Je vous remercie d'avoir pris l'initiative d'organiser cette audition portant sur la stratégie « Bienvenue en France » et sur le suivi de la réforme du premier cycle.
Avec « Bienvenue en France », l'objectif du Gouvernement est d'augmenter le nombre d'étudiants internationaux accueillis dans notre pays : ils sont à ce jour 324 000, dont 245 000 en mobilité diplômante. Notre ambition est de porter ce nombre à 500 000 d'ici à 2027, conformément aux prévisions globales d'augmentation de la mobilité internationale des étudiants au niveau mondial.
Le rapport de Campus France sur les chiffres de 2016 nous montre que cette préoccupation est justifiée puisque la France a décroché en matière d'attractivité, y compris sur les mobilités Erasmus. Nous savions déjà que nous n'étions plus dans les vingt premiers pays en termes d'augmentation du nombre d'étudiants.
L'objectif n'est pas de privilégier les étudiants de telle zone du monde par rapport à telle autre zone. Nous accueillons chaque année des dizaines de milliers d'étudiants en provenance de pays en développement, notamment d'Afrique francophone, ainsi que des dizaines de milliers d'étudiants venant d'autres pays du monde. Nous souhaitons mieux accueillir ces étudiants.
C'est la première fois qu'un gouvernement fait de la question de la qualité de l'accueil des étudiants une priorité. Une délégation de votre commission s'est rendue en Israël à l'automne dernier et elle a pu mesurer la révolution silencieuse qui est à l'oeuvre dans ce pays comme dans de nombreux autres pays : les jeunesses du monde sont de plus en plus nombreuses à vouloir accéder à l'enseignement supérieur et suivre des études à l'étranger.
Chacun aura constaté l'écart qui sépare nos universités des standards des universités étrangères. Face à cette concurrence, nous avons des atouts évidents, en premier lieu la qualité de la formation. Nous avons aussi des faiblesses, de plus en plus visibles à mesure que les étudiants retournent dans leur pays d'origine. J'ai échangé ces dernières semaines avec de très nombreux étudiants qui avaient étudié en France : tous saluent la richesse de la culture française et la qualité de la formation, mais il y a une vraie distinction dans la qualité de l'accueil entre les étudiants en école et les étudiants en université.
La difficulté du parcours apparaît dès la demande de visa, puis avec la recherche d'un logement, l'ouverture d'un compte en banque, les inscriptions administratives. Trop souvent, les étudiants internationaux nous disent être livrés à eux-mêmes pour accomplir ces démarches, tandis que dans d'autres universités, ailleurs dans le monde, ils sont immédiatement pris en charge et accompagnés de bout en bout. Le fossé est moins large dans le cas des étudiants francophones ; néanmoins, cette complexité s'impose à tous les étudiants.
Les étudiants internationaux ont désormais l'embarras du choix et nous devons donc les convaincre de choisir les universités françaises. C'est tout l'objet de cette stratégie.
Lors de l'examen de la loi ORE, le Sénat s'était majoritairement prononcé en faveur de la mise en place de droits différenciés pour les étudiants internationaux. Je sais que MM. Claude Kern et Stéphane Piednoir ont mené une mission sur ce sujet.
La priorité de notre pays en matière de diplomatie culturelle et d'influence est double : continuer à entretenir une relation privilégiée avec la jeunesse des pays d'Afrique francophone et rendre notre enseignement attrayant pour des étudiants venus d'autres continents, notamment les étudiants anglophones.
Réaffirmer la place particulière de notre partenariat avec l'Afrique francophone ne doit en aucun cas nous conduire à renoncer à attirer des étudiants venus d'autres pays. Je pense notamment à ceux d'Afrique anglophone. Pour ce faire, nous devons revenir sur des sujets que nous avons jusqu'à présent négligés : quelles formations et quels enseignements pour accueillir ces étudiants anglophones ? comment faire en sorte que ceux-ci soient, au moins au départ, dispensés en langue anglaise ?
Nous avons la chance de pouvoir compter sur une francophonie forte, mais pour attirer vers la France et vers la pratique du français des étudiants a priori non francophones, nous devons aussi réfléchir à la manière dont nous pouvons offrir à ces étudiants dès leur arrivée des enseignements intensifs en français langue étrangère.
