Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, s'il ne fallait sans doute retenir qu'un seul chiffre au moment de commencer cette discussion, ce serait celui de 8, 6 millions.
Ce sont en effet 8, 6 millions de personnes qui sont bénéficiaires de la prime pour l'emploi, prime qui consiste, dans les faits, à faire financer par le budget général ce qui devrait normalement être pris en charge par l'entreprise elle-même, au titre de la rémunération du travail.
Ce sont aujourd'hui entre 30 % et 40 % des salariés qui perçoivent, chaque année, une partie de ce crédit d'impôt. Que l'article 3 du projet de loi prévoie une majoration de 55 euros et une possibilité de mensualisation ne change pas grand-chose au problème : c'est toujours en dehors de l'entreprise, lieu de la création de richesses, que se trouve la source du financement de cette prime !
Voilà sans doute ce qui traduit avec le plus de netteté, mais les « inventeurs » de la prime pour l'emploi n'y pensaient peut-être pas, la réalité de la situation économique et sociale du pays.
Des millions de salariés dans notre pays sont aujourd'hui confrontés à la précarité de l'emploi, des conditions de travail et de la rémunération. Ils sont également confrontés à la non-reconnaissance de leur qualification et de leur expérience.
Les trois quarts des bénéficiaires de la prime pour l'emploi sont non imposables après affectation de ladite prime, mais ils le sont tout autant en raison de la modicité même de leurs ressources.
N'oublions pas que 40 % des ménages salariés ne paient pas aujourd'hui d'impôt progressif ! Cette situation touche également 50 % des retraités de notre pays, attendu que la pension moyenne est aujourd'hui inférieure au SMIC.
Comment pourrait-il en être autrement quand on rencontre, au fil de nos déplacements dans les régions et dans les entreprises, des salariés qui ont vingt ans d'ancienneté, voire plus, dans la même société et qui ne sont encore rémunérés qu'à hauteur de 1 200 à 1 300 euros par mois, dans des secteurs d'activité aussi divers que le bâtiment, la métallurgie, les emplois de services aux particuliers ?
Dans de nombreuses branches d'activité, les minima salariaux s'avèrent, encore aujourd'hui, inférieurs au niveau du SMIC. Par ailleurs, pour bon nombre de salariés, la réduction du temps de travail n'est qu'un mythe ou un espoir sans cesse repoussé !
Quand le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale tiennent compte du chantage aux 39 heures exercé par les patrons de l'hôtellerie et de la restauration, et qu'ils favorisent sans contrepartie la défiscalisation et les allégements de cotisations sociales, que faut-il en conclure ?
Tout simplement que l'on met la politique de la nation au service exclusif des revendications de l'une des branches du patronat français, sans exiger d'elle la moindre contrepartie !
Les patrons de l'hôtellerie et de la restauration dans notre pays ne sont malheureusement pas les seuls en cause !
Il ne se passe pas de jour ni de semaine, ces derniers temps, sans qu'une entreprise annonce un plan social d'envergure touchant tout ou partie de ses capacités de production et supprimant des emplois.
Quand les forces de police viennent au secours des affairistes, comme cela a été récemment le cas chez Thomé-Génot à Nouzonville, dans les Ardennes, là encore, c'est l'ensemble de la philosophie de l'action publique qui est directement en question !
Sur cette affaire, l'État serait sans doute plus inspiré de s'interroger sur les agissements de certains investisseurs nord-américains dans l'économie nationale !
Notre appareil de production industrielle ne cesse, et ce depuis 2002, de connaître une réduction constante de ses effectifs, de ses emplois, de sa capacité productive, de son potentiel de développement.
Les privatisations menées depuis le début de la législature n'ont, au demeurant, rien arrangé, et nombre de situations, qu'il s'agisse d'EADS, de SAFRAN ou du rachat de Pechiney par Alcan Toyo et d'Arcelor par Mittal Steel, témoignent à l'envi du désastre économique engendré par les choix que vous avez cru bon d'opérer.
