Intervention de Julien Dubertret

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 20 mars 2019 à 10h35
Relations financières entre l'état et la sécurité sociale — Audition de Mm. Christian Charpy conseiller maître à la cour des comptes et julien dubertret inspecteur général des finances

Julien Dubertret, inspecteur général des finances :

Un certain nombre de pistes ont animé nos réflexions et ont été retenues par le Gouvernement. La première idée, compte tenu de la grande complexité qui vous a été indiquée, est bien entendu de simplifier et de stabiliser la structure des recettes affectées à la sécurité sociale.

J'évoquerai ensuite la question de la redéfinition des règles de compensation des allégements de cotisations, qui était gouvernée jusqu'à présent en principe - mais pas tout à fait dans les faits - par une idée de compensation à l'euro près. Il faudra également dire un mot des règles spécifiques qu'il nous semble pertinent d'appliquer aux exonérations ou allégements en dehors du champ de la loi de financement de la sécurité sociale dans deux cas particuliers.

Simplifier et stabiliser la structure des recettes de la sécurité sociale signifie essayer de définir un champ de ressources propres de la sécurité sociale. Au-delà des ressources historiques, un certain nombre de ressources annexes devraient légitimement trouver leur place du côté de la sécurité sociale. Elles sont présentées rapidement dans le rapport.

Il s'agit tout d'abord des contributions sociales assises sur des éléments de rémunération d'activité non soumis à cotisation sociale, qui représentent un peu plus de 400 millions d'euros. Les taxes comportementales sur le tabac ou sur l'alcool ont été instituées pour essayer de corriger des externalités négatives liées à certaines consommations. À vrai dire, chaque fois qu'un Gouvernement a essayé de rapatrier ces taxes du côté de l'État, elles ont été comme attirées par un aimant, et sont revenues du côté de la sécurité sociale. On incline donc à considérer qu'il s'agit bien là de ressources de la sécurité sociale.

La taxe sur les médicaments et celle sur les complémentaires de santé, les taxes dites pharmaceutiques, constitutives de leviers de négociation des prix du médicament, les clauses de sauvegarde, comme les fameux taux L et W, mécanismes de régulation de la dépense de médicaments qui prennent juridiquement la forme de taxes forment le reste.

En revanche, on peut s'interroger sur le maintien dans le champ de la sécurité sociale de taxes qui n'ont pas de lien avec la protection sociale. Leur place serait davantage dans le budget de l'État. Christian Charpy a précisé que certaines avaient été supprimées.

La taxe sur les salaires constitue un « gros morceau », puisqu'il s'agit de près de 14 milliards d'euros, dont l'affectation à la sécurité sociale ne revêt pas de logique particulière. Si l'on réattribue des taxes à l'État, il faut bien sûr trouver une compensation. Il paraissait plus naturel de jouer sur des recettes de TVA, qui présentent l'avantage d'une certaine simplicité.

La recette de TVA offre un autre intérêt : son dynamisme est proche de celui de la croissance du PIB. Ce serait une manière d'élargir le financement de la sécurité sociale, sous réserve qu'elle soit cadrée de façon suffisamment pérenne et ferme. Il ne s'agit pas non plus de créer un canal de subventionnement sans limite. Il convient de montrer une plus grande transparence face à l'effroyable complexité des relations financières entre l'État et la sécurité sociale.

La logique de solde de tout compte m'amène à la question de l'indispensable redéfinition des règles de compensation des allégements de cotisations. Christian Charpy a évoqué l'application de l'article 131-7 du code de la sécurité sociale, tel qu'il était conçu initialement avant d'être appliqué de façon de plus en plus approximative. On s'est en effet approché peu à peu d'une logique de solde de tout compte. À vrai dire, celle-ci ne nous paraît pas condamnable.

Si l'on sort du champ de compensation très précisément identifié pour entrer dans celui du financement d'allégements de cotisations, la logique d'attribution d'une recette pour solde de tout compte est une bonne chose. Ceci peut être complété sous les formes présentées dans le rapport avec, pour les allégements ciblés, le maintien d'un financement par compensation budgétaire à partir de dotations du budget de l'État.

Ceci permet de contrôler les velléités de multiplication d'allégements ciblés qui constituent le quotidien des relations entre certains ministères et Bercy. Si un ministère souhaite proposer un allégement ciblé, ou si un allégement paraît souhaitable, il faut confronter son coût aux possibilités de financement par l'État. Dans ce cas, un financement de compensation à l'euro près et en dotation budgétaire est responsabilisant.

En revanche, une fois clarifiée l'attribution des recettes entre l'État et la sécurité sociale, l'idée que chacun supporte les baisses de prélèvements associées aux recettes relève d'une forme de bon sens et de responsabilisation.

Enfin, s'agissant spécifiquement des allégements généraux, la lettre de mission par laquelle nous avions été saisis nous engageait à réfléchir à un partage des efforts, ce qui nous a semblé nouveau et envisageable. Lorsqu'on entre dans ce genre de considérations, qui ont été reprises par le Gouvernement, il faut le faire en prenant en compte les différentes contraintes que sont le retour à l'équilibre de la sécurité sociale, le déficit très important du budget de l'État, et le besoin de désendettement et de respect de la trajectoire de désendettement de la sécurité sociale.

Enfin, un mot des règles spécifiques applicables aux exonérations ou allégements en dehors du champ de la loi de financement - Agirc-Arrco et UNEDIC : il nous a semblé que, dans ces cas, notamment dans celui des régimes complémentaires de retraite, qui restent dans une logique contributive, une compensation à l'euro près s'imposait. On est ici dans un cas sensiblement différent de celui des allégements généraux de charges.

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