La relation particulière que nous avons nouée avec les pays d'Afrique francophone et les pays du Maghreb doit être maintenue. C'est pourquoi la stratégie « Bienvenue en France » met fin à la baisse continue du nombre de bourses et d'exonérations pour les étudiants internationaux que nous observons depuis plus de dix ans. Les postes diplomatiques, majoritairement dans ces pays, pourront en proposer trois fois plus.
Ce n'est là qu'une partie de notre politique de soutien au développement et de solidarité internationale puisque les universités elles-mêmes, dans le respect de leur autonomie et à travers leurs stratégies d'attractivité, peuvent aussi prévoir des exonérations et attribuer des bourses. Dès le mois de décembre, j'ai demandé à tous les présidents d'université de me faire connaître leur souhait de partenariat privilégié. L'exonération des étudiants internationaux n'est pas un sujet d'actualité pour les universités puisqu'elles peuvent d'ores et déjà exonérer 10 % de l'ensemble de leurs étudiants. Parce qu'elles n'auront pas mis en place un dispositif d'accueil, parce qu'elles n'auront pas travaillé suffisamment leur stratégie internationale, parce qu'elles n'auront pas passé les accords que nous souhaitons qu'elles passent, elles pourront décider d'exonérer ces étudiants.
L'objectif étant bien celui d'un doublement d'ici à 2027 du nombre d'étudiants internationaux, cela implique que les universités mettent en place ces stratégies d'attractivité en y incluant ces outils de solidarité.
Dès cette année, le Gouvernement a mis à disposition de toutes celles qui n'avaient pas encore pensé leur stratégie 10 millions d'euros, notamment pour leur permettre de créer des guichets uniques d'accueil des étudiants internationaux, pour faciliter leur accès au logement, pour développer les formations de français langue étrangère.
Dans le contexte budgétaire actuel, si nous voulons financer durablement l'amélioration des conditions d'accueil des étudiants internationaux et si nous voulons pouvoir en accueillir deux fois plus, nous devons mettre en place un modèle redistributif. Avec un objectif simple : continuer à garantir qu'aucun étudiant international qui souhaite choisir la France n'en sera empêché pour des raisons financières. Cela passe par la mise en place de ces droits d'inscription différenciés pour les étudiants internationaux qui peuvent s'en acquitter.
Dès l'année prochaine, 33 000 étudiants internationaux bénéficieront d'une exonération des frais différenciés, auxquels s'ajoutent les étudiants accueillis dans le cadre d'Erasmus ainsi que les doctorants internationaux qui constituent 40 % des effectifs des écoles doctorales.
Pendant cette première année, les établissements peuvent définir cette stratégie internationale, qu'ils pourront développer à l'avenir. Selon les universités, celles-ci disposeront de deux à trois ans, en fonction du taux d'exonération qu'elles appliquent.
Les établissements pourront exonérer les étudiants totalement ou partiellement pour ramener les frais au niveau de ceux des étudiants communautaires, ils pourront mettre en place des grilles spécifiques en fonction du nombre d'étudiants demandant à les intégrer. Tout cela s'accompagne d'un soutien au développement de leurs partenariats avec les établissements étrangers afin d'accueillir davantage d'étudiants dans le cadre de programmes d'échanges. C'est ainsi qu'il sera possible de construire une véritable stratégie sans empêcher pour autant la mobilité en dehors de ces programmes d'échanges.
Au Kenya, où j'étais accompagnée du président de l'université de La Réunion, les étudiants qui souhaitent poursuivre leurs études supérieures peuvent le faire soit dans leur pays, soit dans les pays anglophones, où les droits d'inscription n'ont rien à voir avec ce qu'ils sont en France. En outre, la très grande majorité des pays demandent aux étudiants de démontrer qu'ils disposent des ressources nécessaires pour vivre sans être obligés de travailler.
Lorsque nous aurons doublé le nombre d'étudiants internationaux, nous tournerons nos efforts vers les étudiants en capacité, compte tenu de leurs ressources, de supporter des frais différenciés et vers les étudiants qui, comme actuellement, supportent des droits plus faibles tout en étant capables d'assurer leur existence, puis vers les étudiants internationaux qui sont obligés de travailler parallèlement à leurs études, obérant ainsi leurs chances de réussite. Les établissements devront veiller à mettre en place des bourses pour leur assurer des revenus suffisants et leur permettre ainsi de s'impliquer dans leurs études.
