Intervention de le docteur Hugues Gascan

Commission des affaires sociales — Réunion du 27 mars 2019 à 9:5
Audition commune sur les outils d'aide au diagnostic et le dépistage de la borréliose de lyme : pr christian rabaud infectiologue au centre hospitalier universitaire de nancy pr yves malthièry ancien chef de service de biochimie et ancien directeur d'unité inserm au centre hospitalier universitaire d'angers dr hugues gascan immunologiste directeur de recherche au centre national de la recherche scientifique M. Alain Trautmann immunologiste président du fonds de recherche « biotique » de la fédération française contre les maladies vectorielles à tiques

le docteur Hugues Gascan, immunologiste, directeur de recherche au CNRS :

Je suis immunologiste de formation et j'ai passé plusieurs années, après ma thèse, à Stanford, avant de diriger une unité Inserm à Angers pendant une quinzaine d'années, de même qu'une fédération de recherche, forte de 380 personnes, pendant dix ans. J'ai également animé la seule plateforme reconnue par l'État qui produisait des anticorps monoclonaux et m'a procuré une certaine compétence sur les tests Elisa. En outre, je me suis intéressé aux pathologies chroniques, qui longtemps ont été occultées par la médecine, et qui peuvent s'avérer inflammatoires, dégénératives, auto-immunes et tumorales. Pour des raisons familiales, je me suis intéressé à la maladie de Lyme. J'ai alors animé un projet de recherche qui a abouti, il y a dix-huit mois, au dépôt d'un brevet au CNRS avec une extension mondiale laquelle, à mon sens, donne de nombreuses clés sur la maladie, tant pour l'établissement de son diagnostic que de sa thérapie. Malheureusement, les controverses actuelles rendent difficiles la promotion de certains travaux. Enfin, j'assume les fonctions de secrétaire général de la fédération des maladies vectorielles à tiques qui rassemble 150 médecins impliqués dans le traitement de la forme complexe de la maladie de Lyme.

Cette pathologie n'est pas nouvelle. Des travaux remarquables, qui ont permis d'affiner sa compréhension, ont été conduits durant les années 80, comme l'illustre un reportage de la télévision française sur les entretiens de Bichat de 1987 où avait déjà été abordée cette pathologie. J'ai également participé aux travaux conduits par la Haute Autorité de santé (HAS) qui me semblent justifier de nombreuses interrogations.

Si l'agent pathogène de la maladie de Lyme est voisin de celui de la syphilis, elle n'est, en revanche, pas considérée comme progressive. Toute idée de chronologie doit ainsi être évacuée ; certains patients pouvant développer très vite des problèmes neurologiques d'une extrême gravité peu de temps après avoir été piqués, tandis que d'autres peuvent développer la maladie bien des années après. La tique peut être grosse comme une extrémité de doigt, ou avoir une taille de l'ordre du millimètre ; ce qui n'est pas sans donner lieu à de nombreuses incertitudes. Parallèlement aux travaux conduits par la HAS, un groupe relevant du département de la santé américain a réalisé un travail de synthèse destiné au Sénat des États-Unis, pour la préparation d'une loi de finances pour lutter contre les maladies vectorielles à tiques. Ce rapport reprend les grands points que nous avons évoqués aujourd'hui et ses conclusions s'avèrent voisines de celles de la HAS, tout comme des recommandations britanniques. Il est ainsi préconisé de mettre en avant le tableau clinique, et non la sérologie, comme preuve de la maladie.

Outre l'errance de patients qui sont orientés vers la psychiatrie malgré des signes cliniques avérés, 50 % des malades sont des enfants. La maladie de Lyme peut également être à l'origine de suicides : 1 200 suicides, en relation avec cette pathologie, ont été annuellement recensés aux États-Unis. La fédération des maladies vectorielles à tiques conduit actuellement ce recensement pour la France.

Il y a deux grands types de tests Elisa. Les premiers, apparus, dans les années 1950, s'inscrivaient dans une perspective probabiliste induite par l'application en épidémiologie des statistiques bayésiennes. Ils permettent ainsi de définir une probabilité d'être malade. Encore faut-il que l'agent pathogène soit à la fois virulent et unique ! Ces Elisa ne sont cependant pas calibrés, faute d'un étalonnage. Depuis les années 80, il est possible de mesurer les molécules et ainsi de les quantifier à l'aune d'unités reconnues à l'échelle internationale. Les Elisa ne disposent pas de maîtres étalons et répondent à trois catégories : positif, négatif ou douteux. En outre, avec trente-deux marques différentes d'Elisa, il est impossible de comparer ces tests, faute de l'existence d'un standard purifié et ainsi de préciser le seuil au-delà duquel la séropositivité est avérée. L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) se contente de fournir des recommandations d'ordre commercial. Mais, rien n'existe sur l'acuité et la sensibilité, pondérale et non statistique. Les résultats selon les marques des tests ne sont pas uniformes. Imaginez le tollé que provoquerait une telle situation sur le Sida ! Outre cette absence de standard, l'ensemble des pathogènes n'est couvert par aucun kit Elisa. Enfin, 30 % des personnes ne développent pas d'anticorps lorsque la bactérie pénètre leur organisme. Ainsi, seulement 50 % des cas de borréliose peuvent être détectés par le test Elisa. Les signes cliniques, au niveau de la HAS, prévalent, et non le résultat de la sérologie Elisa.

Sur la recherche, le plan Lyme a débuté en septembre 2016. Les deux derniers projets ont été lancés au printemps 2016. Depuis lors, aucun financement n'a été accordé, en France, à la recherche sur cette pathologie ; ce qui contraste avec l'effort financier consacré aux États-Unis, notamment autour de l'université Stanford, sur cette question.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion