutefois pas cette dernière, pas plus que ceux contenus dans le rapport.

Nous avons été chargés de remettre un rapport au Gouvernement, qui en a ensuite adressé un autre au Parlement. Celui-ci s'inspire de nos travaux, sans reprendre exactement ce que nous avons écrit.

Pourquoi ce travail nous a-t-il été demandé ? La loi de programmation des finances publiques concernait, sur la période 2018-2022, l'ensemble des administrations publiques (APU), en prévoyant une réduction progressive du déficit public, les comptes des associations de sécurité sociale (ASSO) devant se rééquilibrer progressivement et la loi de programmation prévoyant par ailleurs de transférer une partie des excédents vers l'État.

Cette trajectoire méritait d'être explicitée, notamment en réexaminant les relations financières entre l'État et la sécurité sociale. L'objectif du Gouvernement était double, d'une part permettre un retour à l'équilibre global des APU et un retour progressif à l'équilibre de l'ensemble de ses composantes, même si l'État restait encore assez fortement déficitaire et, d'autre part, simplifier le financement de la sécurité sociale.

Je rappelle que les administrations de sécurité sociale ne concernent pas seulement la sécurité sociale au sens strict du terme, puisque s'y ajoutent les organismes complémentaires obligatoires - Agirc-Arrco -, l'assurance chômage - UNEDIC - et, enfin, les hôpitaux publics. Le solde des ASSO ne correspond donc pas strictement au solde de la sécurité sociale.

Par ailleurs, la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES), qui appartient également aux administrations de sécurité sociale, enregistre un excédent structurel. Faute de dépenses, elle ne fait que rembourser la dette sociale, qui n'est pas une dépense en termes de comptabilité nationale. En revanche, les recettes qui lui sont affectées - contribution sociale généralisée (CSG), contribution à la réduction de la dette sociale (CRDS) - entrent dans la comptabilité nationale. Le solde des administrations de sécurité sociale comporte donc celui de la CADES, positif par définition.

L'objectif du Gouvernement est de simplifier tout cela mais, en même temps, de permettre le remboursement de la dette sociale constituée à la fois par le solde de la CADES et par le solde de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).

Dans notre rapport, nous soulignons que le retour à l'équilibre global est soumis à un certain nombre d'aléas, notamment la croissance économique. S'y ajoutent les aléas liés à l'évolution des comptes de la sécurité sociale elle-même. On voit bien que la trajectoire des finances publiques, telle qu'elle a été définie par la loi de programmation, a été assez fortement perturbée en fin d'année par les mesures de baisse des charges, qui conduiront à un déficit plus important de la sécurité sociale et qui peuvent remettre en cause le dispositif initial.

La deuxième partie du rapport vise à montrer combien les relations financières entre l'État et la sécurité sociale se sont fortement complexifiées au cours des années. Premier élément : les recettes de la sécurité sociale se sont très largement diversifiées. Cela remonte aux années 1990, à la création de la CSG, à la forte réduction du poids des cotisations sociales dans le financement de la sécurité sociale, et à l'attribution à la sécurité sociale de recettes nouvelles - nouvelles contributions sociales, affectation croissante à la sécurité sociale de taxes comportementales sur les tabacs ou sur les alcools et de diverses taxes de contributions dues par les entreprises, comme la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) ou le prélèvement sur les jeux, taxe sur les assurances, sur les véhicules de société, part des redevances UMTS et taxe sur les salaires.

À ces ressources s'est ajoutée la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), puisqu'en raison de la mise en place d'allégements importants de cotisations sociales, il a fallu affecter des recettes nouvelles. À partir des années 2006 - et surtout 2012 -, on a affecté une part de TVA en compensation des baisses de cotisations sociales liées aux allégements sociaux. Cette part financée par l'impôt est donc beaucoup plus importante que dans le passé. Les transferts entre l'État et la sécurité sociale ont beaucoup évolué.

Dernier point sur lequel je souhaite mettre l'accent : cette structure de financement est mouvante et comporte, de temps en temps, des affectations de recettes qu'on retire ensuite. L'exemple de l'année 2018 est à ce titre assez frappant. On a réduit considérablement la fraction de TVA affectée à la sécurité sociale pour la transférer à l'ACOSS afin de financer des allégements de cotisations chômage. Avant 2017, on avait affecté toutes les taxes sur le capital à l'État. En 2018, on en a fléché une partie sur la sécurité sociale. On a également tendance à modifier les affectations de recettes à l'intérieur de la sécurité sociale en fonction de différents paramètres. Si certaines affectations sont logiques, d'autres répondent plutôt à une volonté d'équilibrer tel ou tel secteur de la sécurité sociale.

On aboutit à un schéma de financement de la sécurité sociale d'une très grande complexité, avec énormément de taxes affectées à différents régimes. Le tableau qui figure dans le rapport date un peu, les choses ayant évolué depuis. Par exemple, la célèbre taxe sur les farines et autres blés durs a été supprimée, alors qu'elle était affectée au régime complémentaire agricole, mais beaucoup de petites taxes sont encore affectées à la sécurité sociale. C'est sur la base de ce dispositif que nous avons commencé à réfléchir à une simplification.

Le dernier élément sur lequel je souhaiterais insister, c'est le fait que tout ceci est lié à la politique d'allégement du coût du travail menée depuis les années 1990, à la volonté de réduire les charges sociales imposées aux entreprises et à la décision, sous le Gouvernement de M. Balladur, de compenser les allégements de sécurité sociale.

À l'époque, on ne compensait rien. La loi Veil a introduit un principe de compensation qui a été progressivement amplifié et consolidé. Le dispositif prévu à l'article L. 131-7 du code de sécurité sociale reste aujourd'hui la règle. Il prévoit que tout allégement de cotisations sociales et toute réduction de financement doivent faire l'objet d'une compensation à l'euro près.

De fait, cette disposition fait l'objet chaque année d'exceptions prévues par la loi de finances, remplaçant le principe de la compensation intégrale à l'euro près par une compensation pour solde de tout compte même si, pour certaines des exonérations, on reste sur le principe initial par le biais de crédits budgétaires.

L'un des sujets sous-jacents à notre mission était de savoir s'il fallait ou non modifier ces règles de compensation intégrale, qui sont contournées régulièrement chaque année. C'est l'objet de la troisième partie, à propos de laquelle je laisse Julien Dubertret présenter les propositions retenues par le Gouvernement.

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