En amont de cette invitation, vous nous aviez adressé deux principales questions : l'une portant sur les tests et l'autre sur les manifestations cliniques de la maladie de Lyme. Comme infectiologue au CHU de Nancy, je me consacre davantage à la prise en charge clinique des patients qu'à la gestion des tests sérologiques que j'utilise au quotidien dans ma démarche de diagnostic. Si certaines manifestations ont été clairement associées à la maladie de Lyme, la présentation des patients n'est pas toujours aussi simple. L'accompagnement des patients exige de se fonder sur un ensemble de symptômes. J'ai par ailleurs présidé la mise en oeuvre du groupe de travail consacré à l'élaboration du protocole national de diagnostic et de soins (PNDS), qui représentait la troisième phase du plan de lutte contre la maladie de Lyme et a conduit ses travaux durant une année, d'abord sous la présidence de Jérôme Salomon, avant qu'il ne devienne directeur général de la santé et que je le remplace. Ce groupe a permis de mettre au jour de réelles divergences quant à l'approche de cette maladie.
D'un point de vue clinique, dans notre quotidien, les patients se rendent dans les centres de recours que sont les CHU avec un ensemble de symptômes et non un diagnostic de la maladie clairement établi. Ils s'interrogent sur l'éventualité de cette pathologie et non sur l'orientation thérapeutique. Notre prise en charge n'est pas seulement biologique mais également clinique. Elle peut alors conduire à réorienter les personnes vers une autre prise en charge spécifique ou, au contraire, à compléter le bilan avec des examens supplémentaires, dont la sérologie avec le test de dépistage Elisa, qui permet de vérifier si le patient a développé des anticorps contre la bactérie Borrelia ; ce premier test étant confirmé, en termes de spécificité, par un autre test, le Western Blot.
Notre pratique se limite à l'usage de ces deux tests, avant de proposer au patient, en cas de sérologie négative et de symptômes cliniques, une autre prise en charge multidisciplinaire destinée à déterminer la réelle cause de ses troubles. Des prises en charge multidisciplinaires ont ainsi été organisées à Nancy et Besançon. Elles associent divers spécialistes en fonction des signes présentés par le patient dans le cadre d'une prise en charge complète se déroulant sur une seule journée. C'est, à mon sens, un apport précieux pour les patients qui n'ont plus à connaître le temps d'errance et de solitude induit par la prise de rendez-vous espacée, dans le temps, entre divers spécialistes.
S'agissant de la place de la sérologie face à ces différentes situations cliniques, les spécialistes que nous sommes sont peu amenés à intervenir lors des phases primaires de la maladie ou les érythèmes migrants. Ceux-ci sont gérés par les médecins généralistes et sont généralement assez facilement reconnaissables : un simple examen clinique justifie alors un diagnostic et une prise en charge thérapeutique qui, selon nous, n'exigent nullement la réalisation de la sérologie qui peut s'avérer négative. Dans les phases ultérieures, avec quelques atténuations pour les phases précoces au niveau neurologique, si la sérologie ne permet pas toujours d'établir un diagnostic pour des patients présentant des manifestations cliniques d'une maladie de Lyme qui s'est installée de façon plus ancienne, elle permet, en revanche, de s'interroger sur le sujet. En effet, la sérologie permet de prouver le contact des personnes avec la bactérie Borrelia, sans pour autant que celles-ci développent la maladie de Lyme. Comme l'ont démontré des études de séroprévalence, des patients peuvent développer des anticorps, c'est-à-dire une réponse immunologique, sans présenter de signes cliniques. Il n'y a alors aucun sens de proposer un traitement. Dans le cadre d'un bilan standard, il est possible d'obtenir une sérologie de Lyme s'avérant positive. Il importe alors de prendre le temps nécessaire de dialoguer avec le patient et de répondre à ses questions, afin d'identifier d'autres troubles éventuels et de lui proposer des solutions adaptées.