Mes convictions sont plus qu'intactes. Le contexte de l'époque où a été créée France 24, marqué par la violence internationale, n'a fait que s'aggraver. Pour mémoire, c'est la prise d'otages de journalistes français en Irak, motivée par la remise en cause de la laïcité à la française, qui avait justifié la création d'un média international permettant de défendre nos valeurs. Dès le départ, le projet était d'émettre en plusieurs langues étrangères afin de pouvoir échanger avec les populations concernées et de réaliser des synergies entre la diplomatie et la politique culturelle. À cet égard, le projet du Louvre d'Abu Dhabi s'inscrivait dans une logique similaire visant à affirmer des valeurs et des principes de liberté à travers le prêt d'oeuvres culturelles.
Lors de ma prise de fonctions j'avais évoqué la nécessité de mobiliser la culture pour éradiquer la violence, ayant constaté l'écho entre les tensions internationales et nationales.
Les débats ont été longs et difficiles pour créer cette chaîne d'information internationale compte tenu des difficultés à faire travailler ensemble les acteurs publics et privés. Mais la structure du capital a, selon moi, moins d'importance que le choix qui a été fait de diffuser en plusieurs langues étrangères. Une confusion a été faite concernant la francophonie dont le rayonnement est assuré par TV5 Monde. Pour ce qui est de l'information il était essentiel que la vision française puisse être portée dans différentes langues. Dès le départ, le choix du français, de l'anglais et de l'arabe s'est imposé avant que l'espagnol, plus récemment, soit ajouté avec, néanmoins, un nombre d'heures insuffisant. La question qui se pose aujourd'hui est de savoir si la prochaine langue doit être le chinois ou le portugais.
Il y a un bon attelage entre France 24, RFI et Monte Carlo Doualiya qui permet une grande complémentarité.
Concernant l'information qui est diffusée, il me semble nécessaire de veiller à l'attractivité de notre pays. Alors que les médias relayent dans le monde entier la paralysie française qui se manifeste chaque samedi, il pourrait être utile de mettre en évidence une autre réalité qui tient aux différentes manifestations culturelles qui réunissent des milliers de français chaque week-end.
Il ne s'agit pas de développer une vision messianique ou éloignée de la réalité mais au contraire de réaffirmer la liberté des journalistes.
Un autre sujet concerne le périmètre européen : ce n'est pas parce que les étudiants et les artistes voyagent en Europe qu'on peut considérer que les échanges sont suffisants ! Je pense qu'il serait utile d'instaurer une nuit des cultures européennes avec des contenus destinés au grand public.
Concernant les moyens, j'ai toujours été étonné qu'on évoque les dépenses dans le secteur de la culture et les investissements dans celui de la recherche. Toute la problématique est de d'arriver à parler des dépenses d'investissement dans la culture à l'image du Louvre d'Abu Dhabi qui a constitué un vecteur d'accompagnement des entreprises françaises au coeur de notre stratégie de rayonnement.
Le financement de l'audiovisuel extérieur doit reposer d'une part sur la redevance, mais également sur d'autres ressources comme, par exemple, des crédits d'aide au développement puisque ce média constitue un moyen de développement et de formation de la jeunesse. Ce financement s'inscrit dans la bataille des priorités et le paradoxe français qui veut que si les questions culturelles sont stratégiques, leur financement n'est jamais considéré comme prioritaire. Il faut montrer les enjeux à l'image de la prochaine langue de diffusion. L'opinion publique a conscience des grands affrontements qui sont en cours.