Nous démarrons, conformément au programme de travail défini par le bureau de notre commission, un cycle de tables rondes consacrées à la maladie de Lyme. Il n'est pas fréquent que nous nous penchions sur une maladie en particulier et ce cas de figure doit rester exceptionnel. Il ne ressort, en effet, pas de notre rôle de déterminer ce que doit être le diagnostic ou la prise en charge de telle ou telle pathologie. Notre objectif est de comprendre comment se construit le processus de prise en charge, comment se forge le consensus et comment il se diffuse auprès des médecins au bénéfice des patients.
Le cas d'espèce est intéressant puisque, pour la maladie de Lyme, le processus n'a pas totalement abouti. La conférence de consensus de 2006 avait dessiné un premier cadre diagnostique et thérapeutique de cette maladie considérée, à l'époque, comme émergente en France. Depuis, la population des tiques vectrices des souches de la Borrelia a augmenté et l'incidence de la maladie progressé. Dans le même temps, la remise en question de la fiabilité des tests sérologiques et l'insuffisante sensibilisation des professionnels à la prise en charge de cette maladie complexe compliquent son diagnostic.
S'ouvre alors un parcours de soins semé d'obstacles pour des patients dont l'infection n'a pas été détectée ou ne l'a été que tardivement. Face à un risque d'errance diagnostique et thérapeutique, les pouvoirs publics ont décidé de se mobiliser. Le Gouvernement a lancé, fin 2016, un plan national de prévention et de lutte contre la maladie de Lyme et la Haute Autorité de santé (HAS) a réuni un groupe de travail pluridisciplinaire avec l'objectif de réactualiser les lignes directrices du consensus de 2006. Publiée en juin 2018, la recommandation de bonne pratique de la HAS propose un cadre de prise en charge diagnostique et thérapeutique rénové. Elle n'a cependant pas emporté le consensus de la communauté médicale. Certaines questions, dont l'existence éventuelle d'une forme chronique de Lyme et la durée pertinente des traitements antibiotiques, continuent de cristalliser les tensions.
Dans ce contexte, le bureau de notre commission a souhaité approfondir le débat en conviant des spécialistes de ce problème de santé publique autour de quatre tables rondes. La première doit poser un cadrage épidémiologique et biologique de la maladie. La deuxième portera sur les outils d'aide au diagnostic. La troisième se penchera sur la stratégie thérapeutique et la quatrième nous permettra de faire le point sur les enseignements tirés de ces rencontres avec les représentants des autorités sanitaires, en présence d'un membre de l'équivalent britannique de la HAS. Au risque de décevoir, nous n'avons pas vocation à trancher : nous ne sommes pas les arbitres d'une controverse scientifique et médicale. Nous n'avons pas davantage de parti pris : la constitution des tables rondes est le produit d'une volonté d'équilibre, mais aussi de la disponibilité des uns et des autres. Nous souhaitons simplement comprendre, avec un objectif partagé : l'intérêt du patient et sa confiance dans le système de santé alors que cette dernière n'est plus forcément évidente.
Pour dresser un état des lieux épidémiologique et nous éclairer sur les caractéristiques biologiques de la transmission de cette pathologie, nous accueillons le professeur Benoît Jaulhac, directeur du centre national de référence (CNR) des Borrelia, la professeure Céline Cazorla, infectiologue et vice-présidente de la commission spécialisée maladies infectieuses et émergentes du Haut Conseil de la santé publique, Mmes Alexandra Septfons et Julie Figoni, épidémiologistes à Santé publique France, Mme Muriel Vayssier-Taussat, microbiologiste et cheffe de département à l'Institut national de recherche agronomique (INRA) et M. Pascal Boireau, directeur de laboratoire à l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses).