Intervention de Benoît Jaulhac

Commission des affaires sociales — Réunion du 27 mars 2019 à 9:5
Audition commune de cadrage épidémiologique et biologique de la borréliose de lyme : pr benoît jaulhac directeur du centre national de référence des borrelia mmes alexandra septfons et julie figoni épidémiologistes à santé publique france pr céline cazorla infectiologue vice-présidente de la commission spécialisée maladies infectieuses et émergentes du haut conseil de la santé publique Mme Muriel Vayssier-taussat microbiologiste cheffe du département « santé animale » de l'institut national de recherche agronomique M. Pascal Boireau directeur du laboratoire de santé animale de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation de l'environnement et du travail

Benoît Jaulhac, professeur, directeur du Centre national de référence (CNR) des Borrelia :

Je vous remercie de m'avoir invité à vous présenter les aspects microbiologiques de la borréliose de Lyme. Le CNR des Borrelia, créé en 2002 et localisé à l'Institut Pasteur à Paris avant de s'établir à Strasbourg, exerce différentes missions, notamment la surveillance vectorielle. À ce titre, nous avons analysé plus de 23 000 tiques entre 2002 et 2011, puis, depuis 2012, plus de 17 000 nymphes, stade auquel l'animal transmet la pathologie à l'homme, en provenance de dix-sept départements français. Nos travaux ont montré une hétérogénéité géographique de la densité des tiques, avec un maximum dans la Meuse et un minimum dans les Landes, et une hétérogénéité saisonnière, avec un pic lors des mois de mai et de juin. Nous n'avons, en revanche, pas observé de tendance statistiquement significative à la hausse ou à la baisse sur les sites suivis sur la période. Une méta-analyse européenne réalisée dans vingt-trois pays, publiée il y a deux ans, montre également une stabilité du phénomène entre 2002 et 2013. Le taux d'infection des nymphes par une Borrelia varie entre 4 % et 20 % selon les régions françaises, avec une moyenne de 10 % environ sur le territoire national.

Le CNR surveille également l'infection par Anaplasma, un autre agent pathogène transmis par les tiques. Le taux d'infection des nymphes à cette bactérie s'établit à 1 % en moyenne en France, avec une variation entre 0 % et 2 % selon les régions. S'agissant des espèces de Borrelia, nous suivons particulièrement les régions Alsace et Bretagne, le Nord de la France étant davantage infesté que le Sud. Par ordre décroissant, les espèces détectées sur le territoire national sont les Borrelia afzelii, garinii, burgdorferi stricto sensu, lusitaniae et valaisiana. Les deux premières sont prédominantes dans les tiques surveillées ; elles sont responsables de 50 % à 70 % des cas de borréliose de Lyme en France. Dans les vingt-trois pays européens ayant fait l'objet de la méta-analyse précitée, cette proportion est en moyenne supérieure à 70 %, hormis dans les pays de la péninsule ibérique. Plusieurs Borrelia peuvent être simultanément observées dans une tique. Depuis quelques années, une espèce initialement isolée au Japon, la Borrelia miyamotoi, est observée dans environ 2 % des tiques en France comme en Europe, avec une variation entre 1,2 % et 3,7 %.

Le CNR a mis en place à un réseau de surveillance, par des cliniciens, des différentes espèces de Borrelia chez l'homme. Les prélèvements, analysés avec le consentement du patient, proviennent de biopsies réalisées dans le cadre du diagnostic ou du protocole de soins ou des liquides de ponctions articulaires. Sur les 2 200 prélèvements humains ainsi analysés, 221 étaient positifs. La majorité d'entre eux sont des prélèvements de la lésion, qui représente la porte d'entrée des bactéries ou des virus inoculés par la tique lors de sa piqûre. Cette étude nous permet de mieux connaître les micro-organismes injectés par la tique et capables de s'implanter chez l'homme. Il est apparu que 70 % des 221 échantillons positifs l'étaient à la Borrelia afzelii, 16 % à la Borrelia burgdorferi stricto sensu et 12 % à la Borrelia garinii. Aucun échantillon humain n'a, à ce jour, concerné une autre espèce. Les autres CNR européens - notre CNR travaille en collège au sein d'une société savante européenne - obtiennent des résultats identiques : les trois espèces précitées représentent la majorité des agents pathogènes isolés par culture ou par biologie moléculaire chez l'homme. Notez que la Borrelia valaisiana identifiée par les Suisses, présente dans 10 % à 15 % des tiques, n'a été détectée dans aucun prélèvement humain depuis plus de quinze ans en Europe.

Nous avons également étudié des cas de co-infection humaine par certains de ces agents pathogènes. Depuis 2012, un seul cas de co-infection par deux espèces de Borrelia a été observé, ainsi qu'un cas impliquant une Borrelia et le tick born encephalitis virus ou virus TBE et un cas de co-infection avec Borrelia et Anaplasma. Nos collègues européens obtiennent des résultats similaires et, aux États-Unis, où le virus TBE n'existe pas, des cas de co-infection par la Borrelia valaisiana ont été rapportés.

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