C'est tout de même en augmentation !
Je commencerai mon propos en m'interrogeant sur la pertinence, voire l'optimisme, des hypothèses de croissance que vous avez retenues pour la construction de ce budget.
Vous estimez que la croissance du PIB se situera entre 2 % et 2, 5 % en 2007. Pourtant - c'est inexplicable et nous en sommes tous mécontents -, le « trou d'air » du troisième trimestre de 2006 augure des prévisions de ralentissement de la croissance mondiale pour 2007, malgré ce que nous a affirmé M. Breton.
Vous l'avez dit, monsieur le ministre délégué, nous avons les yeux rivés sur le monde extérieur, et nous savons que de cette situation découlent des incertitudes en termes de ralentissement des exportations et de hausse des taux d'intérêt. Je n'irai pas jusqu'à dire que vos prévisions sont erronées ; elles me semblent plutôt imprudentes.
Je serai maintenant beaucoup plus critique en ce qui concerne vos objectifs de maîtrise de la dépense publique. Ce matin, vous avez essayé de nous démontrer que, à périmètre 2006 constant, la dépense nette augmente moins que l'inflation. D'après vous, elle ne s'accroîtrait que de 0, 8 %.
Je réfute ce chiffre. J'estime que vous ne l'obtenez que par des artifices comptables, des transferts de dépenses sur les collectivités locales et la transformation de dépenses budgétaires en dépenses fiscales. M. Arthuis l'a dit également, même s'il a employé des termes différents.
Au titre de ces petits « arrangements » avec les principes de construction budgétaire, en particulier avec celui de non-contraction des dépenses et des recettes, je commencerai par vous rappeler la forte hausse - 4, 2 % - des prélèvements sur recettes, il est vrai au profit des Communautés européennes ou des collectivités locales. Comme le souligne de façon éloquente la Cour des comptes, il s'agit là, purement et simplement, d'une dissimulation de dépenses, même si je sais qu'elle vous est imposée.
Il y a un autre « arrangement » au détriment du principe de non-contraction qu'il me paraît important de relever, je veux parler des minorations de recettes par des dépenses fiscales, en particulier en ce qui concerne le prêt à taux zéro ou la défiscalisation de biocarburants.
On peut aussi parler de minoration de dépenses en évoquant les débudgétisations de dépenses financées par des affectations de recettes à des organismes tiers. À cet égard, je citerai notamment le financement d'une partie du fonds de solidarité par le transfert de la créance de 1, 2 milliard détenue par l'État sur l'UNEDIC et la réalisation d'une partie de cette créance ou encore le financement des 320 millions d'euros d'exonération de charges sociales sur le SMIC dans les entreprises de moins de vingt salariés par l'affectation d'une partie des recettes sur le tabac.
Parlons encore de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF, fonds de concours alimenté par un tour de passe-passe grâce à la cession des autoroutes ! Ce n'est d'ailleurs que l'une des multiples recettes non fiscales, dites conjoncturelles, en augmentation spectaculaire de 2, 3 milliards d'euros cette année, ce qui vous permet d'afficher un déficit public moins important qu'à l'habitude.
J'évoquerai ensuite la forte progression - 4, 4 % - des remboursements et dégrèvements sur impôts locaux. J'y ajouterai les dégrèvements de redevance audiovisuelle - en progression de 16 % - ou encore le versement de la prime pour l'emploi à des contribuables non imposables - 3, 3 milliards d'euros -, dont certains, et j'en fais partie, peuvent contester tant la nature que l'efficacité économique. C'est d'ailleurs un sujet sur lequel il faudra revenir.
Enfin, je citerai le problème de l'endettement de l'État à l'égard de la sécurité sociale et des collectivités territoriales.
La dette de l'État envers les organismes de sécurité sociale serait en augmentation, de 5 milliards d'euros à 6 milliards d'euros. On peut donc parler d'un milliard d'euros de dissimulation budgétaire, ce qui ne manquera pas, j'en suis sûr, d'être prochainement relevé par la Cour des comptes.
Au total, la dépense véritable de l'État, corrigée de tous ces éléments visant à la minorer, s'élève à 373, 5 milliards d'euros en 2007, contre 363 milliards en 2006, soit une hausse de 2, 9 %. Je ne peux donc que déplorer, une nouvelle fois, le fait que, malgré tous vos efforts, et ils sont réels, la dépense publique ne diminue pas ! Au contraire, son poids par rapport au PIB a augmenté de 1, 3 % depuis 2001, ce qui démontre que votre priorité ou celle de vos prédécesseurs n'a pas franchement été de la faire baisser en volume, contrairement à des engagements que vous qualifiez de vertueux.
