Intervention de Christian Charpy

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 20 mars 2019 à 10h35
Relations financières entre l'état et la sécurité sociale — Audition de Mm. Christian Charpy conseiller maître à la cour des comptes et julien dubertret inspecteur général des finances

Christian Charpy, conseiller maître à la Cour des comptes :

Il est vrai qu'il existe un écart considérable entre le dispositif ancien, lorsque la sécurité sociale était financée par des cotisations qui créaient des droits, et le système actuel, dans lequel les branches maladie et famille sont totalement universelles, une partie de la branche vieillesse comportant des droits qui ne sont pas assis sur le versement de cotisations.

La seule branche réellement contributive restant la branche accidents du travail, il n'est pas illogique, avec une universalisation plus grande de la sécurité sociale, que le financement soit diversifié et s'appuie sur davantage de fiscalité. Cela pose la question du partage des financements entre l'État et la sécurité sociale. C'est parce que notre système a changé que le mode de financement s'est modifié. S'y ajoute aussi le fait qu'on a considéré qu'un financement exclusif par les cotisations sociales pesait de manière excessive sur le travail et sur l'emploi.

Je ne crois pas que l'on puisse dire que le champ de la sécurité sociale et celui de l'État sont totalement différenciés. Au cours des trois à quatre dernières années, les dépenses de logement étaient partagées entre l'État et la sécurité sociale : on les a entièrement basculées de l'État. D'autres dépenses familiales, autrefois du côté de la sécurité sociale, sont passées à l'État, et des mouvements en sens inverse se font. On est donc sur un mode global de pilotage des dépenses et des recettes, aujourd'hui assez largement entre les mains de l'État, qui renouvelle la question du partage des recettes, de la compensation des allégements de charges, etc.

Vous l'avez entendu, nous sommes assez pragmatiques : une règle qui change chaque année est-elle encore une règle ? Elle constitue au moins un guide pour l'esprit, mais guère plus.

S'agissant de la règle d'or évoquée par M. Vanlerenberghe, il me semble que, dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre avait annoncé la mise en place d'une règle d'or. Nous y avons nous-mêmes réfléchi. Mon sentiment est qu'il existe plusieurs règles d'or possibles pour ramener la sécurité sociale durablement à l'équilibre.

En premier lieu, il faut effectivement que l'équilibre global des administrations de sécurité sociale soit inscrit dans le cadre plus général de la loi programmation des finances publiques et de l'article liminaire. De ce point de vue, ce serait une bonne chose de compléter l'article liminaire pour ne pas en faire un solde uniquement global, mais le distinguer APU par APU.

La règle d'or concerne aussi le solde de la sécurité sociale et ses branches. On ne peut évidemment imaginer que la branche accidents du travail soit durablement déséquilibrée ou durablement excédentaire. Il faut donc affirmer clairement que les branches les plus contributives doivent être à l'équilibre.

Globalement, le symbole politique du trou de la sécurité sociale est si fort que je n'imagine pas que l'on puisse considérer les déséquilibres comme normaux. Il ne faut pas verser dans le fétichisme, mais il convient de tendre vers un équilibre global des branches.

La règle d'or comporte un troisième pilier, celui du pilotage par la dépense. Ce fut le cas de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) pour l'assurance maladie. Cela fonctionne relativement bien. Le Comité d'alerte ne s'est pas encore prononcé sur l'ONDAM 2018, mais il est clair que l'on va arriver comme d'habitude à un « confetti » d'environ 30 millions d'euros. Le pilotage par la dépense doit donc être, selon moi, une règle très forte.

Le dernier élément de la règle d'or, c'est le pilotage par la dette. Il est inconcevable et inconvenant d'avoir une dette sociale. Chaque année, la loi de financement de la sécurité sociale prévoit un déficit de trésorerie pour l'ACOSS. Il faudrait qu'on arrive à réduire cette autorisation chaque année.

Quant à la CRDS, elle représente beaucoup d'argent. Celui-ci est considéré comme une recette en comptabilité nationale, mais il n'existe pas de dépenses. Le jour où il n'y a plus de dépense de remboursement de la dette sociale, il y a deux solutions : soit on utilise cet argent pour faire des dépenses, et on dégrade le solde, soit on supprime la CRDS, mais on le dégrade également. Il ne faut donc pas considérer que la fin du remboursement de la dette sociale représente le « nirvana » des finances publiques. Dans tous les cas, on dégrade le solde public au sens de la comptabilité nationale.

Il existe effectivement des besoins importants en matière de dépendance. Doivent-ils être financés par la CRDS ? Ce peut être un élément du dispositif. J'ai cru comprendre que l'on pourrait également repousser l'âge de départ à la retraite...

La question de la sortie de la dette sociale et de l'avenir de la CRDS n'est pas un sujet simple pour l'administration. Je n'ai d'ailleurs pas vu de proposition très claire en ce sens - à moins que la Direction du budget et Bercy aient des idées à ce sujet...

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