Intervention de Christian Charpy

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 20 mars 2019 à 10h35
Relations financières entre l'état et la sécurité sociale — Audition de Mm. Christian Charpy conseiller maître à la cour des comptes et julien dubertret inspecteur général des finances

Christian Charpy, conseiller maître à la Cour des comptes :

Tout d'abord, la fraude est par définition difficile à évaluer. Celle qui concerne la TVA est évaluée à une somme comprise entre 12 milliards d'euros et 100 milliards d'euros. Aujourd'hui, les organismes de sécurité sociale et l'État mettent en oeuvre des dispositifs plus modernes d'évaluation et de détection de la fraude, en recourant de façon bien plus massive qu'auparavant au data mining - l'exploration des données -, qui permet d'identifier les employeurs qui ne versent pas de cotisations et les fraudeurs aux prestations.

Cette fraude entache le consentement à l'impôt, aux prélèvements, et crée une suspicion générale vis-à-vis des systèmes sociaux ou publics. La lutte doit donc rester une priorité absolue. La mise en place du service de traitement des déclarations rectificatives (STDR), il y a quelques années, a permis de faire rentrer quelques milliards d'euros bienvenus dans l'escarcelle de l'État. C'est un travail continuel.

S'agissant des transferts interbranches, il est incontestable que certains accidents du travail ou maladies professionnelles sont bien sous-déclarés, soit que l'employeur ou le salarié ne le déclare pas, soit parce qu'un cancer peut avoir une origine professionnelle non univoque, mais qui joue néanmoins un rôle.

Une commission, présidée par un collègue honoraire de la Cour des comptes, définit chaque année le montant de ces dépenses avec des épidémiologistes. Cela aboutit en général à une fourchette assez large, comprise entre 500 millions d'euros et 1 milliard d'euros. La commission communique ce montant à l'État, qui indique ensuite combien il prélève. En fonction des excédents, on va plutôt vers le haut ou vers le bas de la fourchette. Aujourd'hui, on est plutôt vers le haut. Cela se justifie sur le fond. Pour ce qui est du montant, on peut s'interroger. C'est en quelque sorte une variable d'ajustement.

S'agissant de la question de M. Bocquet, nous avons adressé un rapport au Gouvernement. Celui-ci est ensuite responsable de ce qu'il rédige pour le Parlement. On avait évoqué certains sujets, comme la question de la règle d'or. Le Gouvernement n'est pas complètement au clair sur ce qu'il veut faire. Il n'a pas souhaité reprendre ce sujet, d'autant que la commande de la loi de programmation portait exclusivement sur les relations financières entre l'État et la sécurité sociale. On nous a demandé de réfléchir aux questions de règle d'or. On l'a fait pour alimenter le débat, mais il n'y a pas d'écart entre ce que nous avons dit et ce que le Gouvernement a repris.

Pour ce qui est de l'évolution, je pense que le financement assis sur le travail demeurera. Il est cependant assez résiduel. On aurait pu se demander s'il n'aurait pas fallu que la structure de financement soit liée à la structure des dépenses : par exemple, on aurait pu estimer nécessaire de financer la branche famille entièrement par l'impôt. Elle est financée à plus de 70 % par des cotisations sociales. Il ne serait donc pas absurde de la placer ailleurs.

Organiser des transferts devient extrêmement compliqué. Je pense qu'il est bon d'avoir une logique de principe, mais il faut faire preuve de pragmatisme.

Je pense que la part du financement fiscal s'est accrue significativement. Il n'est pas sûr qu'on ait encore de la marge.

Quant au paritarisme, j'ai le plus grand respect pour les partenaires sociaux, mais il est vrai que leur rôle est aujourd'hui plus important en matière de retraite complémentaire que de retraite de base.

Le rôle de l'UNEDIC était primordial. Il a tendance, en la circonstance actuelle, à se réduire. Les partenaires sociaux sont aujourd'hui bien moins en phase qu'autrefois. La seule branche dans laquelle ils sont très actifs, ce sont les accidents du travail et, pour la partie famille, la gestion des dépenses et les priorités du Fonds d'action sanitaire et sociale.

S'agissant de la question des retraites et des avantages non contributifs, l'essentiel est aujourd'hui financé par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), lui-même financé par le biais de financements classiques. On peut dire qu'il s'agit globalement de financements non assis sur le travail. L'autre partie des avantages non contributifs sont des avantages familiaux de retraite, financés par un transfert de la CNAF, qui a longtemps servi à réduire ses excédents naturels, qui auraient incité à créer des dépenses nouvelles en matière d'assurance familiale.

Pour ce qui est de l'avenir du système de retraite, m'interrogeant moi-même sur le nouveau système, j'ai du mal à voir comment les avantages non contributifs seront financés demain. Il y aura forcément une partie assurantielle pure et une partie non contributive forte. Il y a ce que l'on connaît en matière de sécurité sociale, comme les avantages familiaux de retraite, et ce qui viendra du monde des fonctionnaires, avec les régimes actifs de retraite. On est dans le domaine de la solidarité : si un policier ne travaille pas au-delà de 62 ans, c'est sans doute parce qu'il a beaucoup travaillé avant et qu'il a eu des fonctions difficiles. On ne peut imaginer que le montant de sa retraite ne soit déterminé que par les 26 années de travail qu'il aura accomplies entre 26 ans et 52 ans s'il part à cet âge. Il y aura donc forcément un financement complémentaire non contributif.

J'attends personnellement d'être éclairé sur l'ensemble de la réforme et ne suis donc pas en mesure d'aller plus loin.

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