Depuis juin 2002, ce sont ainsi 265 000 emplois industriels qui auront été perdus dans notre pays. Cette perte sèche d'emplois affecte singulièrement la production de biens de consommation - je pense notamment à la crise du secteur textile -, celle de biens d'équipement et de biens intermédiaires. Cela prouve que rien, et surtout pas la relance de l'investissement des entreprises, n'est venu contribuer au maintien et au développement de l'emploi !
Après quatre ans et demi de gestion des affaires du pays par la majorité gouvernementale, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, nous habitons aujourd'hui dans un pays affaibli sur le plan économique !
Toute la politique du gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre délégué, a pourtant tendu à satisfaire les desiderata des ménages les plus aisés et ceux des cercles d'initiés du monde patronal, ce qui s'est traduit de manière pour le moins spectaculaire sur le plan budgétaire.
Il serait sans doute trop long ici de citer l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires qui ont pu être prises depuis le printemps 2002 pour faire droit à des aspirations largement partagées par l'extrême minorité de nos compatriotes !
Tout a consisté, depuis 2002, à assujettir la politique budgétaire de la nation aux seuls impératifs de rentabilité des capitaux, aux seuls gâchis de la finance, aux seuls intérêts des détenteurs de patrimoines « confisqués » puisqu'ils se sont constitués sur le dos des salariés.
En 2002, chers collègues, vous aviez voté une loi de finances pour 2003 qui prévoyait 53 milliards d'euros de produit de l'impôt sur le revenu, 25, 7 milliards d'euros de produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, et 112 milliards d'euros de TVA nette.
L'ensemble de la TVA nette et de la taxe sur les produits pétroliers représentait 44, 3 % des recettes fiscales nettes, contre 17 % pour l'impôt sur le revenu.
Pour 2007, le projet de loi de finances qui nous est proposé prévoit un montant de recettes lié à l'impôt sur le revenu d'un peu plus de 57 milliards d'euros - vous repasserez, monsieur le ministre délégué, pour la baisse ! -, mais un montant de recettes lié à la TVA de 133, 5 milliards d'euros nets et un montant de recettes lié à la TIPP de 18, 8 milliards d'euros, somme qu'il convient de majorer des 6, 4 milliards d'euros de TIPP dédiées à la compensation des charges transférées aux collectivités locales.
Rapporté au volume des recettes fiscales nettes à périmètre constant, l'impôt sur le revenu ne représente plus que 16, 3 % du total, contre 45, 3 % pour l'ensemble constitué par la TVA nette et la TIPP.
L'examen du projet de loi de finances pour 2007 vient donc clore une législature marquée par le décalage entre les capacités contributives et les impositions réelles.
Les dispositions fiscales que vous avez votées, chers collègues, depuis le printemps 2002, n'ont fait qu'accroître plus encore les inégalités sociales puisque, comme je viens de le démontrer, rapportés à l'ensemble des recettes de l'État, les droits indirects liés à l'acte de consommer sont chaque année plus forts et plus présents.
Une impression d'étrange peut d'ailleurs habiter le contribuable à la lecture de ce projet de loi de finances pour 2007.
En effet, malgré vos efforts de communication, qui se résument à la formule « baisse des impôts, baisse des dépenses, baisse des déficits » - pourquoi ne pas ajouter « je lave plus blanc que blanc » ! - la situation paraît assez inédite.
Si l'on se fie à vos hypothèses économiques, l'État percevra en 2007 près de 9 milliards d'euros de recettes fiscales nouvelles.
Cependant, il ne consacrera finalement que moins de 2 milliards d'euros au financement des dépenses nouvelles, qui sont d'ailleurs pour l'essentiel centrées sur les priorités affichées de l'action gouvernementale - notamment la justice et sécurité.
Les Françaises et Français payeront donc en 2007 plus d'impôts, et singulièrement plus d'impôts indirects prétendument invisibles, ...