L'objectif est aussi d'amener les étudiants à choisir la France pour étudier et à y rester. Nous prenons deux mesures en ce sens : des droits différenciés pour les étudiants n'ayant pas de résidence fiscale en France - au bout de trois ans de présence en France, ils deviennent résidents fiscaux et sont considérés comme résidents communautaires - ; la possibilité de modifier les visas étudiant en visas de travail - souvent, les titulaires de master et de doctorat ou les bénéficiaires de bourses Cifre (conventions industrielles de formation par la recherche) ne peuvent pas accepter les contrats d'embauche qu'on leur propose à l'issue de leur stage, alors même que les filières en question embauchent ; c'est donc un moyen pour conserver les compétences des étudiants qui ont été formés dans nos établissements.
Au final, nous sommes donc très loin de la description quelque peu réductrice qui a été faite de cette stratégie « Bienvenue en France ».
Nous n'avons rien inventé. Depuis longtemps déjà, la très grande majorité des pays accueillant des étudiants étrangers appliquent les mêmes règles. Ainsi, les droits d'inscription pour ces étudiants sont de 8 000 euros à l'université de Maastricht, de plus de 6 000 euros au Danemark, de plus de 8 000 euros en Suède. En parallèle, ces pays ont développé un système d'exonérations et de bourses, ce qui les rend encore plus attractifs.
De surcroît, nous sommes attachés en France à un financement de l'enseignement supérieur par l'impôt. Nous ne sommes pas favorables à une hausse des droits d'inscription pour tous les étudiants : les étudiants français, les étudiants internationaux dont les familles résident durablement France et y payent leur impôt ne sont donc en aucun cas concernés par ces frais différenciés. Le décret prévu matérialisera cet engagement du Premier ministre.
La collectivité nationale continuera à prendre en charge environ les deux tiers du coût de la formation des étudiants internationaux.
Le deuxième grand volet de la stratégie « Bienvenue en France » répond à une demande de nombreux pays de tradition francophile ou francophone. L'envie d'une expérience d'enseignement international sera probablement de plus en plus forte chez tous les étudiants, y compris chez ceux qui n'auront pas la capacité de se déplacer physiquement. Nous devons donc participer à la construction ou à l'essor de nouvelles universités et de nouvelles écoles dans de nombreux pays.
Le plan « Bienvenue en France » donne un coup d'accélérateur très net à cette capacité de projection des formations et des établissements étrangers. Dès 2019, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a dégagé un financement d'amorçage de 5 millions d'euros et, à partir de 2020, l'Agence française de développement prendra le relais pour financer la mise en place de projets à hauteur de 20 millions d'euros par an. Parmi les projets qui verront le jour dès la rentrée 2019, citons l'Université franco-tunisienne pour l'Afrique et la Méditerranée et le campus franco-sénégalais.
Il y a quelques jours, j'accompagnais le Président de la République en Éthiopie et au Kenya et j'ai pu voir dans les universités d'Afrique anglophone à quel point les étudiants étaient en attente d'un signal clair de la part de la France, y compris à destination de ceux qui parlent peu ou mal notre langue. Si j'en crois les discussions que j'ai eues avec mes homologues, cela aurait pour effet de réintroduire l'enseignement du français dans l'offre scolaire de ces pays. Sur les 345 000 étudiants en mobilité internationale que compte le Kenya, nous en accueillons actuellement 150. La raison majeure pour laquelle nous n'en accueillons pas plus, c'est que ces étudiants considèrent qu'ils ne parlent pas suffisamment le français pour avoir des chances de réussir dans des enseignements dispensés en français, cependant que rien n'est fait pour améliorer leur niveau dans notre langue.
Je terminerai en disant un mot des chiffres qui ont circulé. Les seuls chiffres connus à ce jour sont ceux des demandes de préinscription en licence, et ces chiffres sont stables par rapport aux années précédentes. En moyenne, on compte une inscription pour quatre préinscriptions. Contrairement à ce qu'on a pu entendre, il n'y a pas de risque d'hémorragie des étudiants internationaux dans nos établissements.
Les candidatures en provenance de Chine et d'Indonésie ont très nettement augmenté, tandis que les candidatures en provenance du Sénégal, du Mali et du Bénin ont augmenté respectivement de 11 %, de 5,6 % et de 8 %. Nous devrons être à la hauteur de cette attente.
Les procédures pour les masters sont quant à elles toujours en cours. Le différentiel entre le nombre des préinscriptions et le nombre des inscriptions est encore plus important. C'est après la rentrée universitaire que nous pourrons juger des premiers effets réels de cette stratégie.
