Intervention de le professeur Alain Trautmann

Commission des affaires sociales — Réunion du 27 mars 2019 à 9:5
Audition commune sur les outils d'aide au diagnostic et le dépistage de la borréliose de lyme : pr christian rabaud infectiologue au centre hospitalier universitaire de nancy pr yves malthièry ancien chef de service de biochimie et ancien directeur d'unité inserm au centre hospitalier universitaire d'angers dr hugues gascan immunologiste directeur de recherche au centre national de la recherche scientifique M. Alain Trautmann immunologiste président du fonds de recherche « biotique » de la fédération française contre les maladies vectorielles à tiques

le professeur Alain Trautmann, immunologiste, président du fonds de recherche « BioTique » de la fédération française contre les maladies vectorielles à tiques :

Les médecins ont des avis opposés sur cette pathologie. La population est inquiète et une controverse s'est installée, principalement pour deux motifs : biologique et humain. En effet, la bactérie Borrelia est complexe et son intrusion dans l'organisme entraîne une maladie difficile à traiter. En outre, à la division des médecins sur le traitement à apporter à cette maladie, s'ajoutent les fausses informations propagées par certains.

La complexité de Borrelia résulte de ses différentes formes : elle peut prendre une forme spirochète et atteindre une taille de plusieurs centaines de microns, ce qui en fait une bactérie d'une taille importante. Cette bactérie, comme toute bactérie, peut entrer en forme dormante afin de résister aux agressions, comme les traitements antibiotiques. Cette forme dormante n'est pas reconnue de la même manière par l'organisme que la forme spirochète et n'induit pas la production, par l'organisme, d'anticorps spécifiques. La bactérie Borrelia n'est pas éliminée au terme d'un traitement antibiotique d'un mois, comme il a été démontré chez la souris, le singe et le chien. En réalité, le traitement de certaines maladies bactériennes implique des traitements prolongés, à l'instar de celui de la tuberculose qui exige la prise de sept antibiotiques en cocktail durant une période allant de huit mois à deux ans. Faut-il pour autant donner des antibiotiques à tout va ? Certainement, pas ! Les antibiotiques sont toxiques et s'attaquent à notre microbiote intestinal, certains patients atteints de la tuberculose pouvant décéder à la suite de leur traitement. Cependant, lorsqu'une personne souffre d'une maladie infectieuse grave, leur prescription s'impose !

Par ailleurs, la bactérie Borrelia ne se trouve pas, de manière pérenne, dans le sang puisqu'elle s'ingère très vite dans les tissus conjonctifs et cartilagineux. Cette présence complique, de manière objective, les tests de dépistage. En outre, cette bactérie perturbe profondément le fonctionnement du système immunitaire de la souris et il y a tout lieu de croire que c'est le cas chez l'homme. Enfin, aucun des trois symptômes principaux -la grande fatigue, les douleurs articulaires et les difficultés cognitives- n'est spécifique, de manière séparée, à la maladie de Lyme ; leur association peut en revanche être suggestive d'une pathologie, quand bien même la séropositivité serait négative.

Dernier point, la co-infection est la règle dans 85 % des cas de la maladie de Lyme; la présence d'autres pathogènes perturbe la réponse immunitaire et constitue ainsi un facteur aggravant.

Après les facteurs biologiques, il me faut évoquer les causes humaines de cette complexité. Certaines personnes, comme le Prix Nobel Luc Montagnier, qui préconise le traitement électromagnétique de la maladie de Lyme reposant, selon lui, sur la mémoire de l'eau, ou des thuriféraires de compléments alimentaires, peuvent propager de fausses informations et prétendent guérir de manière alternative cette maladie. D'autres personnalités, comme le président honoraire de l'Académie de médecine, le Professeur Marc Gentilini, prétendent que la maladie de Lyme chronique est tout bonnement une « arnaque » et que la bactérie Borrelia demeure très sensible, comme toutes les bactéries spirochètes, aux antibiotiques, un traitement court s'avérant, selon lui, efficace. Un autre professeur de médecine va également jusqu'à considérer comme absolue l'efficacité du traitement antibiotique de la maladie de Lyme qui ne peut, selon lui, dégénérer en affection chronique. Il conviendrait ainsi, toujours selon ce professeur de médecine, d'identifier d'autres causes aux symptômes cliniques que présentent les patients. J'en veux à ces personnes, qui s'appuient sur l'autorité de l'Académie de médecine et dissuadent, non seulement les médecins du département de l'Ain d'appliquer les recommandations de la HAS, mais aussi les pouvoirs publics à soutenir la recherche sur cette pathologie qu'ils estiment maîtrisée. C'est à mon sens une faute professionnelle que d'occulter les évidents problèmes engendrés par la maladie de Lyme ! J'espère, en revanche, que vos travaux déboucheront sur des recommandations en faveur du financement d'une recherche absolument indispensable.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion