Sur le partage de la valeur, les députés sont revenus sur une partie significative des principales modifications de fond apportées par le Sénat. À l'article 57, ils ont ainsi supprimé l'unification des taux dérogatoires de forfait social applicables à l'épargne salariale à 10 %.
Ils sont également revenus sur l'obligation de mettre en place un plan d'épargne d'entreprise en cas de signature d'un accord d'intéressement afin de favoriser l'affectation des sommes concernées à la constitution d'une épargne salariale, de même que sur la possibilité offerte aux entreprises qui mettraient en place pour la première fois un accord d'intéressement de pouvoir le signer à n'importe quel moment de l'année.
Les députés ont toutefois conservé la nouvelle procédure de sécurisation des exonérations de cotisations et contributions sociales attachées aux primes d'intéressement, lorsque l'accord d'intéressement n'a pas fait l'objet d'observation dans les quatre mois suivant le dépôt.
L'Assemblée nationale a supprimé l'article 57 bis DA, qui adaptait les règles de répartition de la réserve spéciale de participation dans les entreprises de travail temporaire, en particulier la condition d'ancienneté pour l'éligibilité au dispositif.
À l'article 58, l'Assemblée a supprimé l'obligation de mise en place d'un plan d'épargne entreprise, ou PEE, lorsqu'une entreprise propose un plan d'épargne retraite collectif, ou Perco, à ses salariés, alors que le Sénat avait maintenu cette obligation.
Enfin, à l'article 59 ter, si les députés ont conservé le principe de l'élection des représentants des salariés porteurs de parts au sein des conseils de surveillance des fonds communs de placement d'entreprise, les FCPE, ils ont toutefois rétabli l'exclusion des représentants de l'entreprise lors des opérations de vote, mesure préjudiciable au développement de l'actionnariat salarié.
Sur la place des entreprises dans la société, les députés ont réintroduit, à l'article 61, leur dispositif relatif à l'objet social et à la raison d'être des sociétés, alors que notre commission spéciale avait affiné la rédaction et supprimé tout risque juridique et contentieux, en précisant que la prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux s'effectuait « dans les conditions prévues par la loi ». Mais il est vrai que le Sénat, en séance publique, avait préféré supprimer purement et simplement cet article... Seul élément positif, nos collègues députés n'ont pas rétabli l'exigence d'une assemblée générale extraordinaire lorsqu'il s'agit de modifier les statuts d'une société afin d'y mentionner une raison d'être.
Concernant la société à mission prévue à l'article 61 septies, l'Assemblée a rétabli la plupart des dispositions contraignantes supprimées par le Sénat dans un souci de simplification. Reviennent ainsi le comité de mission, les effets de seuil avec la possibilité de désigner un simple référent se substituant à ce comité dans les entreprises de moins de 50 salariés, l'obligation d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou encore les modalités de contrôle de la mission...
Les dispositions relatives au fonds de pérennité à l'article 61 octies ont été largement modifiées par les députés. Ils y ont réaffirmé la dimension philanthropique du fonds qui apparaissait pourtant comme le principal défaut du dispositif pour le Sénat ; la nouvelle version de cet article crée donc à nouveau une confusion entre un fonds à vocation économique et les structures à vocation philanthropique, comme les fondations reconnues d'utilité publique.
Pour ce qui concerne les possibilités de contrôle d'une entreprise par une fondation reconnue d'utilité publique prévues à l'article 61 nonies A, les députés ont réintroduit la liste des actions autorisées que le Sénat avait supprimée par crainte d'une interprétation limitative, et substitué au report d'entrée en vigueur fixé au 1er janvier 2022 par le Sénat une application à compter de la première modification des statuts après la publication de la loi.
L'Assemblée a rétabli à l'article 62, dans le dispositif relatif à l'augmentation du nombre d'administrateurs salariés dans les conseils, le rapport au Parlement. Elle a en revanche conservé la dérogation pour les holdings familiales ayant un flottant inférieur à 20 %.
Pour ce qui concerne la formation des administrateurs salariés prévue à l'article 62 bis, au lieu de prévoir une formation devant se terminer avant le conseil d'administration arrêtant les comptes, les députés ont préféré une obligation de débuter la formation dans les quatre mois suivant son élection ou sa désignation. Ils ont en revanche conservé le délai prévu par le Sénat pour les entreprises bénéficiant aujourd'hui de dérogations.
L'Assemblée est par ailleurs revenue sur la sur-transposition que le Sénat avait supprimée concernant la transparence sur les écarts de rémunération qui figure à l'article 62 ter et elle a rétabli à l'article 62 quinquies A - malgré les risques juridiques considérables sur lesquels le Sénat avait alerté - la nullité des délibérations auxquelles a participé un administrateur ou un membre du conseil de surveillance nommé en violation des règles de représentation équilibrée des deux sexes.
Malgré leur absence de lien suffisant avec le texte, au regard de l'article 45 de la Constitution, l'Assemblée nationale a rétabli les articles 61 undecies, 61 terdecies et 61 quaterdecies assouplissant le régime des sociétés civiles de placement immobilier (SCPI).
S'agissant des dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne et des dispositions transitoires du chapitre IV, et en premier lieu, de la dématérialisation des factures d'électricité et de gaz à l'article 63 bis A, les députés ont conservé l'essentiel de la rédaction adoptée par le Sénat pour renforcer la protection des consommateurs. Toutefois, l'information sur la mise à disposition des documents par le biais d'un espace personnel a été limitée aux factures tandis que la mission d'identification par les fournisseurs des clients ayant des difficultés à payer leurs factures a été supprimée.
S'agissant de la transposition de la directive du 17 mai 2017 en vue de promouvoir l'engagement à long terme des actionnaires prévue à l'article 66, l'Assemblée a accepté de ne pas maintenir la disposition selon laquelle tout actionnaire peut demander communication de la liste des conventions entre la société et l'un de ses dirigeants ou principaux actionnaires lorsqu'elles portent sur des opérations courantes conclues à des conditions normales, que le projet de loi proposait initialement de rétablir, après sa suppression en 2011.
L'Assemblée a rétabli l'article 69 bis A supprimé en commission par le Sénat et habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnance la directive (UE) 2017/1371 du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2017 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union au moyen du droit pénal. L'Assemblée est également revenue sur la modification du régime de responsabilité de plein droit des agents de voyages, prévue par le Sénat à l'article 71.
Concernant l'Autorité de la concurrence, sous réserve de modifications strictement légistiques, l'Assemblée nationale a approuvé à l'article 71 bis l'habilitation transposant la directive du 11 décembre 2018 dite « directive ECN+ », et modifiant certaines procédures devant l'Autorité de la concurrence afin de les rendre plus efficaces.
Concernant la disparition des tarifs réglementés de vente du gaz prévue à l'article 71 ter, rendue nécessaire par la décision du Conseil d'État du 19 juillet 2017, l'Assemblée a repris la quasi-totalité du dispositif que le Sénat avait introduit dans la loi, plutôt que de renvoyer à une ordonnance, pour assurer la meilleure information et la meilleure protection possibles des consommateurs. Je regrette simplement que le prix de référence de la fourniture de gaz, qui devait être calculé et publié chaque mois par la Commission de régulation de l'énergie (CRE), ait été remplacé par la simple publication du prix moyen constaté sur le marché, auquel s'ajoutera la publication mensuelle de la marge moyenne des fournisseurs.
Concernant les dispositions relatives à l'électricité prévues à l'article 71 quater AA, l'Assemblée a certes conservé les dispositions introduites par le Sénat pour adapter le dispositif de fourniture de secours mais a en revanche rétabli l'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour mettre en conformité les tarifs réglementés de vente de l'électricité avec le droit européen en passe d'être adopté. Je conteste de nouveau vigoureusement ce choix qui dépossède de fait le législateur de sa compétence sur un sujet majeur pour nos concitoyens. Le dispositif adopté au Sénat pour organiser la transition la plus progressive possible - en distinguant les nouveaux contrats, qui ne pouvaient être souscrits au-delà du 31 décembre 2020, et les contrats en cours d'exécution, qui devaient s'éteindre progressivement jusqu'au 1er juillet 2023 - était parfaitement conforme au futur droit européen, et un tel calendrier paraît indispensable sur le plan pratique, compte tenu du retour d'expérience des précédentes phases d'extinction des tarifs et du nombre des sites concernés par cette nouvelle phase. Il est ainsi à craindre qu'un sort particulier ne soit pas réservé aux petites collectivités territoriales et aux associations, comme le texte du Sénat le prévoyait, et que la fin des tarifs pour tous les consommateurs non éligibles et pour tous les contrats en cours ne soit fixée au 31 décembre 2020, soit dans moins de deux ans, ce qui pourrait mettre en difficulté les plus petits clients.
Concernant l'information des consommateurs sur les offres et sur le marché de l'énergie et la mise en extinction des dispositifs transitoires liés aux précédentes étapes de réduction du périmètre des tarifs, l'Assemblée a validé la quasi-totalité du texte du Sénat, en prévoyant simplement qu'un arrêté encadre la présentation du comparateur d'offres du Médiateur national de l'énergie et la transmission des données par les fournisseurs. La suppression de l'article 71 quater sur le rapport de la CRE, qui a été réintroduit par le Sénat à l'article 71 quater AB, a par ailleurs été confirmée par les députés.
S'agissant des dispositions relatives à l'outre-mer, compte tenu du nombre important d'erreurs matérielles constatées par le Sénat lors de l'examen de l'article 72, celui-ci avait adopté l'amendement du Gouvernement visant à solliciter deux habilitations. L'Assemblée a néanmoins rétabli l'article 72 dans sa version initiale sous réserve d'amendements rédactionnels prenant en compte les modifications apportées par le Sénat.
Sur le chapitre V relatif au suivi et à l'évaluation, l'Assemblée a réintroduit l'article 74, qui prévoyait la création d'un comité d'évaluation de la loi. Elle a d'ailleurs augmenté sensiblement le nombre de thématiques -vingt-trois contre quinze lors de la première lecture à l'Assemblée... Un tel dispositif, outre son caractère constitutionnel contestable, s'avère d'une grande complexité et contraire à l'esprit même de la loi qui entendait répondre à une exigence de simplification.
Enfin, je rejoins l'analyse d'Élisabeth Lamure sur le contrôle légal des comptes : je n'en dirai donc pas plus.