Je serai plus synthétique concernant la loi ORE et Parcoursup. J'ai eu l'occasion de vous présenter les améliorations apportées à la plateforme Parcoursup et à la procédure d'inscription lors de mon audition en janvier. Les textes officiels ont d'ailleurs été publiés ce matin au Journal officiel. Ces améliorations sont les suivantes : l'affichage des critères généraux d'examen des voeux ; l'instauration d'un référent handicap dans chaque établissement ; la désignation d'ambassadeurs étudiants pour favoriser le dialogue avec les lycéens ; la création de nouveaux services, avec une carte interactive des formations, permettant de voir où une formation est dispensée, des fiches de suivi et de liaison, pour aider les étudiants en réorientation qui se sentaient pénalisés par rapport aux lycéens car ils estimaient qu'ils n'avaient pas la capacité d'exprimer leur projet ; et enfin des mesures pour mieux accompagner les étudiants en situation de handicap.
Le Défenseur des droits a rendu public son avis. J'ai des échanges réguliers avec lui, même si nous ne sommes pas d'accord sur tout. Nous avons déjà apporté beaucoup de réponses aux problèmes qu'il a soulevés et sommes en train de préparer une réponse formelle à son avis.
Sur la mobilité géographique, notamment en Ile-de-France, j'ai décidé, dans le prolongement des travaux du sénateur Laurent Lafon, que le bassin de recrutement des formations en Ile-de-France serait la région académique tout entière, afin de mettre fin aux barrières administratives imposées par le découpage académique. Cette évolution est effective depuis le 22 janvier. Nous avons aussi augmenté de 10 %, soit 1 000 places, les capacités d'accueil des Instituts universitaires de technologie (IUT) en Ile-de-France.
On compte 1 500 formations de plus que l'an passé sur Parcoursup, avec notamment l'intégration des Instituts de formation en soins infirmiers (IFSI), ce qui signifie la fin des concours, des déplacements et des frais de concours payés par les familles. Enfin, 600 formations supplémentaires rejoindront Parcoursup l'an prochain : des formations paramédicales, des formations dépendant du ministère de la culture. L'arrêté prévoyant le report d'intégration a été publié ce matin.
Je veux aussi redire que les algorithmes locaux n'existent pas : il n'existe pas de système de traitement entièrement automatisé pour affecter les étudiants dans les formations. Il y a des commissions pédagogiques d'examen des voeux, des outils d'aide à la décision utilisés par environ 25 % des formations. Les critères généraux d'examen des voeux sont affichés sur la plateforme et varient selon des pondérations qui sont à la discrétion des commissions pédagogiques d'examen des voeux. La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a estimé que ce système était conforme à la loi et donc au Règlement général sur la protection des données (RGPD). Nous affichons clairement les critères d'examen, cela est garanti par décret. Nous avons renforcé la transparence de la plateforme : avec la carte interactive, l'affichage du rang du dernier appelé de l'année précédente, etc. La meilleure preuve de l'efficacité du système est le faible nombre de contentieux : moins de 15 contentieux individuels en 2018. Les contentieux sur l'accès aux documents administratifs ont d'ailleurs été surtout le fait d'organisations étudiantes et non d'étudiants. C'est ce qui s'est produit en Guadeloupe. Le Gouvernement ne partage pas l'appréciation du juge administratif et saisira le Conseil d'État.
Surtout l'état d'esprit des étudiants inscrits en licence a changé. Quelle que soit la réponse qu'ils ont reçue, un « oui » ou un « oui si », ils se sont sentis valorisés. Ils ont reçu une réponse et ne se sentent donc pas là par défaut parce qu'ils auraient été refusés partout ailleurs. C'est important pour la confiance en soi. Le taux d'abandon au 1er semestre a d'ailleurs diminué et le taux de succès augmente. Les étudiants inscrits dans des parcours « oui si » plébiscitent ces parcours, sans lesquels ils auraient peut-être abandonné. L'essentiel est donc bien la sensation qu'ont les étudiants d'être accueillis. Je tiens à remercier à cet égard les enseignants du secondaire et du supérieur qui ont remis les lycéens et les étudiants au coeur de leurs préoccupations.
Enfin, nous aurons bientôt l'occasion d'échanger sur la transformation des études de santé, avec la suppression du numerus clausus, l'évolution du premier cycle de médecine et la suppression des examens classant nationaux. Je suis prête à répondre à vos questions sur ce sujet.