L'innovation financière s'étend aux usages les plus courants, à commencer par l'acte d'achat. Alors que la frontière s'estompe toujours davantage entre paiement en magasin et paiement sur internet, entre commerce physique et commerce en ligne, les innovations en matière de moyens de paiement se multiplient.
Ces évolutions porteuses de perspectives intéressantes, qui peuvent fluidifier les actes d'achat, posent question au regard des difficultés qu'elles peuvent susciter pour certains de nos concitoyens.
Sans même évoquer les perspectives de remplacement de la carte bancaire par les téléphones mobiles voire, dans des cas rapportés par la presse et qui interrogent, par une puce implantée sous la peau, des évolutions importantes sont d'ores et déjà à l'oeuvre. Ainsi, le recours au paiement sans contact a été multiplié par cinq en trois ans. Certains observateurs prédisent une disparition progressive des paiements en espèces, selon une évolution qui s'observe déjà dans certains pays nordiques.
Le rapport « Action publique 2022 » préconisait, l'an passé, de rendre obligatoire l'acceptation des paiements dématérialisés - carte bancaire, téléphone, virement - pour tous les achats, sans montant minimum, et de réduire progressivement la circulation d'espèces vers une extinction complète.
Parallèlement, dans un contexte macroéconomique de taux bas, les grands établissements bancaires cherchent des sources d'économie. Ils s'interrogent en particulier sur leurs réseaux d'agences et sur leurs infrastructures de distribution des espèces.
L'accessibilité des espèces pose la question de la double fracture numérique et territoriale, sujet sur lequel il était naturel que le Sénat se penche. À l'automne dernier, nous avions en effet examiné une proposition de loi du groupe du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE), présentée par notre collègue Éric Gold, visant à lutter contre la désertification bancaire dans les territoires ruraux. À cette occasion, Sylvie Vermeillet, rapporteure de ce texte, nous avait indiqué qu'un groupe de travail avait été mandaté par la Banque de France pour réfléchir à l'accessibilité des espèces.
Les travaux se poursuivent, mais j'ai souhaité qu'un premier point d'étape puisse nous être présenté compte tenu de l'importance de ces enjeux. C'est pourquoi nous avons le plaisir d'accueillir ce matin : Erick Lacourrège, directeur général des services à l'économie et du réseau de la Banque de France ; Jérôme Reboul, sous-directeur des banques et des financements d'intérêt général à la direction générale du Trésor ; Tony Blanco, secrétaire général et membre du directoire de la Banque postale ; Sophie Lejeune, secrétaire générale de la confédération des buralistes et Olivier Gayraud, juriste auprès de l'association consommation, logement et cadre de vie (CLCV).
Je demanderai à chacun de faire un très bref exposé introductif, pour laisser la place aux questions.
Je me tourne d'abord vers Erick Lacourrège, qui conduit les travaux sur le sujet pour la Banque de France. Quels en sont les premiers enseignements ? Quelles sont les carences constatées dans l'accessibilité aux espèces selon les territoires ?