Le coût de l'accumulation des déficits est un drame pour notre pays et pour les générations futures. Je reste persuadé que, malgré la prise de conscience, trop souvent refrénée par un certain nombre d'opérations comptables, qu'a révélée cette législature, les efforts en faveur de sa réduction n'ont pas été à la hauteur de son ampleur.
Je veux citer un exemple : sur les 68 milliards d'euros de plus-values spontanées de recettes fiscales encaissées entre 2002 et 2007, 60 % - soit 41 milliards d'euros - ont été affectés à l'augmentation des dépenses, 34 % - soit 23 milliards d'euros - ont été affectés à des réductions d'impôts et de cotisations sociales, alors que seulement 6 % - soit 4 milliards d'euros - ont été affectés à la réduction des déficits.
La charge annuelle de la dette, qui représente aujourd'hui la totalité du produit annuel de l'impôt sur le revenu, nous contraint à entretenir une pression fiscale forte sur nos entreprises, ce qui grève considérablement leur compétitivité.
D'autres personnes l'ont dit autrement, « l'attractivité fiscale de notre pays bute sur le mur de la dépense ».
Les prélèvements obligatoires se sont considérablement accrus durant cette législature, puisqu'ils sont passés de 42, 8 % en 2002 à 44 % en 2005. Certes, 2006 enregistre une légère baisse, de 0, 3 point. J'espère qu'il en ira de même en 2007, car cette tendance reste fragile.
Comme le rappelle souvent mon collègue Denis Badré, qui ne pouvait malheureusement pas être présent aujourd'hui, la vitalité de l'économie française dépend de la compétitivité fiscale de notre pays, qui aujourd'hui conduit toujours à l'expatriation de nos compétences et de nos capitaux. Nous ne retrouverons des marges de manoeuvre suffisantes qu'à la condition de maîtriser nos dépenses.
Alors qu'il enregistre un déficit supérieur à 40 milliards d'euros, le budget que nous examinons ne dénote aucune ambition économique.
En ce qui concerne la réforme de l'impôt sur le revenu, nous nous sommes exprimés l'an passé et nous avons dit qu'elle était injuste socialement, même si nous avons soutenu l'instauration du bouclier fiscal.
En contrepartie, puisque le coût de cette réforme nous alarmait dans un contexte de dérive croissante des déficits publics, nous avions adopté l'instauration d'un dispositif de plafonnement des niches fiscales, car ces dernières avaient fini par perdre tout leur sens à force de multiplier les niches de niches !
À la suite de la sanction du Conseil constitutionnel, monsieur le ministre délégué, - dois-je vous le rappeler ? - vous nous aviez promis une concertation afin d'aboutir à un nouveau plafonnement.
Je n'ai rien vu de cet ordre dans la loi de finances pour 2007. Qu'en est-il exactement ? Les prochaines échéances électorales expliqueraient-elles ce silence ?
En ce qui concerne les entreprises, vous pouvez bien inscrire à votre crédit la réforme de la taxe professionnelle, réforme tant décriée par les collectivités, mais qui a la vertu d'envoyer un signal fort aux entreprises grâce au plafonnement à 3, 5 % d'un impôt stupide économiquement puisqu'il vise à taxer les outils de production.
Tout serait normal si l'histoire s'arrêtait là et si nous n'en venions pas, d'une façon parfaitement schizophrène, à prendre de nouveau les entreprises pour des « vaches à lait » au travers d'un nouvel aménagement injuste du régime des acomptes d'impôt sur les sociétés, qui n'est pas compris par les milieux économiques.
D'autant que cela pourrait être assimilé à une pure mesure de rendement, ce qui, au regard des plus-values fiscales engrangées cette année, semble bien ridicule !
C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité déposer un amendement visant à établir une égalité de traitement entre les pénalités de retard dues par les entreprises à l'occasion de sous-évaluations et le trop-perçu par le Trésor public, auquel nous souhaiterions voir appliquer le régime des intérêts moratoires.
Ce projet de loi de finances aurait pu être l'occasion de poursuivre nos efforts en faveur d'un allégement de la pression fiscale et des charges sociales qui pèsent sur la compétitivité des entreprises. Malheureusement, il est un peu à l'image de cette législature, une nouvelle occasion manquée !
Alors que la situation des finances publiques dans notre pays méritait une courageuse réforme, elle n'aura connu qu'une prise de conscience tardive - avec le rapport Pébereau -, le début de la montée en puissance de la LOLF, de la réforme de l'État et de la culture de performance, ainsi que des réformes marginales dans des domaines qui pénalisent fortement les finances de l'État - je pense à la baisse des impôts -, et par là même hypothèquent l'avenir et l'ampleur des investissements futurs.
Dans ces conditions, monsieur le ministre délégué, il sera très difficile pour une large majorité des membres de mon groupe de voter en faveur d'un projet de loi de finances qui, comme la législature qui s'achève, laisse un goût amer de rendez-vous manqué !